La Réélection 2013 d’Henri Konan Bédié : Une Couleuvre Longue à Avaler Pour Le FPI

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La logique de la haine et de l’instrumentalisation des rancoeurs est négativement féconde, comme celle de l’amour et du pardon l’est positivement. Il importe donc au plus haut point, dans une société en recomposition comme la Côte d’Ivoire, de toujours brosser une perspective cavalière des actes majeurs de la vie publique sur l’ensemble du système politique. Ces actes irradient sur l’ensemble du système, à la manière des cercles concentriques qui s’éloignent progressivement du point de chute d’une pierre dans un lac, vers ses rives. On voit alors se vérifier à merveille, la maxime selon laquelle « petite cause, grande conséquence ». Comment nier que la réélection proclamée du président Henri Konan Bédié à plus de 93% des voix des militants-électeurs du PDCI le dimanche 6 octobre 2013, soit l’expérience amère et cuisante d’une dure défaite pour ceux-là même qui, tels notamment les députés Konan Kouadio Bertin ou Alphonse Djédjé Mady, pensaient avoir le vent tellement en poupe qu’ils feraient de l’héritier de Félix Houphouët-Boigny une pure et simple bouchée d’apéritif ? Comment oublier que derrière les Djédjé Mady et KKB, c’est le pari du FPI de diviser le RHDP en séparant le PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié qui prend gravement du retard ? Il convient, au lendemain de la défaite électorale des représentants du camp ivoiritaire dans le PDCI-RDA, de revenir sur les conséquences possibles du dernier congrès de ce parti essentiel dans l’avenir immédiat de la Côte d’Ivoire, notamment dans la dynamique de la présidentielle 2015 pour laquelle, on le sait déjà, l’affirmation de l’ambition de continuité du président Alassane Ouattara a chauffé les starting-blocks de ses rivaux politiques à blanc. Je voudrais d’abord rappeler ici, ce qui nous fut annoncé de cette élection du PDCI et les risques qu’elle semblait faire courir à la res publica ivoirienne, prunelle des yeux de l’expérience démocratique en Afrique francophone. Je montrerai ensuite seulement comment le magistère politique d’Henri Konan Bédié, instruit de l’histoire et des erreurs passées du PDCI-RDA, semble annoncer un horizon réellement apaisé pour une Côte d’Ivoire majoritairement unie autour d’un RHDP fort, lui-même socle potentiel et réel d’une plus puissante légitimité démocratique du Président Alassane Ouattara en 2015 qu’en 2010.

IDe l’enfer annoncé à la désillusion des ivoiritaires du PDCI

Que ne nous avait-on pas annoncé dans cette affaire ? La chute de Bédié semblait être devenue depuis le début de l’année 2013 pratiquement, dans la bouche féconde de KKB, puis d’Alphonse Djdéjé Mady et de leurs rares suiveurs, une vérité de La Palice. D’autres y voyaient ni plus, ni moins que l’annonce anticipée de la libération prochaine de Laurent Gbagbo, l’obsession du FPI. Sur quoi comptaient-ils ? Là, fut la première source d’étonnement pour les analystes. Curieusement, Les adversaires trop tôt déclarés de Bédié ne comptaient d’abord pas sur les électeurs du PDCI-RDA. Ils comptaient sur les arguties du droit associatif et du droit public régissant les partis politiques. Les statuts du PDCI-RDA, autrefois concoctés par HKB lui-même, prévoyaient l’impossibilité d’une candidature après 75 ans à la tête du parti. Mais les lecteurs pressés du droit associatif de leur propre parti n’avaient pas pris la peine de constater que ceux qui font les règles peuvent les refaire, voire les défaire, avec la même légitimité qu’ils les firent au départ. Un parti, après tout, s’amende et se rectifie par son Assemblée Générale. Celui qui la contrôle, oriente potentiellement l’avenir de l’ensemble des lois et règlements qu’elle énonce. Premier uppercut de Nzuéba, docteur en droit de l’université de Poitiers,  aux amateurs peu avertis qui le coursaient.

Alors, les contempteurs du sage de Daoukro se sont précipitamment réfugiés dans une autre argutie du droit associatif. Ils ont prétendu que la modification des statuts ne pouvait pas intervenir avant l’élection du nouveau Bureau du Parti, invoquant principalement ici la jurisprudence du PDCI-RDA à leur secours. Comment croire qu’ils aient espéré le moindre poisson d’un si petit hameçon ? La réponse du camp Bédié a été éloquente d’efficacité. La jurisprudence est une reprise, mais aussi une invention de tous les jours. Si la jurisprudence ne consistait qu’à reproduire le passé, jamais les lois n’évolueraient et il n’y aurait point de tradition juridique. La modification des Statuts d’un parti, qui plus est, peut parfaitement avoir lieu avant ses élections statutaires, l’Assemblée Générale pouvant urbi et orbi se réunir en session extraordinaire pour opérer, avec le quorum nécessaire, ses amendements requis. C’est donc ainsi que la clause des 75 ans a sauté, obligeant les adversaires de Bédié à l’affronter là où ils ne le souhaitaient surtout pas : sur le terrain de la démocratie interne au PDCI-RDA. Comment, une fois de plus que ceux qui se sont autoproclamés représentants, à plus de cinquante ans et de soixante ans, de la modernité du PDCI aient freiné des quatre fers pour affronter la sanction démocratique des urnes, qui est précisément le signe de l’élégance, voire du fair-play politique des temps modernes ? Deuxième uppercut de Nzuéba.

Dans un dernier baroud de déshonneur, les adversaires d’Henri Konan Bédié l’ont traîné au tribunal administratif, espérant tirer de la loi sur les partis politiques, un angle de tir pour faire trébucher celui qui les conduisait sereinement, dans une stratégie de l’entonnoir, vers les urnes militantes qu’ils redoutaient comme la peste. Mais, la justice n’est plus aux ordres des crieurs de la Sorbonne d’Abidjan. Ce n’est plus le matelas et la machette de Blé Goudé qui dictent aux juges ivoiriens leurs verdicts décisifs. Ils se réfèrent désormais à leur conscience et au droit positif. C’est donc sans surprise que les adversaires d’Henri Konan Bédié, véritables amateurs en droit associatif et en pratique politique de haute voltige, mais aussi cruellement déficitaires en termes de légitimité politique dans leurs propres rangs, ont été renvoyés à leurs études juridiques par le tribunal d’Abidjan. Comment ne pas saluer ici l’extraordinaire capacité des magistrats ivoiriens de notre temps à se faire pédagogues de la démocratie ? Ainsi fut administré le K.O. du droit avant le combat du 6 octobre, aux adversaires de Bédié.

IIUne défaite interne aux grandes conséquences externes

Il ne faut surtout pas se leurrer sur ce qui vient de se passer au cœur du PDCI-RDA. Je prédisais en août 2013, en deux tribunes successives, le scénario que nous avons observé en septembre-octobre 2013 : la confrontation entre le PDCI-RDA, animé par l’ambition républicaine et cosmopolitique de l’houphouétisme, et le PDCI-National, animé par la vindicte identitaire du national-chauvinisme. Je prévoyais une victoire assurée du PDCI-RDA, mais en insistant sur la nécessité, en Côte d’Ivoire, de ne pas confondre les batailles gagnées contre la pensée  et le bloc identitaires et la victoire qui sera très longue à remporter contre les causes profondes de la crise ivoirienne qui ont leurs ultimes racines dans cette même pensée et ce bloc identitaire encore. L’ivoirité, je le redis encore, n’a fait que perdre une bataille au PDCI-RDA, mais pas encore la guerre. Pourquoi ? Ce que KKB et Djédjé Mady ont résolument perdu face aux 93% d’Henri Konan Bédié, c’est le droit de parler légitimement et légalement au nom du PDCI-RDA. Il suffit cependant de voir le rictus des deux vaincus du 6 octobre 2013 dans les différentes images qui nous sont parvenues du congrès pour comprendre qu’ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin, et qu’à défaut de poursuivre la guéguerre hémorragique qu’ils ont commencée au sein du PDCI-RDA contre la cohésion autour du président Bédié, ils seront sans doute relayés par d’autres candidats à la zizanie interne dans les prochaines semaines. Simple pessimisme envers la capacité du plus ancien des partis de Côte d’Ivoire à reprendre pied fermement après d’âpres disputes démocratiques entre ses militants attitrés ? Non. La raison de mon fatalisme est ailleurs. Jamais loin du PDCI-RDA, fiévreusement à l’affût et notamment infiltré dans le PDCI-RDA à travers les ténors de la doctrine ivoiritaire, mais aussi les opportunistes qui n’attendent que de savoir à quel soleil séchera leur linge demain, il y a la machine du Front Populaire Ivoirien, qui a résolument juré, pour affaiblir le régime Ouattara, de diviser le RHDP et notamment de débarrasser le PDCI-RDA de l’influence d’Henri Konan Bédié. Le FPI, fidèle à sa monomanie mentale, n’en démordra point. Si KKB et Djédjé Mady, soudain ravisés par la défaite sèche et abrupte que Bédié  leur a infligée, se retiraient du Front anti-Bédié, ce qui est du reste trop tard, il est certain que d’autres phalangistes les suppléeront dans l’opération schismatique. Car si Henri Konan Bédié a pu ouvertement comparer les méthodes du pouvoir FPI défunt à celles de la Gestapo hitlérienne lors de son grand discours au congrès d’octobre 2013, n’était-ce pas aussi pour prévenir ceux qui en rêvaient encore parmi les siens, que le FPI est définitivement le sens interdit du code de la route du PDCI-RDA ?

Ce que le plébiscite du Président Henri Konan Bédié, à plus de 93% par les militants du PDCI-RDA enseigne cependant très clairement, c’est que tout schisme au sein du PDCI-RDA ne sera que de portée mineure. On ne fait pas un courant avec moins de 3% des voix d’un parti qui a deux courants. Mieux encore, si dans les jours prochains, les KKB et Djédjé Mady, au nom d’une légitimité qu’ils estimeraient biaisée par les conditions du vote interne au PDCI-RDA en octobre 2013, en appelaient au vote des Ivoiriens pour leurs candidatures respectives à l’élection présidentielle 2015, il y a fort à parier que c’est sur les voix du FPI qu’ils devront majoritairement compter. Dans une telle hypothèse, ils affaibliraient le candidat du FPI dès le 1er tour au lieu de servir leur cause ivoiritaire commune. N’est-ce pas la preuve que la défaite cinglante des rivaux du Président Henri Konan Bédié est vraiment une couleuvre très longue à avaler pour le FPI ? Incontestablement, le parti d’Affi N’guessan perd dans cette défaite  des ivoiritaires au cœur du PDCI-RDA un pion essentiel de sa stratégie d’affaiblissement du RDR. Cela ne signifie toutefois pas que le FPI renoncera à sa stratégie d’usure du RDR et que tous les démons de la pensée ivoiritaire sont définitivement exorcisés du PDCI-RDA. Chaque défaite, résolument infligée aux pense-petit de l’ethnonationalisme en Afrique sera toutefois, pour tous les Africains, une source de grande espérance pour l’avènement d’une grande modernité démocratique continentale. Et c’est déjà çà. A chaque jour, suffit sa peine. Car ce qui s’annonce résolument pour 2015, c’est aussi, heureusement, contre vents et marées, la possibilité d’un régime RHDP plus cohérent, plus fort encore qu’en cette année 2013, administrant aux Africains la preuve par 2 que l’intérêt général doit être la boussole des grandes coalitions politiques de notre siècle d’émergence. Trois hommes, résolument, semblent d’ores et déjà avoir fixé ce cap aux Ivoiriens : Alassane Ouattara, Guillaume Soro, et Henri Konan Bédié, dont on se doit de saluer l’extraordinaire baroud d’honneur du dimanche 6 octobre 2013.

Une analyse postélectorale du Professeur Franklin Nyamsi

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