Comme il fallait s’y attendre, les photos de Charles Blé Goudé en tenue de plage prises dans ce qu’on pourrait appeler un lieu de détention et diffusées par les réseaux sociaux n’ont pas manqué de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Cris d’orfraie par ci, lever de bouclier par là. La refondation carbure à l’indignation depuis dimanche. Il est proprement risible de constater à quel point ceux là même qui sont passés maîtres dans l’art de la provocation et de la caricature burlesque sont prompts à ruer dans les brancards et à revêtir le manteau de la vertu outragée chaque fois qu’on leur renvoie l’image insoutenable de leurs propres turpitudes. Quoi donc, certains seraient-ils plus fondés que d’autres à rire du malheur d’autrui ?
Voici des gens qui il y a moins de deux semaines encore commentaient avec délectation la mort supposée du PR et remerciaient le ciel d’avoir exaucé leur vœu funeste. Les mêmes qui (aujourd’hui encore) continuent de moquer le PR en tournant en dérision sa maladie et en faisant des blagues de crétins sur la canne qui l’accompagne. Pas un jour ne passe sans que ces individus ne publient sur la toile des photos du Chef de l’état dans une posture peu avantageuse accompagnées de commentaires ubuesques. Il a suffit de deux ou trois photos de Gbapê (photos dont le caractère offensant reste à prouver) publiées sur le net pour que ces messieurs montent sur leurs grands chevaux et crient haro sur le baudet. Les voilà donc qui s’érigent en donneurs de leçons et en professeurs de savoir vivre !!! On croit rêver…
Mais au delà des récriminations des refondateurs et des doutes que les uns et les autres peuvent soulever sur l’authenticité et l’origine de ces photos, il convient de souligner que même dans le camp présidentiel, l’on a assisté à des réactions teintées d’une certaine ambivalence. Il y a d’un côté ceux qui considèrent ces images comme une revanche sur l’effronterie et l’arrogance légendaire des refondateurs. Car il n’y a pas pire affront et pire humiliation pour les frontistes que de voir le fameux général de la rue, le tout puissant leader des jeunes patriotes de Laurent Gbagbo vaincu et enfermé entre quatre murs le regard vide et l’air larmoyant. Et de l’autre ceux qui y voient une manipulation de plus, une mise en scène ourdie par les officines de la refondation afin de présenter le régime sous un mauvais jour et l’exposer à l’opprobre de la communauté internationale. Le but inavoué serait ainsi de susciter une vague d’émotion et un courant de sympathie à même de retourner l’opinion contre le pouvoir et provoquer à terme un élan de solidarité qui aboutirait à la libération du prévenu. La méthode n’est pas nouvelle….
À l’heure où l’actualité est en partie focalisée sur la libération de Thierry Michel Atangana, il est vraiment difficile de croire que l’apparition de ces images est fortuite. Tout comme il est difficile de ne pas faire le parallèle entre les photos de Blé Goudé et ceux l’ex prisonnier franco-camerounais debout dans sa cellule la posture équivoque et la bible bien en évidence. Le dernier ne disait-il pas (récemment) avoir tiré de sa foi chrétienne le courage de faire face aux épreuves qu’il a endurées. Le mimétisme est saisissant.
Cela ressemble à une technique de dressage car ces images s’adressent plus à la passion qu’à la raison. Le but ici est de créer des associations d’idées débouchant sur des conclusions parfois erronées. Ainsi le sol fait penser au dénuement ; la nudité au dépouillement et à la fragilité ; l’éponge à l’insalubrité ; la barbe au manque d’objets de toilette ; la bible à la foi et à la spiritualité ; les graffitis à la bravade et à la résistance….etc… Le côté émotionnel, affectif et religieux ainsi sublimé interdit toute référence aux causes même de l’incarcération. Le pathétique devient prégnant et débouche sur un réflexe d’empathie. Vous aurez beau protester et crier à la manipulation rien n’y fera. Les gens croient d’avantage à ce qu’ils voient. Confucius ne disait-il pas qu’une image vaut mille mots…
À l’évidence, les refondateurs ont une longueur d’avance dans la guerre médiatique que se livrent le pouvoir et l’opposition depuis 2010. Il urge donc pour nos gouvernants de prendre les mesures idoines afin d’inverser cette tendance défavorable. Faute de quoi ils risquent de passer le reste de leur mandat à se justifier et à s’expliquer. Imaginez demain la publication de photos de Simone Gbagbo couchée à même le sol dans une tenue légère entre bananes, bouteilles d’eau et seau de toilette. Toutes les dénégations du monde seraient impuissantes face au séisme politico-médiatique que ne manquerait pas de provoquer un tel évènement. Car si des images de Charles Blé Goudé, l’homme le plus surveillé du pays ont pu filtrer à l’extérieur et provoquer un tel embarras du pouvoir, qui peut lever nos craintes et nous rassurer que nous ne nous réveillerons pas un matin face à une autre représentation tragicomique d’un goût tout aussi douteux.
Il est donc plus que temps de reprendre les choses en main et de traquer les taupes qui organisent ces actions de sabotages. La plaisanterie a assez duré….
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