Lettre A Nana Houphouët Boigny

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Cher Nanan,

C’est certainement avec un demi sourire, mais avec attention, que, d’où tu te trouves, tu suis avec attention les lignes que ma main trace ce matin sur une feuille, car tu dois déjà pressentir que c’est à toi que mon message de ce jour vaadresser.

Aujourd’hui, vingt années après que tu t’en soies allé, nous comprenons enfin et ne finissons pas de réaliser pourquoi le mot et le concept de PAIX ont été aussi omniprésents dans ta vie.

Pour un pays tel que la Côte d’Ivoire, qui, en tant qu’entité souveraine, n’avait encore connu aucun conflit armé, ni porté de l’extérieur, ni engagé en dehors de ses frontières, et encore moins en interne, ce mot de PAIX qui revenait sans arrêt et a été sublimé lorsque la Basilique de Yamoussoukro, cette merveille d’édifice religieux, l’a définitivement érigé en stigmate de notre pays en s’en réclamant, intriguait. Il a même été vite susurré que c’est parce que tu espérais cueillir une dernière couronne,supposéet’être secrètement très chère, à savoir recevoir le Prix Nobel de la Paix. Tu vois comme sont les Ivoiriens, Nanan, ils ne changeront jamais !

Mais par contre, par rapport à ce concept de Paix que tu voulais ériger en mythe fondateur de notre nation en formation, les Ivoiriens, tes « Ivoiriennes, Ivoiriens et chers compatriotes », viennent de connaître sur leur sol et en leur chair et âme, un cycle quasi ininterrompu d’épreuves, de 1999 à ce jour, qui a conduit à ce que aujourd’hui, en 2013, vingt années après t’avoir vu les quitter, la nécessité de paix a pratiquement fini par se faire le principe le mieux partagé par eux tous. Et ils ne cessent de réclamer cette paix en l’associant à leur fameuse trouvaille, « on est fatigués ».

Oui, Nanan, c’est après toi que tes chers compatriotes ont connu des coups d’état ou des tentatives de putsch, une guerre interne avec leurterritoire coupé en deux, des horreurs et exactions, telles des hommes, femmes et enfants égorgés ou éventrés jusqu’à des personnes brulées vives ; en bref, aucun pan du répertoire des cruautés et atrocités inhérentes aux guerres civiles ne nous a été épargné. N’en disons pas plus pour ne pas remuer ce couteau chauffé à blanc dans notre flanc. Oui, tu avais raison, et cela certainement parce que, ton inspiration a senti certaines choses pointer, comme une chevauchée de cavaliers de l’apocalypse, arrivant au ralenti.

Oui, Nanan, si tu réclamais la paix, c’est que tu avais dû avoir la prémonition de ce qui nous attendait.

Oui, cher Nanan, peut être avais tu déjà conscience de ce que ta succession à la tête de l’Etat n’avait pas été préparée et mise en forme de manière forte, comme ton jeune frère Senghor l’avait assuré au Sénégal ? Après une présence aussi longue que la tienne à la tête de l’Etat, il était pourtant évident que les ambitions et attentes politiques ouvertes ou tapies dans l’ombre seraient très vives sinon impitoyables.

Cher Nanan, peut être percevais-tu déjà que ton grand projet de faire de la Côte d’Ivoire une Nation avait encore un long chemin devant lui, et qu’il aurait fallu trouver le génie et les voies d’y aller plus vite au moment où, comme tu l’as souhaité et comme le développement de notre économie l’imposait, de nombreuses populations de toute l’Afrique de l’Ouest arrivaient chez nous pour y demeurer ; En effet, comment un Etat qui n’est pas encore une nation peut-il normalement et vraiment intégrer un si grand nombre d’arrivant ? Ces derniers trouveront-ils un cadre social et culturel dans lequel se fondre ? Sinon, la Côte d’Ivoire n’abritera-t-elle que d’innombrables ilots de mini nations ?

Cher Nanan, peut-être avait tu déjà également pris la mesure de ce que le ralentissement et même l’arrêt prolongés de notre croissance des années de « Miracle économique » allait continuer d’impacter très négativement sur le fonctionnement de notre Etat et ébranler notre société dans ses fondement, avec le spectre de la pauvreté et du désœuvrement et du chômage massifs des générations montantes même formées ou diplômés ; cela allait inexorablement bouleverser toute ton œuvre ;car ces milliers ou même millions d’hommes et femmes, tenaillés par la faim et le besoin, ne penseraient plus en hommes libres et sensés, mais seraient partants pour toutes les aventures, la morale se délitant au passage ?

Cher Nanan, nous n’allons pas perturber ton repos en continuant à égrener tout ce qui a pu être tes soucis des dernières années. Nous avons souffert et continuons de souffrir ; nous l’acceptons et assumons puisque chaque génération paie son tribut à l’histoire des pays ; saches que nous avons beaucoup appris, que l’humilité nous habite désormais, que ton peuple se réfère désormais beaucoup au créateur. Même s’il est resté celui que tu as aimé et conduit, à savoir des hommes et femmes ambitieux, amoureux de la vie et toujours hospitaliers.

Nous continuons donc, et continues de demeurer avec nous de là-haut !

Président du Mouvement des Forces d’Avenir (MFA)

N.B. : A propos, que dis-tu à la classe politique Ivoirienne et à ses Leaders ? Ils se réclament pratiquement tous de toi et de ta vision, mais le pays n’est pas encore réconcilié, et la paix est encore à consolider.Peut-être que leurs cerveaux – pour ce qui est de la politique – n’ont pas encore trouvé leur ordre ?

 

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