Clôture De La Quatrième Session Extraordinaire : Discours De SEM Guillaume K. SORO – Président De l’Assemblée Nationale

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Honorables Députés, chers Collègues,

Vous me permettrez de saluer et remercier  l’ensemble des parlementaires et des invités présents ce jour dans cet hémicycle.

Comme vous le savez, notre Assemblée nationale s’est réunie du 12 au 23 août, dans le cadre  de la 4ème Session extraordinaire 2013 de notre Parlement.

Cette session a été organisée par nos soins, sur proposition de SEM le Président de la République.

Elle portait sur différents Projets de Lois proposés par le Gouvernement, projets qui concernaient :

1.      Un Projet de Loi fixant les règles relatives à la commercialisation du coton et de l’anacarde et à la régulation des activités des filières coton et anacarde ;

2.      Un Projet de Loi relatif au délai accordé pour la constatation des droits coutumiers sur les terres du domaine coutumier et sur une modification de la législation relative au domaine foncier rural ;

3.      Un Projet de Loi portant dispositions spéciales en matière d’acquisition de la nationalité par déclaration ;

4.      Un  Projet de Loi portant modification de certains articles de Lois concernant le Code de la nationalité ;

5.      Un Projet de Loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de New York de 1954 relative au statut des Apatrides ;

6.      Un Projet de Loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de New York de 1961, sur la réduction des cas d’apatridie ;

7.      Un Projet de Loi autorisant le Président de la République à ratifier le Traité relatif à l’interconnexion électrique Côte d’Ivoire-Libéria, Sierra Léone-Guinée.

Au terme de ce cycle parlementaire très fourni, il y a, selon moi, deux messages qu’il me revient de vous délivrer :

–       Le premier consiste à vous féliciter pour la ponctualité, l’assiduité et le sérieux dont vous avez fait preuve, alors que vos obligations d’élus de la République vous conduisaient à renoncer à la période de vacances parlementaires, que vous aviez portant bien méritée, au terme de la première session ordinaire de notre Assemblée ;

–       Le second est plus important encore, car il consiste à exprimer ma satisfaction, pour l’état d’esprit qui a régné au sein de notre Assemblée tout au long de ces travaux : vous avez su allier l’esprit critique, indispensable à la recherche des solutions les plus appropriées aux différentes questions qui nous étaient posées, et la vision synthétique, qui nous permet de nous rassembler autour d’une position consensuelle, dont on peut dire que, finalement, elle fait l’unanimité, puisque tous les Projets de Loi ont été adoptés.

Vous me direz qu’en vous soumettant à cette discipline et en faisant preuve de ce dynamisme intellectuel, vous n’avez fait que votre devoir et qu’il est dans l’ordre naturel des choses que vous vous montriez à la hauteur des responsabilités qui sont les vôtres.

Vous ajouterez, et vous aurez raison, que c’est ce qu’attendent de vous les citoyens qui vous ont accordés leur confiance et vous ont confiés la lourde tâche de les représenter, ce qui signifie être à leur écoute et se faire l’écho de leurs préoccupations.

Honorables Députés, Chers Collègues,

Tout le monde connaît bien le célèbre aphorisme du Baron Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux Olympiques modernes : « L’important, c’est de participer ».

Mais je ne suis pas persuadé que l’on ait accordé à cette expression toute l’attention qu’elle mérite, et c’est pourquoi je rappelle volontiers cette autre formule que le Baron aime à répéter, et je cite :

« Chaque difficulté rencontrée doit être l’occasion d’un nouveau progrès ».

Cela signifie, vous l’aurez compris, que participer, ce n’est pas se contenter d’être présent, mais bien au contraire, faire appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer, pour donner à chaque instant le meilleur de nous-mêmes, au service des populations que nous avons le grand honneur et la noble mission de représenter.

Il y en a sans doute, parmi nous, mais ils sont de moins en moins nombreux, qui sont souvent absents, ou, c’est sans doute plus fréquent, qui sont « absents », alors même qu’ils sont présents : il en est quelques uns, au cours de chaque session, qui ont la malchance d’être pris en flagrant délit de somnolence, sous l’œil impitoyable des caméras de la télévision…

Mais ce ne sont là que rares exceptions, qui ne font que confirmer la règle : dans leur immense majorité, les Honorables Députés de Côte d’Ivoire, participent activement à la vie parlementaire et contribuent efficacement au rayonnement national et international de notre Assemblée.

J’ai déjà insisté, par le passé, sur l’éventail que représente la riche palette de notre travail parlementaire, mais, en examinant le sens du terme de « participation »,  j’y reviens bien volontiers, car il est important que nous soyons tous sur la même longueur d’ondes, ou, si vous préférez, que périodiquement, nous accordions nos balafons !

Pour un Honorable Député, participer, c’est :

Être à l’écoute de la population, je veux dire de toute la population, car bien souvent, la tentation de la facilité nous conduit à n’interroger que celles et ceux qui pensent comme nous et qui ne peuvent, de ce fait, que nous conforter dans nos certitudes et notre auto satisfaction ;
C’est informer la population de la situation qui prévaut dans le pays et des conséquences que ce contexte général peut avoir sur leur situation particulière ;
C’est annoncer les décisions que l’exécutif envisage de prendre et que les Députés sont invités à valider, en mettant en exergue l’impact positif que l’on est en droit d’en attendre ;
C’est se faire l’écho de ces échanges de proximité auprès des instances qualifiées de l’Assemblée nationale, afin que le corps parlementaire, dans sa globalité, puisse prendre le pouls de la nation et rendre compte au Président de la République et à son Gouvernement du vécu quotidien des ivoiriennes et des ivoiriens.

Ayant eu moi-même l’occasion et le privilège de sillonner de nombreuses régions, je puis me permettre de résumer mes impressions, (à charge pour vous de me dire si vous les partagez !), en les formulant ainsi : de l’optimisme, pourquoi pas, mais d’abord du réalisme ; de la croissance, bien sûr, mais d’abord de la confiance !

Alors que se lève à nouveau le soleil d’une espérance raisonnable en des jours meilleurs, il est important que l’ensemble des communautés se sentent impliquées et concernées dans la difficile construction de l’unité de la nation.

La Session de l’Assemblée nationale qui s’achève aujourd’hui, a été, me semble-t-il, un bon exemple de la façon dont il convient que les différents responsables politiques se concertent et se conduisent, pour gérer de façon collégiale et consensuelle, les affaires du pays.

Honorables Députés, Chers Collègues,

Il n’est pas dans mes intentions de rappeler ici toutes les discussions qui ont été engagées, non plus que toutes les décisions qui ont été prises, au cours de cette 4ème Session extraordinaire 2013, car il me faudrait insister sur chacune des étapes, mettre l’accent sur chacune des interventions, en un mot refaire dans son intégralité, l’itinéraire parlementaire que vous avez emprunté.

Ce que je souhaite en revanche, c’est mettre l’accent sur les aspects les plus importants qui méritent d’être retenus et qui pourront, dans nos débats futurs, servir d’exemple et de référence et enrichir notre expérience.

C’est dans cet esprit et dans cette perspective, que je voudrais insister sur les 4 points suivants :

Nous n’avons pas reculé devant la nécessité d’aborder les questions les plus sensibles et par là même les plus importantes, car nous avons pris la courageuse décision de considérer que, désormais, rien de ce qui est ivoirien ne doit nous être étranger : il n’est pire faiblesse que de rester insensible aux souffrances et aux frustrations de nos concitoyens ; il n’est pire affront à la grandeur de notre culture et à la tradition de notre civilisation, que de demeurer indifférents aux coups du sort qu’ont eu à subir, au cours de cette malheureuse crise que nous avons traversée, certains de nos compatriotes, et singulièrement les plus démunis et les plus vulnérables d’entre eux.

J’en veux pour preuve la question de la signification et de l’origine de la citoyenneté, que nous avons été amenés, en toute transparence et en toute liberté, à poser à travers nos discussions sur la réforme du code de la nationalité et sur l’Apatridie.

Sollicités sur cette question, nous sommes rapidement tombés d’accord sur l’urgence qu’il y avait à clarifier cette notion et à en définir, pour notre propre pays, les contours législatifs appropriés.

Chacun de nous a pris conscience qu’il s’agissait d’un problème de conscience, que de donner à chaque être humain l’assurance qu’il lui était permis d’être un citoyen et, à ce titre, d’appartenir à une communauté respectueuse de l’identité de chacun de ses membres.

Comme on l’a dit excellemment, la citoyenneté est un droit fondamental, car elle n’est rien moins que « le Droit d’avoir des droits ! ».

Cette idée, (j’allais dire ‘cet idéal’), remonte aux années 30 et par conséquent à l’époque de la création de la première organisation à vocation universelle, la « Société des Nations » : la Convention de La Haye de 1930 est la première tentative visant à assurer à chacun une nationalité, et elle sera reprise dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, qui stipule, en son article 15, que « tout individu a droit à une nationalité » (et que) « nul ne peut être arbitrairement privé de ce Droit ».

Nous le constatons chaque jour, ou mieux, nous le ressentons : un individu qui se trouve, par un malheureux concours de circonstances, privé de ce droit à un lien juridique avec un État, est en quelque sorte livré à lui-même et réduit à l’état de nature, puisque l’homme ne se cultive et ne devient « civilisé », qu’à travers les  règles et les principes que chaque membre d’une communauté s’engage à respecter.

« Livré à lui-même », « sans foi ni loi », telle est la créature de Dieu que ses semblables ont privé de son identité et de son droit légitime à la protection d’un État.

Comme le rapporte une victime de l’ « apatridie », et je cite :

« S’entendre dire ‘non’ par un pays où je vis, par le pays où je suis née, s’entendre dire ‘tu n’es pas des nôtres’, vous  donne tout simplement l’impression de ne pas exister ». (fin de citation).

Voilà pourquoi je rappelais tantôt que les autorités n’ont pas voulu se contenter de fuir leurs responsabilités et, ce faisant, de contribuer à augmenter indéfiniment le nombre d’apatrides sur la terre comme  dans notre propre pays.

La rançon de ce courage, ce sont les querelles qui ont pu naître au sujet de ce projet de modification du code de la nationalité et de la question de l’apatridie qui lui est liée.

 Autant il est normal qu’il en ait été ainsi, autant il aurait été regrettable qu’il n’en fût rien, car cela aurait montré que nous ne partagions pas une même volonté de faire évoluer notre législation, à la lumière des avancées que cela représente, pour la défense et la promotion des droits humains.

Le second point sur lequel je voudrais insister, c’est le fait que cette nécessité que nous nous sommes imposée de faire évoluer notre législation en matière de citoyenneté et d’apatridie, était en même temps une obligation qui nous était imposée par la communauté internationale.

Je m’explique :

C’est une règle universelle, pour un État qui veut faire partie intégrante de la « civilisation de l’universel », pour reprendre la formule de Senghor, de faire en sorte que sa législation nationale soit conforme aux dispositions pertinentes de Droit international.

Il existe donc des Droits qui relèvent de la souveraineté des États et pour lesquels chacun d’eux peut légiférer à sa guise, mais l’idée s’est peu à peu imposée au cours du XXème siècle, que le respect des Droits de l’homme était une exigence universelle dont la portée supplantait les dispositions du Droit que chaque État pouvait prendre au niveau national.

Or nous sommes bien dans ce cas de figure, quand il s’agit de légiférer sur la question de la citoyenneté, que cette question se pose en termes de nationalité ou d’apatridie : l’existence d’un lien authentique entre un individu et un État, (que ce lien soit dû à la naissance, à la résidence ou a l’ascendance), nous fait obligation de respecter une exigence qui dépasse les contingences nationales, celle de lui accorder un statut juridique défini et reconnu.

C’est donc pour se conformer à cette exigence que le Parlement a été invité à légiférer, afin d’autoriser le Président de la République à ratifier les Conventions de New York de 1954 et de 1961 sur le statut des Apatrides, et à modifier certains articles de notre code de la nationalité.

Qui pourrait sérieusement déplorer que l’État de Côte d’Ivoire fasse diligence pour simplifier et accélérer les procédures de naturalisation, afin que, le plus tôt possible, les ivoiriens puissent s’asseoir à la même table et partager les fruits de la croissance qu’ils ont tous contribué à générer ?

La démarche de l’État de Côte d’Ivoire s’inscrit donc dans le droit fil des efforts incessants que nous déployons pour retrouver notre place dans le concert des nations, en mettant tout en œuvre pour lutter contre toutes les formes de discrimination et pour que soient respectés, dans tous les domaines et en toutes occasions, l’ensemble des droits fondamentaux de la personne humaine.

Le troisième volet de ce bref rappel des idées force qui guident nos choix et permettent de donner un sens et une cohérence à toutes les décisions que nous prenons, concerne la remarquable harmonie qui caractérise aujourd’hui la coopération entre les différentes Institutions de notre pays.

Je disais tantôt que « nous avons pris la courageuse habitude de… », et cetera : c’est sur ce « nous » que je voudrais me pencher maintenant.

Le spectacle désolant de ces luttes intestines entre les partis, de ces rivalités de préséance entre l’exécutif et le législatif, de ces conflits de compétence entre la justice et la police, de ces suspicions perpétuelles entre les Institutions de la république et le 4ème pouvoir médiatique, m’amène à me poser, naïvement sans doute, cette simple question : est-ce que tout ce remue ménage et toutes ces querelles s’expliquent et se justifient par la défense des véritables intérêts de la population?

Ne sont-elles pas plutôt des freins et des obstacles à la prise en considération du sort du peuple en question ?

Comme il y a de grandes chances pour que ce soit le cas et que ces heurts et malheurs se déroulent au mépris de l’intérêt du plus grand nombre, permettez que je me réjouisse que la Côte d’Ivoire traverse aujourd’hui une période de bonne entente entre toutes les forces vives de la nation.

Fasse le ciel qu’aucun d’entre nous n’ait à souffrir, à l’avenir, de ce que j’appelle le « syndrome de l’aéroport », qui consiste, pour un voyageur, à ne plus pouvoir rester dans l’État qu’il vient de quitter, sans pour autant pouvoir retourner dans le pays où il est né, où il a grandi, où il a appris, où il a aimé, condamné à arpenter indéfiniment les  tristes couloirs d’un aérogare sans issue et sans nom…

Quatrième et dernier volet enfin, et c’est, comme il se doit, le plus important : nous avons, vous avez, Honorables Députés, administré la preuve que la démocratie est bel et bien en gestation dans notre pays.

C’est le sens que je voudrais donner à cette belle formule du philosophe Henri BERGSON, et je cite : « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Fin de citation.

J’ai dit « en gestation », car, plus le temps passe et plus l’expérience s’accumule, plus j’ai le sentiment que l’on n’atteint pas, un beau matin, un résultat qui serait comme la réussite à un examen que l’on passe une fois pour toutes, comme le permis de conduire.

Non, la démocratie, ça ressemble davantage à un permis de construire : quand on l’a obtenu, il reste à bâtir la maison et, comme le disent nos vieux parents, on ne cesse de la parfaire toute sa vie.

Mais nous concernant, ce qui me rassure, c’est que nous avons déjà rassemblé tous les matériaux nécessaires pour que notre demeure soit à la fois sûre et hospitalière :

Notre démocratie sera sûre, car elle n’est pas construite de bric et de broc, mais à l’aide d’un ciment qui scelle les véritables constructions politiques : la discussion qui précède la décision, la confrontation des idées qui conduit à un consensus.

Plus les divergences étaient grandes au départ entre les représentants de la nation, plus les négociations ont dû être longues et animées.

Mais enfin, à l’arrivée, quand la lune se lève au soir à la veillée, on obtient la récompense tant espérée : un accord entre toutes les personnes de bonne volonté.

Il est toujours tentant, pour les oiseaux de mauvaise augure, de faire comme si la décision n’avait pas été prise, concernant toutes les questions qui nous étaient posées, de façon autonome et délibérée, et de répéter à l’envi que le consensus dissimule des instructions « venues d’en haut »…

Mais il faut le leur rappeler avec force : en haut, il y a la Loi, en haut, il y a le peuple ivoirien qui a manifesté sa volonté de vivre ensemble, en bonne intelligence avec tous ses hôtes et au milieu de tous ses concitoyens.

Notre démocratie sera hospitalière, car nous sommes tous concernés par ces décisions que nous avons prises et elles nous permettent de traiter chaque ivoirien, mais aussi chaque étranger, sur un pied d’égalité, dans le respect mutuel et le partage des libertés.

Que notre démocratie soit encore fragile et parfois même balbutiante, qui pourrait s’en étonner : nous revenons de si loin …

Mais qu’elle soit ambitieuse et prometteuse, qui pourrait le nier.

Après tout, l’idéal démocratique n’est jamais un fait ni un acquis, quel que soit le pays qui la cultive. Mais nous partageons désormais, avec les grands pays démocratiques, cette conviction qui est en même temps une promesse : nous le savons bien, nous le savons tous, elle n’est jamais un fait accompli ni un acquis défini, la démocratie est toujours une exigence et une espérance.

L’avenir de notre démocratie n’est pas tel qu’il est écrit qu’il sera, mais tel qu’il sera écrit, c’est-à-dire tel que nous parviendrons à l’écrire ensemble.

Désormais, ce n’est donc plus le prestigieux Pierre de Coubertin qui le dit, mais les modestes ivoiriens que nous sommes :

« Chaque difficulté rencontrée (sera pour nous) l’occasion d’un nouveau progrès » : Oui, face à la nation, nous nous y engageons !

Cette exigence, cette espérance, cet engagement, je les partage avec vous et je vous en remercie.

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