Le FPI Va-T-Il Une Fois Encore Rater Son Rendez-Vous Avec l’Histoire De La Côte d’Ivoire ? (1/2)

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Ils sont sortis de prison. Le 5 août 2013, le procureur de la République a annoncé leur mise en liberté provisoire. Ils forment le « groupe des 14 ». Pour le FPI, le « groupe des 12 » puisqu’il ne prend en compte que les « proches du président Laurent Gbagbo ». Des grosses pointures : Affi N’Guessan, président du FPI ; Abou Drahamane Sangaré, premier vice-président ; Lida Kouassi Moïse, secrétaire général adjoint ; Douati Alphonse, secrétaire national ; Koua Justin, secrétaire national de la jeunesse du FPI.

Mise en liberté dans un contexte particulier : Alassane D. Ouattara est à mi-mandat et a annoncé, d’ores et déjà, qu’il entend reprendre du service. Ce qui provoque des tensions au sein de l’allié du RDR : le PDCI. Il y a ceux qui, d’emblée, veulent soutenir ADO et pour cela faire l’impasse sur une candidature PDCI (c’est le cas de Henri Konan Bédié). Il y a ceux qui ne veulent pas « injurier l’avenir » et entendent avoir un candidat PDCI à la présidentielle 2015 ; plus encore s’ils sont ce candidat ! Au sein du RDR, si tant est que ce parti existe encore en tant qu’organisation politique, ce n’est pas encore la débandade mais déjà le désenchantement. Les cadres sont tous partis « manger » et passent plus de temps à gérer leur carrière que le parti. Et dès lors que ADO annonce qu’il entend doubler la mise, ça grogne du côté de ceux qui se voyaient déjà « vizir à la place du vizir ».

Le retour des FPI sur le devant de la scène ajoute à la confusion politique qui règne dans le pays. Eux ont déjà beaucoup « mangé » ; mais ne sont pas gavés (d’autant moins qu’ils ont jeuné ces dernières années et vivent sur leurs réserves). Ils savent qu’ils auront du mal à approcher du foyer pour entendre bouillir la marmite : il y a du monde autour et même les PDCI « houphouëtistes » sont contraints de faire la queue ; ce qui les impatiente. C’est dire qu’en Côte d’Ivoire, le débat politique est inexistant. Et ce n’est pas ADO ou son premier ministre, Daniel Duncan Kablan, qui vont le nourrir. Ils rament du matin au soir sur les dossiers économiques et cauchemardent la nuit quand ils prennent conscience que la croissance ce n’est pas que la mise en œuvre de « recettes de bonne femme » comme aime à le dire ADO.

Entre la vision qui est celle des technocrates du FMI et de la BCEAO et la réalité sur le terrain, il y a un monde peuplé de créatures cauchemardesques : les Ivoiriens. Les « en haut d’en haut » comme les « en bas d’en bas » ; ceux des villes comme ceux de la brousse ; ceux des zones résidentielles comme ceux des ghettos ; ceux qui font de l’argent et ceux qui ne font rien ; ceux qui savent faire quelque chose et ceux qui ne savent rien faire… Le monde a un comportement moins rationnel qu’on ne le pense quand on arpente les rues de Washington et de Paris, ou qu’on se ghettoïse dans le bureau de gouverneur de la banque centrale à Dakar. ADO sait-il que ses visites sur le terrain sont parfois précédées du déguerpissement des quartiers pauvres à coup de Caterpillar comme en témoignait récemment France 24 ?

Les « libérés provisoires » du FPI ont donc un boulevard politique devant eux, le PDCI et le RDR n’étant pas au mieux de leur forme. Et au lendemain de sa mise en liberté, Pascal Affi N’Guessan paraissait être conscient des enjeux politiques. Il vient de reprendre, le samedi 7 septembre 2013, la présidence du parti qu’il avait dû abandonner pendant sa détention à Bouna, et, manifestement, il ne sait plus sur quel pied danser.

L’enjeu, pour le FPI, est simple. Se réinsérer dans la vie politique démocratique de la Côte d’Ivoire. Trop déglingué pour accéder seul au pouvoir dans les années à venir ; mais apte à être un parti d’opposition pouvant prétendre à participer à ce pouvoir aux côtés d’une des deux organisations « houphouëtistes ». Pas le RDR dans le contexte actuel. Il y a le contentieux lié à la détention à La Haye de Laurent Gbagbo. Mais avec un PDCI qui serait en rupture avec Bédié ; si tant est qu’au sein du plus vieux parti ivoirien, il y ait cette volonté de rupture. Et que le FPI soit capable de faire l’impasse sur Laurent et Simone. Or, rien n’est moins sûr. Le mot d’ordre a toujours été qu’en « l’absence du créateur, on ne touche pas à la créature ».

Reste que Affi N’Guessan a repris les rênes du FPI et que ce n’est pas pour faire de la figuration. Enfin, il faut l’espérer. Non pas que l’homme soit des plus sympathiques ; ni des plus crédibles politiquement. Mais le FPI a une histoire et a été l’illustration d’un combat pour plus de démocratie (en combattant le parti unique qu’était le PDCI et la gestion gérontocratique de Félix Houphouët-Boigny) qui justifient qu’il continue de jouer un rôle sur la scène politique s’il parvient à être, à nouveau, porteur d’une idéologie différente. Où veut aller Affi N’Guessan et jusqu’où peut-il aller ? Les deux questions doivent être posées. Impossible de répondre à la première : lui seul, aujourd’hui, sait quelles sont ses ambitions pour le FPI. Il est plus facile de répondre à la seconde.

Premier aspect des choses : le FPI a été le parti des Gbagbo (et le pluriel s’impose tant la prééminence de Simone a été forte) ; peut-il ne plus se déterminer par rapport aux Gbagbo ? Les Gbagbo ont fondé le FPI mais l’ont, aussi, dévoyé. Bien aidé en cela par les « élites » du parti ; celles qui se sont enfuies à Accra et ailleurs. Un homme a répondu à cette question : Mamadou Koulibaly. L’ANC en Afrique du Sud, explique-t-il, a mené le combat qui était le sien alors que son leader, Nelson Mandela, était en prison. Mais Gbagbo n’est pas Mandela ; et, surtout, le FPI n’est pas l’ANC. Koulibaly a été une figure majeure du FPI. Président de l’Assemblée nationale, il a claqué la porte à Marcoussis, n’acceptant pas d’entériner la signature d’accords qu’il jugeait contraires à l’intérêt de la Côte d’Ivoire (accords, rappelons-le, signés par Affi N’Guessan ce qui lui aurait valu de se faire taper par Simone). 56 ans, agrégé d’économie, auteur d’une dizaine d’ouvrages, Koulibaly n’est pas sans susciter de l’intérêt du côté des cadres du… RDR. Au sein du FPI, il prétendait représenter « l’aile lucide du parti ».

Depuis la chute de Gbagbo, il a créé sa propre formation politique : Liberté et démocratie pour la République (LIDER), et un think tank : Audace Institut Afrique. Et s’est lancé dans une attaque en règle de la gestion du FPI par Gbagbo : « Il a laissé faire tout et n’importe quoi », a-t-il déclaré en mai 2013 dans une interview au journal camerounais Mutations. Il y dénonce un Gbagbo, dont le principal financier était Vincent Bolloré, qui a « offert la Côte d’Ivoire à la France » et a accepté, finalement, que le RDR exerce le pouvoir dans le pays via les gouvernements de transition. Nous voilà bien loin de l’image du Laurent Gbagbo socialiste, anti-impérialiste et souverainiste peaufinée au cours des années 1980-1990.

Koulibaly n’est plus dans le FPI. Mais il exprime une pensée significative au sein du plus emblématique des partis de l’opposition : anti-libéral ; anti-impérialiste ; souverainiste. Son discours est une critique des dérives du FPI ; et, du même coup, de la politique libérale anti-sociale et pro-occidentale menée aujourd’hui par Ouattara. Autant dire qu’il fait coup double. Il se débarrasse de l’encombrant duo des Gbagbo, des dérives de la gestion de la Côte d’Ivoire de 2003 à 2011 et renoue avec les idéaux du FPI historique sans avoir été un de ceux qui ont capitulé à Marcoussis*. Tant que Affi N’Guessan se refusera à faire le bilan des années Gbagbo, de son propre comportement et ne se positionnera que sur la ligne : « ADO geôlier de Gbagbo », il est évident qu’il ne sortira pas le FPI de la nasse dans lequel il se trouve.

* Rappelons que Alassane D. Ouattara fonde son action et notamment sa politique de la nationalité et celle de la propriété foncière sur les accords signés à Marcoussis en 2003. Ce qui lui a permis de faire l’économie d’un débat qui n’aurait pas manqué d’être houleux.

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