Désarmement Volontaire à Abobo : “ Si Nous Prenons Quelqu’un Avec Une Arme Non Déclarée… ”

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Le chargé de l’opération, Lama Fofana,  en situe les enjeux et met en garde les éléments qui ne rendront pas leurs armes, volontairement.

A quel besoin répond l’opération de désarmement qui a cours dans votre zone depuis le 23août et dans quel cadre s’inscrit-elle ?

Notre souci premier, c’est la sécurité de la population. Nous ne voulons plus que les armes circulent dans notre zone, de manière  illégale.  Car,  chaque fois qu’il y a des situations dehors, c’est le commandant Jah Gao  (le  commandant  Koné Gaoussou,  commandant  du camp commando d’Abobo, absent  du  camp  pendant  notre passage, le 30 août. Ndlr) qui est  sollicité  pour  sécuriser  sa population. Or, il se trouve que dans notre mission, nous butons  parfois  sur  des  gens armés. C’est pourquoi le commandant a initié cette opération en demandant à tous ceux qui possèdent actuellement des armes à la maison de venir les déposer ici  (le  camp  commando d’Abobo).  Pour  recueillir  ces armes, nous avons aménagé un magasin pour la circonstance. L’opération  s’inscrit  dans  le droit fil de la volonté des autorités de rétablir la sécurité dans le pays en désarmant tous ceux qui portent des armes de manière  illégale.  Elle  participe ainsi au processus de désarmement.

Justement, ce processus est essentiellement mené par l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (Addr). Quelle est la place de cette structure dans votre dispositif?

Nous nous sommes fixé la mission de sécuriser notre zone en regroupant les armes. Il appartiendra à l’Addr de décider de la réinsertion des éléments désarmés,  conformément  à  sa mission.  Vous  comprendrez que  notre  opération  peut  se présenter comme un coup demain  que  nous  donnons  à  la structure chargée du désarmement.

Pour autant, l’Addr est-elle officiellement informée de votre opération?

Oui. Ses agents viennent même nous voir.

Alors pourquoi n’est-elle pas associée à la collecte des armes ?

Nous faisons ce travail en interne. Mais c’est pour faciliter la tâche à l’Addr, même si elle n’y  est  pas  associée.  Nous avons échangé avec ses responsables. Ils auront la possibilité de consulter ce cahier (il nous montre un gros registre neuf où sont  mentionnés  les  noms  et prénoms des personnes qui ont déposé  leurs  armes.  Le  commandant Jah Gao est en tête. L’on y lit également le numéro de profilage, celui de l’arme déposée, le contact et la signature de chaque ex-combattant qui y est déjà passé. Ndlr). Tout sera mis à leur disposition. Le commandant lui-même est en tête. Il a déposé son arme et a été enregistré. Son adjoint (le lieutenant Tiéné. Ndlr) et tous ses collaborateurs l’ont suivi ainsi que tous les éléments qui sont dans  sa  zone.  Tout  se  fait  de façon  volontaire.  Nous  insistons  pour  dire  que  c’est  un dépôt volontaire d’armes.

Concrètement, comment se fait l’opération ?

Chaque  combattant  qui  vient déposer son armement passe d’abord  par  le  commandant Jah Gao lui-même. Il est ensuite enregistré et rend enfin son  armement.  Nous  inscrivons sur chaque arme ou objet, le nom de la personne qui l’a déposé.  Cela  nous  permet  de savoir qui a déposé quoi.

L’opération s’applique-telle seulement aux ex combattants ou à toute autre personne qui détiendrait une arme chez elle dans votre zone?

Certes, l’appel s’adresse particulièrement  aux  ex-combattants.  Mais  la  législation  en Côte d’Ivoire obéit à des principes.  Pour  être  détenteur d’une arme à feu, il faut remplir certaines  conditions.  A  la  faveur de la crise, des armes ont été retrouvées un peu partout. Le commandant, en tant que chef militaire de sa zone, a demandé à tous ceux qui détiennent  des  armes  de  manière illégale,  de  venir  les  déposer dans sa caserne. La place des armes, c’est dans les casernes et non dans les domiciles privés. L’appel s’adresse donc uniquement à la zone du commandant Jah Gao.L’opération se fait dans sa zone spécialement.

Quelle est l’étendue de votre zone ?

Elle  couvre  Abobo,  Azaguié, Agboville et Alépé. Nous ferons tout pour que les armes qui circulent  dans  cette  zone  soient véritablement maîtrisées. C’est tout à fait normal qu’un chef militaire  sache  qui,  dans  sa zone, qui détient des armes.

Une semaine après son lancement, quel point enfaites-vous ? Combien d’armes avez-vous reçues ?

Le  registre  indique  que  378personnes  ont  déposé  leurs armes et ont été enregistrées. Après quoi, elles sont retournées  chez  elles.  Personne  n’a été  inquiété.  Mais  en  réalité, l’opération  s’est  effectuée  sur seulement 48 heures, c’est-à dire qu’elle a duré les 23 et 24août.  Nous  avons  collecté  20pistolets  automatiques  (Pa),130  kalachnikovs  (AK47),  7Manufactures  d’arme  Saint Etienne (Mas) 49 ; 1 mortier ; 5Mas 36 ; 8 calibres 12 ; 3 Bergeron ; 1 lance-roquettes antichar (Lrac) ; 3 AA52 ; 5 fusils mitrailleurs  (Fm)  ;  15  lance grenades (Flg) ; 5 Rpg ; 1 fusil à pompe  ;  12  caisses  de  munitions ; 17 armes défectueuses ;12 grenades offensives (Of) ; 12grenades défensives (Df) ; 49grenades fumigènes (lacrymogènes) ; 17 obus ; 5 roquettes ;12 canons sciés ; 4 Usi ; 1 fusil à lunettes et 170 chargeurs AK47.Nous estimons qu’il y a un engouement des ex-combattants autour de cette opération. En deux  jours,  nous  nous  sentis débordés. (Après l’entretien qui s’est déroulé dans son bureau, Lama Fofana, en tee-shirt de gendarme commando, pantalon treillis, béret rouge fixé sur le  crâne  rasé,  rangers  aux pieds, nous a fait visiter le magasin  de  stockage  des  armes collectées.  Dans  cette  poudrière  de  circonstance,  une pièce  bien  éclairée  et  aérée, nous  avons  vu  des  armes  de toutes sortes dont des armes de guerre telles les kalaches et les lance-roquettes.  Il  y  a  aussi beaucoup de caisses de munitions, de bombes offensives et défensives, des boucliers, des casques de policiers, des fusils aux canons sciés, des pistolets automatiques (Pa) et bien d’autres objets de guerre. Dans le magasin, les kalachs sont particulièrement  bien  rangées, dans un genre de placard ouvert et confectionné à cet effet, tandis que les caisses d’explosifs et des munitions sont posées à même le sol. Ndlr).

Y en a-t-il qui déposent plusieurs armes ?

Oui.

Pourquoi avez-vous donc arrêté l’opération seulement 48 heures après ?

Ces 48 heures nous ont servi de test. Le butin de ces 48 heures est effectivement très encourageant. Il indique que l’opération est prometteuse.

Quand la reprenez-vous?

Le compte-rendu sera fait aux patrons, incessamment. Ils décideront de la suite.

Est-ce seulement les armes que vous collectez ?

Non, nous collectons aussi les munitions.

Et les tenues ?

Pas les tenues.

Allez-vous les collecter un jour ?

Ceci entre dans le cadre projet de l’Addr qui s’occupe des tenues.

L’Onuci est-elle impliquée dans l’opération ?

Comme je le disais tantôt, notre opération  se  fait  en  interne. Quand l’Onuci nous a rendu visite, nous voir et nous lui avons exprimé notre besoin d’aide.

Que faut-il pour booster l’opération, comme vous le dites ?

Nous pensons que pour cela, il faut deux choses. 1/ Qu’une action  soit  menée  en  faveur  de tous  ceux  qui  ont  déjà  rendu leurs armes de manière volontaire. Notre plus grand souhait est que cette action soit vraiment entreprise le plus possible.  Cela  va  encourager  ceux qui  détiennent  encore  des armes à les rendre. 2/ Si nous n’avons pas de mandat pour le désarmement, alors, que l’Addr qui en a la charge prenne le relais avec notre appui.

Comment vérifiez-vous qu’un élément qui se présente à vous est venu effectivement avec toutes ses armes et qu’il n’en dissimule pas d’autres?

Nous fonctionnons sur la base de la confiance. Nous ne forçons personne. Nous avons expliqué  le  bien-fondé  de  cette opération aux éléments. C’est d’abord pour leur propre sécurité car si quelqu’un détient par exemple ; une grenade chez lui à la maison, elle peut y exploser un jour. Cet engin expose donc sa  famille  et  ses  voisins  à  un grand danger. S’il détient une arme à feu et qu’un jour il y aune situation qui nécessite la présence des forces de l’ordre dans  son  quartier  et   si  lors d’une  fouille  on  trouve  cette arme chez lui, il va en répondre.  Ainsi,  après  l’opération, ceux qui vont encore garder des armes par devers eux, c’est à leurs risques et périls.

Quelle est la destination des armes que vous collectez ?

Nous les remettrons toutes aux autorités à qui nous rendrons compte. Nos supérieurs en décideront.  Puisqu’il  y  a  l’Addr qui est la structure légale chargée  du  désarmement  des  ex combattants. Mais comme je le disais, l’objectif est que leur retrait de la circulation contribue effectivement au renforcement de la sécurité en Côte d’Ivoire.

Que va-t-il se passer après cette opération?

Nous  n’allons  brutaliser  personne.  Mais  si  nous  prenons quelqu’un avec une arme non déclarée  ou  qui  n’est  pas  en mission  commandée,  il  sera mis à la disposition de la gendarmerie.

Autrement dit, une phase de coercition pourrait suivre ?

Ce sont les autorités qui prendront cette décision. Mais nous disons qu’il est mieux que tout le monde s’inscrive dès maintenant  dans  l’opération  de dépôt volontaire.

Quel message voulez vous faire passer à la Côte d’Ivoire à travers cette initiative?

Le message est d’abord à l’endroit des ex-combattants. S’ils se sont battus pour une cause hier, il faut aujourd’hui qu’ils aident le gouvernement à améliorer les conditions de vie des populations. Pour cela, ils doivent  participer  à  la  création d’un climat de sécurité nécessaire  à  la  reprise  effective  de l’économie qui ne peut se faire qu’avec les investissements. Or, il se trouve que les opérateurs économiques hésitent à investir à cause des armes qui circulent de manière illégale. Tout le monde veut de l’emploi. Cela est normal. Mais d’où viendra t-il sans les investisseurs ? La circulation  illicite  des  armes impacte négativement la venue des  investisseurs.  Que  tous ceux qui ont des armes les déposent donc dans les casernes, comme cela est demandé.

Voulez-vous aussi donner une leçon aux autres commandants ?

Non, nous n’avons pas de leçon à donner à quelqu’un. Toujours est-il  que  nous  demandons  à tous les ex-commandants qui détiennent  illégalement  des armes  de  se  signaler  à  leurs chefs hiérarchiques.

Que  dites-vous  aux  éléments qui déposent leurs armes ?

Rien de particulier, sinon que nous leur tenons le langage de l’espoir. Ils sont inscris dans le registre.  La  suite  dépend  des autorités qui prendront la décision de les insérer.

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