La Refondation Ou L’eternel Recommencement…

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Il est des sobriquets qui vous collent à la peau comme un gant. A telle enseigne que toutes vos actions, tous vos propos paraissent destinés à renforcer la conviction que ceux qui vous les ont attribués ont été bien inspirés. Toutes vos tentatives pour essayer de vous soustraire à leur force agissante se révèlent vaines. Car tel un karma, ils semblent déterminer vos faits et gestes pour les rendre conforme à l’opinion communément admise sur vous.

Quand en 2001 le général Robert Guéi qualifiait Laurent Gbagbo de boulanger, il ne faisait qu’ajouter à la longue liste de surnoms peu flatteurs glanés par le chef frontiste et ses suiveurs durant leur parcours politique chaotique: hypocrites, roublards, dribbleurs, sans parole, girouettes….
Tous ces qualificatifs étaient destinés à souligner le caractère changeant des refondateurs et le peu de gêne qu’ils manifestaient à prendre des virages à 180 degré, parfois aux antipodes des positions par eux défendues récemment. Et l’actualité récente a permis une fois de plus de mesurer toute l’étendue de la versatilité des socialistes ivoiriens.

En effet la récente libération du sieur Koné Katina par les autorités ghanéennes a servi de prétexte aux hagiographes de la refondation pour nous gratifier une fois de plus de leur dribble favori : le contre pied.
On loue les vertus de la justice ghanéenne, l’honnêteté et l’impartialité de ses magistrats. On est prêt à hisser sur le pavois ces juges qui ont refusé de céder au dictat de l’impérialisme occidental. On magnifie ces dignes fils de l’Afrique qui font la fierté du continent. On élève ces preux chevaliers qui viennent de rendre aux africains leur honneur et leur dignité en refusant la compromission et la collaboration avec les suppôts du diable. On vénère ces valeureux panafricanistes qui ont fait le choix de soutenir le combat du « N’krumah ivoirien » injustement détenu à la Haye. On déifie ces nobles âmes dont le nom est d’ors et déjà inscrit dans le livre de vie et la place déjà réservée au paradis…. N’en jetez plus, n’en jetez plus !!!

C’est à croire qu’il existe deux justices au pays de John Dramani. Car on a du mal à croire qu’il s’agit de cette même justice que les frontistes maudissaient il y a quelques mois lorsque le coup de massue de l’arrestation et de l’extradition de Blé Goudé leur était tombé sur la tête. Les images de gbapê pieds et poings liés, la mine déconfite et le regard larmoyant avaient créé un véritable traumatisme dans le gbagboland au point de faire perdre tout sens de la mesure aux partisans de séplou. Les noms d’oiseaux avaient alors volé dans tous les sens. A l’époque c’était « ces batards de mastas qui ont osé trahir notre lutte. Ils seront châtiés comme ils le méritent »… « ces kôssia de pygmées ghanéens qui ont eu l’outrecuidance de vendre notre grand leader. Une telle perfidie ne saurait restée impunie »… « ils seront frappés par le retour du bâton ces rénégats, ces vendus, ces félons, ces apostats, ces traîtres à la cause africaine, ces néo-colonisés, ces esclaves, ces nègres de service, ces fils de p…., ces crève la faim, ces faux frères, ces pions de l’impérialisme…
pauvre de nous !

Aujourd’hui, toute honte bue, on ravale ses propos et on tresse des lauriers à cette même justice qu’on brocardait il y a quelques temps.
Dans la même veine, on pactise avec la France. Ce pays naguère présenté comme la cause de tous nos maux est devenu subitement fréquentable. On fait les yeux doux au serpent PDCI et aux électeurs de ce parti qu’on ne se gênait pas pour pourchasser et molester dans un passé récent. Si le ridicule tuait !

Et comme si cela ne suffisait pas, un autre fait est venu renforcer le nouvel amour que les frontistes vouent à nos voisins, amplifiant ainsi le dithyrambe des commentaires sur la justice de ce pays. Il s’agit du verdict de la cours suprême confirmant l’élection de John Dramani Mahama à la récente présidentielle ghanéenne.

Prenant prétexte de l’acceptation de ce verdict par le candidat malheureux à ce
scrutin, les refondateurs sont revenus pour la énième fois sur la présidentielle ivoirienne de 2010. Nous ressortant les vieux couplets sur la démocratie, l’état de droit, le caractère définitif et inattaquable des décisions du conseil constitutionnel. Ça ne finira donc jamais !!!

Faut-il rappeler que la cours suprême du Ghana n’a rien à voir avec le CC de Yao N’dré ? Car là où il a fallu 8 mois aux juges ghanéens pour trancher, Paul Yao N’dré n’a mis que 24 heures pour analyser 25000 PV.

Doit-on expliquer encore aux refondateurs que l’élection présidentielle ivoirienne sous contrôle de l’ONU n’avait rien à voir avec celle sans implication extérieur du Ghana ?

Faut-il faire remarquer aux frontistes que personne n’a entravé le processus électoral de nos voisins en empêchant la proclamation des résultats par la commission chargée des élections ?

Est-ce nécessaire de revenir sur tout ceci ?
Est-ce vraiment nécessaire de rappeler le geste de Damana Pickass arrachant et déchirant les PV devant les caméras du monde ?

Est-ce nécessaire de revenir sur l’annulation arbitraire de 600.000 voix par Yao N’dré ? Est-ce vraiment nécessaire ?

On pensait que les refondateurs avaient fini par comprendre un principe élémentaire qui sous-tend le fonctionnement d’un état de droit: Celui là même qui est sensé faire respecter la loi (ou qui se fixe pour mission de veiller à son respect) a le devoir sinon l’obligation de respecter lui-même cette loi. Sous peine de voir ses décisions frapper de nullité. Il faut prêcher par l’exemple dit-on. On est mal fondé à demander le respect d’une loi lorsqu’on ne se gêne pas soi même pour la violer.

La cours suprême du Ghana a rendu son verdict dans le strict respect de ses prérogatives et dans les limites des règles auxquelles elle est astreinte. Ce qui n’est pas le cas du CC ivoirien qui s’est permis des libertés que le peuple souverain ne lui reconnait pas. Dans les deux cas le choix du peuple a finalement prévalu et c’est ce qu’il faut retenir.

Car c’est ce peuple, lui et lui seule qui détient la souveraineté.
Pour l’avoir compris, la cours suprême ghanéenne a conforté sa réputation d’impartialité.
Pour ne l’avoir pas compris, les refondateurs ont renforcé leur réputation de boulanger…

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