Pascal Affi N’Guessan: Le Boucantier Politique Ou La Revanche D’un “ Frère” De Lutte Politique

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L’offensive politique et l’attitude dite agressive de M. Affi N’guessan, depuis sa libération de prison, rythme l’actualité politique. Plutôt que de porter un jugement de valeur sur le comportement affiché ces derniers temps par le patron du FPI, la présente contribution vise à essayer de l’expliquer. Il nous semble que cette attitude politique dévoile chez Affi un besoin psychologique profond tant d’affirmation de soi que de vengeance contre la baronnie d’un camp FPI, celui incarné par Laurent Gbagbo et son entourage immédiat. Pour s’en convaincre, il faut revenir à la dynamique interne du FPI durant sa période de règne (2000 à 2011).

Affi n’Guessan et le triste souvenir de la primature (2000-2003)

Un peu d’histoire récente et de mémoire. La première humiliation politique infligée à Affi N’guessan par Laurent Gbagbo a été de le dépouiller systématiquement de tous les pouvoirs que lui conférait légitimement la position de Premier Ministre qu’il a occupée de2000 à 2003. En effet, bien que la primature lui ait été attribuée, Affi n’eut pas réellement d’ancrage politique et de marges dans l’exercice de ses fonctions. La raison en est que, dès son accession au pouvoir, Laurent Gbagbo s’est employé à constituer un entourage tribal composé de cousins, d’anciens démissionnaires du parti et de nouveaux adhérents. Cette promotion de “nouveaux militants“ avait résulté d’un schisme au sein du FPI où s’affrontaient militants dits de premières heures et militants qualifiés d’opportunistes. Les premiers se mobilisaient autour d’Affi N’guessan quand les seconds se recrutaient au sein du cabinet présidentiel et à la tête des sociétés d’Etat comme le Port et la SIR. La mainmise de Laurent Gbagbo et son épouse sur le système de redistribution des positions administratives était si forte qu’Affi N’guessan n’eut d’autorité de faire nommer le moindre camarade militant de premières heures. Son manque de leadership parait si criant que les jeunes de la Sorbonne, au cours de leurs causeries informelles, y faisaient allusion humoristiquement en ces termes : Tu vas aller chez Premier Ministre qui ne peut même pas te nommer balayeur à la primature. Mais on fait comment ? C’est le partage de ce constat devenu secret de polichinelle selon lequel le chef de file du FPI ne peut faire le bonheur d’aucun militant qui a d’ailleurs fait naitre et prospérer le néologisme gbagboïsme qui signifie: je soutiens Gbagbo mais je ne suis pas FPI ou encore je suis redevable à Gbagbo mais pas au FPI. On le voit, Affi n’était qu’un figurant, un suiveur frustré, écrasé par la galaxie tribalo-régionaliste mais contraint au silence. Dans son habit politique cintré et dans la perspective de la succession à la présidence, Affi a vainement souhaité davantage de marges de manœuvres pour constituer aussi son électorat politique. Naturellement, il commençait par haïr Laurent Gbagbo et Blé Goudé et à nourrir une dent féroce contre eux. L’humiliation d’Affi est allée crescendo à la faveur de la guerre civile de 2002 en raison notamment de la montée en puissance politique de Blé Goudé.

Blé Goudé, le briseur du rêve en couleur d’affi

L’ascension fulgurante de Blé Goudé à la faveur de la mobilisation patriotique avait fini par ruiner les espoirs d’Affi de succéder à Laurent Gbagbo. De quoi s’agissait-il ? Profondément agacés par les railleries des militants de premières heures proches d’Affi, les opportunistes étaient à la recherche d’un homme providentiel pour se venger et justifier leur positionnement auprès de Laurent Gbagbo. Dès le déclenchement de la guerre, le “Génie de Kpo“ leur apparut comme étant cet homme idéal pour laver l’affront. Un autre Okpadjélé, pourrait-on dire. Au fil du temps, Affi perd définitivement ses cartes pour résister à la nébuleuse galaxie gbagboïste pilotée demain de maître par Blé Goudé et financièrement soutenue depuis les directions des sociétés d’Etat. Et les robinets coulaient à flots sans que M. Affi soit dans les circuits des pipelines financiers informels installés dans les “agoras“ et “parlements“. C’était une autre façon d’implémenter le partenariat public-privé que la Banque mondiale appelait de tousses vœux. Sauf que la compréhension qu’en avaient nos amis refondateurs n’était pas la même que celle à laquelle s’attend la communauté financière internationale. L’argent ne travaillait pas mais circulait vite et même très vite. Le meilleur indicateur de l’époque étant le taux de remplissage des boîtes de nuit et de fréquentation de la rue princesse, le nombre deRav4 livrés et d’appartements loués aux maîtresses. Affi n’avait à l’époque aucun pouvoir pour “renforcer les capacités” des militants à accéder à tout ce à quoi les anciens “pauvres” devenus “nouveaux riches” aspiraient : voyages en première classe sur les vols Air France, occupation de tables de restaurants mondains à Abidjan, consommation de meubles Louis machinchouette, livraison immédiate de meubles tels qu’exposés dans le showroom des magasins avec obligation de restituer le même effet et la même décoration que dans le showroom. Placé dans une “partie politique serrée “, comme l’écrit l’autre camarade Guy Labertit, après la formation du gouvernement de réconciliation nationale exigée par les accords de Linas-Marcoussis en janvier 2003, Laurent Gbagbo est conforté dans son idée de s’appuyer sur ce qu’Antoine Glaser et Stephen Smith ont appelé “un ministère de la rue“ et un Etat de “patriotes“. Rapidement, il se dégage une convergence d’intérêt entre lui et le “Général de la rue“ qui mobilise des milliers de manifestants à cet usage populiste. Pendant que Blé Goudé monte en puissance, Affi opère une chute libre : il est débarqué en 2003 au profit d’un Premier ministre de consensus. Plus la crise perdurait, mieux Blé Goudé engrangeait un capital sympathie immédiatement reconverti en capital politique, et plus les chances de l’ancien maire de Bongouanou de succéder à Laurent Gbagbo s’amenuisaient. Le fait est que la coalition tribale semblait avoir déjà convaincu le “Woody de Mama“ de la nécessité de dérouler le tapis à son “petit“, le “Génie de Kpo“ au soir de sa carrière politique plutôt qu’à Affi N’guessan dépeint dans les cercles fermés des refondateurs comme indolent et sans personnalité. Avaient-ils raison ou tort ? Seule la rationalité frontiste tranche ce genre de débat. Très rusé, Blé Goudé avait subtilement siphonné et converti la plupart des sections de la jeunesse du FPI en sections du COJEP, son futur parti politique en herbe. On peut le voir, Affi N’guessan a eu des rapports plutôt confligènes avec Blé Goudé et Laurent Gbagbo.

Alors, question …

Au regard de ce qui précède, l’absence de Blé Goudé et de Laurent Gbagbo sur la scène politique n’est-elle pas plutôt vécue par Affi N’guessan comme une aubaine politique pour se construire un destin national ? Affi nage et continue à nager. Mais a-t-on besoin d’être Docteur en Sciences politiques pour voir son dos ? Dans son subconscient, l’homme vit les moments les plus prospères de sa carrière politique. Affi se sent bel et bien face à un vide qui lui laisse une bonne surface de réparation et de recomposition de ses rêves contrariés. Affi continue son chemin post-prison. Après avoir fait le deuil politique du fils de Koudou Paul, il joue désormais à l’utiliser comme un objet de propagande et de construction de son aura politique. De façon opportuniste, il se présente comme le brave libérateur jurant hypocritement la main sur ses plaies discrètes de frustré d’œuvrer à la libération de Gbagbo et Blé Goudé. Mieux que quiconque, Affi est convaincu qu’une fois libéré, Blé Goudé sera un adversaire qui va brouiller les chances du FPI – déjà très amaigries par dix années de gestion chaotique – de ravir le fauteuil présidentiel à un candidat sous qui les Ivoiriens voient le travail accompli par l’argent. L’animosité entre le FPI et Blé Goudé montre bien qu’en situation de choix politique rationnel, celui-ci préférera plutôt soutenir le candidat Ouattara au détriment d’Affi N’guessan. La raison est toute simple : même dans la détresse de sa détention, le FPI manœuvre pour discréditer “Gbagbadè“ en qualifiant son extradition de deal politique. J’ai dû faire l’économie de la folle rumeur de cette fameuse gifle administrée au camarade Affi par la camarade Simone. Par son attitude, Affi montre qu’en politique, la honte ne tue pas mais que la vengeance est un plat qui peut se manger après la prison. Laurent Gbagbo, Blé Goudé et Simone l’apprennent à leurs dépens.

konedelokolo@yahoo.fr

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