Présidentielles Maliennes: Les Leçons D’une Campagne

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Dans l’histoire contemporaine de l’Afrique subsaharienne, pour la première fois, des organisations dites théocratiques, mais totalitaires, avaient réussi à occuper, de manière assez durable, une grande portion du territoire national d’un Etat post-colonial africain, le Mali, afin d’y instaurer leur « loi ».

Envers et contre tout, le Mali a réussi à relever le défi de la date

Et, pour la première fois également, une mobilisation internationale sans précédent, portée par la France, a permis de détruire l’hydre tentaculaire djihadiste. Dans deux jours, les Maliens se rendront aux urnes, et rares sont ceux et celles qui y croyaient vraiment, à commencer par les Maliens eux-mêmes. Envers et contre tout, le Mali a réussi à relever le défi de la date, malgré les polémiques et le pessimisme propagés par certains « prophètes » de malheur. Car, s’il existe, sur notre continent, un sport politique qui se porte bien, c’est celui du report des élections. D’ailleurs, il ne faut pas sous-estimer, avec le cas malien, la détermination de Paris, trop pressée de refermer la page de l’opération Serval.

Rappelons que Serval a permis d’éviter la « somalisation » du Mali. Au moment où les Maliens s’apprêtent à voter, le scrutin de dimanche ne laisse pas du tout l’Afrique indifférente, encore moins la « communauté internationale » qui s’est tant dévouée pour que le Mali retrouve son intégrité territoriale, et que le pays puisse renaître, politiquement. D’ores et déjà, plusieurs enseignements doivent être tirés de la campagne électorale malienne. Mais avant d’en arriver là, il convient de rappeler que la crise malienne nous a bien montré, pour un régime démocratique fonctionnel, que rien n’est plus dangereux que l’apathie et l’indifférence du peuple. De même, rien n’est plus fragile que le régime démocratique, comme on a pu le voir avec l’occupation djihadiste du Nord du pays et le coup d’Etat perpétré par le capitaine Sanogo.
Plus qu’une réalité empirique, tout comme la tolérance, la démocratie, c’est d’abord une valeur au nom de laquelle, tant d’êtres humains ont sacrifié leur vie.
Tenir au régime démocratique, c’est donc opter pour les valeurs qui y correspondent telles que la sacralité de la vie humaine, l’attachement aux pluralismes religieux, intellectuel et politique, et surtout le sens du compromis.
Un démocrate, c’est quelqu’un qui est capable d’échanger des idées dans le respect et la compréhension de gens issus des horizons les plus divers. Sur ce point précis, on peut dire que tous les candidats aux présidentielles maliennes se sont véritablement comportés en démocrates sincères. Ce qui a eu comme conséquences politiques positives, le fait que nous n’avons pas assisté, durant toute la campagne, à des affrontements violents entre militants des partis en compétition, des scènes souvent banales sur le continent africain.

Le Mali devra relever deux défis : la participation populaire et la transparence du scrutin

Pourtant, nous le savons bien, les passions, les émotions, voire l’irrationnel, jouent un rôle fondamental dans les campagnes électorales et dans l’avancée démocratique des peuples, la démocratie étant, en son essence, un lieu « civilisé » de conflits et d’affrontements. C’est pourquoi, avant d’être un régime politique, elle est, avant tout, une mentalité, une culture, c’est-à-dire un ensemble de mœurs. Et, c’est la transformation des mœurs politiques qui engendre, pour toute collectivité, de précieux effets juridico-politiques. Au Mali, la campagne électorale n’a pas ouvert la voie à des démagogues populistes. Pourquoi ? Parce que le peuple malien fait preuve d’une maturité politique étonnante.

La concurrence entre partis politiques pour la conquête et l’exercice du pouvoir, ici, a été donc pacifique. Elle exclut le recours à la violence et au terrorisme. Et quand elle est réelle et vivante, la démocratie exclut les coups d’Etat. Dans un régime démocratique, le pouvoir à vie est impossible et inconcevable.
Avec ces élections de dimanche prochain, le Mali devra relever deux défis : la participation populaire et la transparence du scrutin. Le président qui sera élu devra l’être de manière transparente, propre, afin que, politiquement, il soit vraiment crédible.

Dès lors, il pourra suivre, plus facilement, la voie d’une politique sage et efficace.
Mais la démocratie, c’est aussi le souci du bien-être du peuple. Car, la population malienne reste majoritairement rurale, pauvre, analphabète, privée des ressources les plus élémentaires. La renaissance économique et commerciale du pays constitue plus qu’une nécessité. Sur ce plan, la renaissance démocratique du pays est nécessaire pour atteindre la croissance et le développement économiques. Mais afin d’éviter, une fois pour toutes, les erreurs et les errements du passé, l’Etat malien devra commencer à éduquer les Maliens aux vertus de la citoyenneté démocratique, ce qui signifie, ici, le développement d’une pensée qui favorise le questionnement et la responsabilité individuelle. L’occupation djihadiste du pays doit être appréhendée comme une des conséquences de la dévalorisation de la pensée au sein de la société malienne.

Plus que jamais, le Mali devra fabriquer des citoyens accomplis, capables de réfléchir par eux-mêmes, afin d’éviter et de surmonter les clivages ethnico-religieux. Car, la démocratie repose sur le respect et l’attention portée à autrui.
Malgré de probables imperfections, les élections de dimanche dessinent, pour le peuple malien et les peuples africains, un véritable horizon d’espérance. Décidément, avec les présidentielles maliennes, il faut dire que la démocratie est une œuvre sans cesse à refaire, et la philosophe Simone Goyard-Fabre a vu juste, en voyant en elle, « une aventure humaine aussi inquiétante qu’énervante ».

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