Ce titre n’est pas de moi. Je n’ai malheureusement pas reçu de dons à ma naissance, encore moins des dons de divination. J’ai emprunté ce titre à un journal proche du Fpi (« Notre voie »), qui fit la une de ce journal le 13 Septembre. Le journal ne faisait que rapporter les propos d’un chef traditionnel de M’batto où Affi Nguessan était en visite. Dans les colonnes de Fraternité Matin, j’ai beaucoup écrit sur le Fpi, sur ses faiblesses et sur l’espoir qu’il représentait pour la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, en tant que citoyen de ce pays, je me suis réjoui de la libération de certains cadres de ce parti et souhaite qu’ils soient tous libres de leurs mouvements si la justice n’a pas de charges suffisantes prouvant leurs implications dans des crimes économiques ou des crimes tout court. La une du journal a donc attiré mon attention. Cependant, ce n’est pas le contenu du journal qui m’a intéressé, mais les réactions que cette une a causées au sein de la famille Fpi et des proches de Laurent Gbagbo. Allez sur Facebook et vous lirez encore des commentaires : « Pour qui il se prend ce Affi ? « Il aurait dû rester en prison ! », « Est-ce que Gbagbo l’a autorisé à être candidat ? », « Qui lui a dit que c’est lui qui nous intéresse ? Que serait-il sans Gbagbo ? ». Un peu plus loin, le cyber-affrontement tourne au pugilat ethnique : « Les Agnis aussi veulent profiter de l’absence de Gbagbo pour être Présidents ? », « Donc vous pensiez que le Fpi était seulement réservé aux Bétés ? ».Et un autre internaute d’accuser le journal : « Comment Notre voie peut-il se permettre de mettre unetelle une ? ».Voici le Fpi ou plutôt les militants Fpi et les amoureux de Laurent Gbagbo à la croisée des chemins. Il faudra redéfinir les stratégies. Le Parti, otage de ses militants, devra apprendre à les éduquer. Les comportements d’extrémistes ne paient plus. Pour survivre, pour s’imposer, pour se donner de nouvelles assises politiques à même de le retirer de l’étau des extrémistes du camp d’en face, le Fpi doit faire preuve de réalisme et se jeter dans la bataille politique malgré les entraves et les difficultés. C’est ce qu’ont sûrement réalisé les dirigeants du parti. Mais ils devront composer avec l’opiniâtreté de la plupart de leurs militants pour qui rien ne doit se faire, tant que Laurent Gbagbo ne sera pas de retour en Côte d’Ivoire. L’on pourrait dire cyniquement que le Fpi prend en pleine figure les revers de la radicalisation de ses militants à laquelle il a contribué. Ces réactions sur Facebook reflètent l’état d’esprit de ses militants et la vision par eux de leur avenir. Tant que l’aveuglement des militants, leur zèle et soutien convergeaient avec les plans de l’équipe dirigeante du Fpi, tout allait bien. Mais maintenant, les choses peuvent être différentes. Si Laurent Gbagbo sortait de prison en novembre 2013, et il y a des raisons d’y croire, il ne pourra pas être candidat aux élections de 2015 pour plusieurs raisons. Le Fpi doit donc penser à des scénarii alternatifs pour reprendre la main à l’Assemblée nationale et dans les principales institutions nationales. Le chef traditionnel de Mbatto quia peut-être naïvement béni Affi Nguessan en est conscient, mais pas les militants de base, agrippés à une ère dépassée. Dès la perte du pouvoir en Avril2011, le Fpi s’est dispersé et ne s’est pas suffisamment concentré sur ses stratégies de crise. Il a plutôt suivi les émotions de ses militants, tant que cela constituait une force et une pression. Tout le retard que le parti amis pour convaincre ses militants des stratégies réalistes et des cartes de rechange compliquera sa tâche. Le parti de Laurent Gbagbo, s’il ne connaît pas de sérieuses crises internes liées à des questions de leadership dans les mois qui viennent, pourrait ne pas bénéficier de l’enthousiasme électoral de ses militants, qui ne voient pas le parti exister sans son mentor. Il est donc important pour ce parti d’engager de profondes réflexions prospectives afin de ne pas être pris de court ni par le cours des événements politiques en Côte d’Ivoire, ni par les réactions de ses militants, ni par les décisions des juridictions nationales ou internationales. Subir les événements ne conviendrait pas à la principale opposition, qui compte de nombreux cadres. Les réactions suscitées par la une« Affi, tu seras Président »sont juste une facette de nombreuses autres réactions que l’on enregistrera plus tard, sur des questions différentes de politique nationale. Le Fpi doit exister en tant que parti ; plus il sera fort, plus nous aurons la chance d’avoir une opposition solide et représentative jusqu’aux prochaines élections qui définiront les nouveaux équilibres politiques. Il doit exister pour mieux défendre ses membres qui subissent toutes sortes de tracasseries. Mais il ne sera pas un parti fort s’il n’entrevoit pas sa vie après et sans Gbagbo. Brève comparaison : en Rdc, le parti de Jean Pierre Bemba emprisonné à La Haye n’est plus que l’ombre de lui-même. Au Liberia, le parti de Charles Taylor emprisonné à La Haye s’est fondu dans lamasse. En Côte d’Ivoire, le parti de Laurent Gbagbo, lui aussi, détenu à La Haye, a traversé deux années et demies de relative léthargie. Il pourrait perdre pied, s’il ne met en place des stratégies de substitution de leadership. Un parti s’entretient, se revigore, s’organise par contacts directs. Passées les émotions, les militants ne seront pas toujours enclins à supporter activement le parti. Nous écrivions les lignes suivantes dans une contribution en avril dernier(« Fpi : Menacez mais participez ») et qui me semble encore d’actualité :« A force de parler boycott et de tenir les militants loin des processus électoraux et institutionnels, les militants du Fpi « désapprendront » les actes civiques et citoyens, notamment l’enthousiasme de leur participation au vote. Les adhérents du Fpi se détourneront progressivement de toutes les questions électorales, même lorsque leur parti leur demandera de se remobiliser. (…) Ni les militants ni les sympathisants ne sont des éléments éternellement statiques. Ils sont des hommes et des femmes, qui ont des émotions et peuvent suivre l’évolution générale du contexte politique, virer de bord ou s’enticher de nouvelles amours politiques. Il convient de signaler par ailleurs que ce manque croissant d’appétit électoral des sympathisants commencera par leur refus de s’inscrire sur les listes électorales. Ce qui privera le parti d’un soutien important le moment venu. (…) si le Fpi ambitionne de participer aux élections de 2015, son attitude actuelle est suicidaire. Car il lui faut préparer ses militants et sympathisants au nouveau leadership de son parti. (…) Le Fpi doit par conséquent, dès à présent, faire émerger une image forte d’une personnalité politique qui va continuer l’œuvre du Parti, sans renoncer ni renier l’héritage politique de Laurent Gbagbo. Le test de popularité de cet individu n’est possible qu’à travers les élections qui ont cours (il s’agissait des élections locales au moment où l’article était écrit). Dans cette approche, il sera difficile aux militants et sympathisants de se sentir proches et de se familiariser assez rapidement au virtuel candidat du Fpi aux présidentielles prochaines, si celui-ci leur est présenté en2014 ou en 2015. L’une des plus grosses tares des partis politiques africains est justement l’image forte de ses leaders, qui bâtissent tout autour d’eux et qui laissent des partis faibles et désintégrés après leur retrait de la vie politique. Le Fpi n’y échappe pas. Beaucoup de sympathisants et militants le sont à cause de leur attachement à Laurent Gbagbo et non pas au Fpi en tant que Parti. Sans Gbagbo au Fpi et aux élections, la tâche n’est déjà pas facile pour le parti. Si en plus de cela, les militants ne s’habituent pas vite aux héritiers politiques de leur leader naturel et qu’ensuite ils sont détournés de la pratique électorale parles appels au boycott, le Fpi se privera des chances de revenir aux affaires.»Affi, Miaka, ou n’importe quel cadre de ce parti, virtuel candidat aux élections présidentielles de 2015, c’est le signe de la normalisation de cette association politique. Les militants devraient le comprendre, l’accepter et soutenir de telles idées au lieu de se livrer à une guerre interne sur Facebook.
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