ADO Veut-Il Sacrifier La Justice Sur L’autel De La Réconciliation ?

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Le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, a prolongé d’un an le mandat de l’ancien Premier ministre, Charles Konan Banny, à la tête de la Commission dialogue, vérité, et réconciliation (CDVR). On se rappelle que cette commission a été créée en 2011, au lendemain de la crise post-électorale qu’a connue le pays. La mission de cette commission, qui s’inspire quelque peu de la Commission vérité, justice et réconciliation de l’Afrique du Sud, était donc de rechercher la vérité, de situer les responsabilités dans les différents crimes qui ont émaillé cette période post-électorale, et d’envisager la réconciliation entre les Ivoiriens.
La commission dont le mandat a officiellement expiré le 28 septembre 2013 a d’ailleurs transmis son rapport au président Ouattara et son président s’est même déclaré « satisfait du travail de son équipe ». Toutefois, des voix émanant de tous les milieux sociaux s’élèvent pour dénoncer des insuffisances, ainsi que des résultats « peu visibles sur le terrain ».

En amnistiant ainsi à tour de bras, ADO préfère passer par pertes et profits les nombreux crimes

En d’autres termes, le commun des Ivoiriens considère tout simplement que la commission n’a pas été à la hauteur de ses attentes, et que l’argent du contribuable ivoirien n’a servi qu’à payer de gros salaires à des gens pour qu’ils dorment derrière leurs bureaux. Charles Konan Banny s’en défend naturellement. Néanmoins, cette ordonnance de rallonge que le président Ouattara vient de prendre ne fait que confirmer cette opinion. D’ailleurs, les termes de l’ordonnance, en déclarant qu’un nouveau délai de 12 mois est accordé à la commission pour lui « permettre d’accomplir ses missions », ne font que confirmer le constat d’échec de Banny et de son équipe. Mais qu’à cela ne tienne, on a l’impression qu’il en faut plus que le constat d’échec de cette commission pour freiner l’ardeur du président ivoirien dans sa volonté de réconcilier ses compatriotes. Son engagement est tel qu’on a souvent du mal à le suivre, et beaucoup n’hésitent même pas à dire qu’il est en train de sacrifier la justice sur l’autel de la réconciliation. Il faut reconnaître qu’il est difficile en effet de comprendre la magnanimité presque obsessionnelle de ADO qui l’amène à accorder l’amnistie à des militaires qui ont retourné leurs armes contre la patrie et même aux auteurs de crimes les plus inqualifiables de l’histoire de la Côte d’Ivoire. « Rentrez, messieurs les massacreurs, tueurs, violeurs, et vous tous qui avez les mains couvertes de sang de vos frères ; au nom de la réconciliation, je vous déclare amnistiés de tous vos actes », telle semble être la résolution de ADO dans la gestion de ce dossier. Il est vrai qu’en amnistiant ainsi à tour de bras, ADO préfère passer par pertes et profits les nombreux crimes des escadrons de la mort et des coupables de crimes économiques. Or, par ce choix, il risque fort de se mettre à dos toutes les familles des victimes qui attendent réparation, entendez par là, condamnation des coupables. Pourquoi donc cet empressement chez ADO ? Que fait-il de la recherche de la vérité qui doit permettre à la Justice de faire payer les coupables et dissuader d’éventuels actes de ce genre ?

Ce dont la Côte d’Ivoire a le plus besoin aujourd’hui, c’est d’un climat social apaisé

De prime abord, on est bien tenté de dire, et les arguments pour l’étayer ne manquent pas, qu’Alassane fait de la politique politicienne. En effet, 2015 est à côté et Alassane a besoin d’être réélu, et cette fois-ci, non pas en président contesté, mais plutôt comme le président de tous les Ivoiriens. Et pour cela, il a besoin de rassembler large, c’est-à-dire jusque dans les rangs du FPI. D’aucuns disent d’ailleurs qu’une fois confortablement réélu, rien n’empêchera Alassane de revenir sur les dossiers de liberté provisoire et d’autoriser la Justice « à faire son travail ». Ce d’autant qu’il n’aura plus rien à perdre. Ces libérations et amnisties à tout vent participeraient donc d’une « ruse de guerre » destinée à préparer sa réélection à la tête de l’Etat ivoirien.
Cependant, si on peut admettre que l’attitude de Alassane contribue à mettre de l’eau au moulin des tenants de cette thèse, il faut tout de même, et à la décharge de Ouattara, reconnaître qu’examiner plus de trois mille dossiers de Justice, ce n’est pas une mince affaire et que cela prendrait plusieurs années. Y tenir signifie tout simplement que beaucoup de personnes risquent de mourir sans connaître l’issue du procès. Dans ce cas, un « dédommagement » serait à coup sûr plus utile aux familles des victimes. Alassane a peut-être pris cette option et elle n’est pas forcément la pire. Du reste, il faut reconnaître que justice (donc condamnation) et réconciliation font rarement bon ménage. Or, ce dont la Côte d’Ivoire a le plus besoin aujourd’hui, c’est d’un climat social apaisé, favorable au développement économique et aux investissements étrangers. En cela, le succès que vient d’enregistrer le forum investir en Côte d’Ivoire signifie sans doute que c’est plutôt les rancœurs qu’Alassane a choisies de sacrifier sur l’autel de la justice.

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