Drogba Ou Le Chant Du Cygne…

0
5

L’annonce de la retraite internationale de Didier Drogba n’en finit pas de faire des vagues. L’onde de choc partie de la toile a vite fait le tour du pays, provoquant des réactions et commentaires aussi passionnés qu’excessifs. Le départ de Gbagbadê déchaine les passions. Ailleurs, un tel évènement au delà de l’émotion qu’il provoque (du fait de la personnalité hors du commun du concerné) serait considéré comme normal. À 36 ans, DD a largement atteint l’âge de la retraite. Son retrait s’inscrit donc dans la logique des choses car il ne fait que respecter la tradition longtemps établie qui veut les footballeurs prennent leur retraite (internationale) aux alentours des 35 ans. Il n’est un secret pour personne que les performances physiques des sportifs baissent avec l’âge et que leurs rendements s’en ressentent immanquablement. Pas besoin d’avoir un œil aiguisé pour se rendre compte que le Drogba qu’on a connu en 2006, 2008 ou 2010 n’est plus le même que celui d’aujourd’hui. L’homme n’a plus la fougue et le répondant qu’on lui connaissait. Et le fait de le voir récemment relégué sur le banc de touche (suprême déshonneur) est la preuve que les années sont passées par là et que notre éléphant en chef n’est plus le pachyderme irrésistible et indomptable dont la seule présence sur le terrain suffisait à créer l’effroi chez l’adversaire et la confiance chez ses coéquipiers. Le dire ce n’est pas nier son passé ou balayer du revers de la main ses faits d’armes. En parler ce n’est pas reléguer aux oubliettes toutes les joies qu’il nous a procurées. C’est simplement faire preuve de lucidité et de bon sens. Mais il faut croire qu’en Eburnie nous ne vivons pas dans un monde normal. Et que le bon sens soit la chose la moins partagée dans ce pays. Sinon comment comprendre que pour une affaire qui ne relève que du strict cadre de la sphère sportive certains étourdis viennent nous assommer avec leurs élucubrations sur l’ingratitude, le présumé rattrapage, le complot nordiste…et pleins d’autres nigauderies auxquelles nous ont habitués les partisans du monde parallèle.
Drogba a toujours été notre icône nationale. Le football ivoirien de ces 10 dernières années s’identifiait avant tout à la star de Chelsea. Ce n’est pas par hasard que la fédération ivoirienne de football a accédé à sa demande de faire jouer le match Côte d’Ivoire – Madagascar (comptant pour les éliminatoires de la CAN 2008) à Bouaké dans le fief de la rébellion. Le foot étant facteur de rassemblement, cette rencontre plus que tous les discours et autres accords pouvait rapprocher les ivoiriens et ressouder le tissu social fissuré par des années de conflit. Et qui mieux que Drogba pouvait porter cet élan et montrer à ses compatriotes la voie à suivre pour aboutir à la paix et à la réconciliation ? Certains lui prédisaient même un destin présidentiel, persuadés qu’ils étaient qu’en cas de candidature l’enfant de NIAPRAHIO battrait sans coup férir tous ces politiciens qui nous ont conduits dans le gouffre. DD était donc le personnage le plus consensuel de ce pays. Mais ça c’était avant. Avant qu’il ne vienne à l’esprit de certains de se l’accaparer sous prétexte qu’ils partageaient avec lui des particularismes identitaires et géographiques. C’était avant que certains ne se mettent à l’idée de mêler la politique au sport et d’opposer Dahi Zôkô à ses coéquipiers du nord présentés comme une menace pour le fils du pays. C’était avant que certains ne mettent en avant l’origine ethnique des sélectionnés ivoiriens et ne dressent un compte d’apothicaire du nombre d’internationaux sensés représenter chaque ethnie. C’était donc bien avant que certains ne perdent le pouvoir et avec lui la foi qu’ils avaient en ce pays et en l’avenir commun que nos ainés se sont donnés tant de mal à bâtir. Dès lors ils n’avaient d’yeux que pour une seule personne. Ils ne s’intéressaient au sport ivoirien que pour une seule personne ; ne suivaient les matchs de l’équipe nationale que pour une seule personne. Les performances du groupe de les intéressaient nullement et leur seule satisfaction était que l’objet de toute leur attention soit sur le terrain. Certains sont mêmes allés jusqu’à le féliciter pour avoir raté le penalty qui aurait pu donner la CAN 2012 à la Côte d’Ivoire. Vous ne pouviez pas formuler la moindre critique sur lui sans vous entendre rétorquer des propos du genre : « pourquoi tu ne parles pas aussi de Yaya ou de Kolo ? »… C’est à çà qu’on en était arrivé dans ce pays. Voulant préparer la relève en donnant du temps de jeu aux jeunes joueurs, l’ex sélectionneur Sabri Lamouchi avait utilisé Drogba comme joker. Mal lui en a pris. Que d’injures et de critiques acerbes n’a-t-il pas récoltés. Le courroux de ses détracteurs étaient d’autant plus aiguisés qu’il avait eu l’outrecuidance de confier le brassard de capitaine à Yaya (l’ennemi juré) en l’absence du fils prodige. Que n’a-t-on pas lu et entendu alors ? Tout ce boucan pour un simple brassard !!!!
La fièvre n’était pas encore retombée que notre star décide de ranger ses crampons internationaux pour ne se consacrer qu’à son club. Il n’en fallait pas plus pour que la température remonte. On crie au complot, au rattrapage, au meurtre, à l’assassinat, à la conspiration, à l’attentat, au coup monté, à la conjuration, au coup d’état…etc… On prédit un avenir sombre à tous ceux qui ont trempé dans cette affaire et des défaites à n’en point finir pour notre sélection nationale. On jure que plus jamais on ne s’intéressera à un match des éléphants autrement que pour pouvoir goûter à la joie de les voir perdre !!! Tout ce barouf pour une simple retraite sportive !!!! Même le départ à la retraite du roi Pélé en son temps n’avait provoqué un tel ramdam. Mais on est où là ?!!!
Dans ce tonnerre d’indignation et de malédictions adressées aux mécréants, difficile de placer un mot pour rendre un hommage appuyé à l’homme et saluer le professionnalisme dont il a toujours fait preuve durant sa carrière. Des joies, DD nous en a procurées et pas des moindres. Ses buts ont toujours égayé nos soirées sportives et guidé nos pachydermes vers des victoires éclatantes. Il a toujours respecté le drapeau national et n’a jamais hésité à l’associer à ses victoires en Europe. Son amour pour son pays na jamais souffert l’ombre d’un doute. Il n’a jamais triché avec le public et du temps de sa splendeur s’est toujours montré généreux dans l’effort et appliqué dans la tâche. Loin d’en imposer à ses coéquipiers par sa gloire et son talent mondialement reconnus, il s’est toujours mis au service du groupe et n’a jamais essayé de tirer la couverture sur lui. Si aujourd’hui, mêmes les esquimaux connaissent l’existence d’un pays appelé Côte d’ivoire, c’est en grande partie grâce à Didier. Ne pas reconnaitre tout ce qu’il a apporté à ce pays serait plus qu’ingrat. Dommage que certains aient voulu forcement l’associer à leurs lubies politiciennes au point d’écorner son image en fabriquant de toutes pièces des situations conflictuelles avec ses coéquipiers. Dommage que son coup de pied réparateur de 2012 détourné par le souffle démoniaque des serpents ait propulsé la balle dans les tribunes, le privant ainsi d’une CAN qu’il s’est toujours promis d’offrir à son pays. Dommage que son parcours ait un goût d’inachevé et que sa carrière se termine sur une polémique absurde créée par des gens à problèmes qui ont toujours prospéré dans le trouble et la discorde. Mais nous nous préférons nous souvenir du Drogba flamboyant qui guidait ses troupes à l’assaut avec panache, la mèche au vent et le mythique numéro 11 gravé dans le dos. Nous nous souviendrons toujours du Drogba étincelant qui abattait ses adversaires d’un coup de tête rageur ou d’un coup de patte dévastateur lors de soirées mémorables au FÉLICIA. Nous n’oublierons jamais le Drogba impétueux qui conduisait sa horde à BOUAKÉ dans le fief des forces nouvelles pour porter le message de la paix et de la réconciliation. Nous n’oublierons jamais le Drogba radieux qui arborait fièrement le drapeau national un soir mai 2012 à l’ALLIANZ ARENA pour célébrer la victoire de son club Chelsea en finale de la league européenne des champions. Nous aurons toujours dans nos mémoires le Drogba engagé socialement qui s’investissait au profit des populations, finançant des hôpitaux pour les démunis. C’est de ce Drogba là que nous nous souviendrons toujours et que nous garderons à jamais dans nos cœurs.
Quand le chant du cygne sonne, il faut savoir partir. Sans amertume, sans regrets. Ce n’est pas un Adieu. Ce n’est qu’un au revoir. Nous nous retrouverons un jour autour d’un « DROGBA » pour évoquer le passé et ressasser les souvenirs glorieux. Loin des passions politiques, des dérives ethniques et des polémiques inutiles. Tu as tracé les sillons des victoires futures et montré la voie à suivre à tes cadets. Tu n’as pas gouté au Graal. Mais du haut de la montagne, tu as vu la terre promise et aperçu le théâtre de leurs exploits futurs. Ton esprit et ta fougue les guideront vers le succès. Et le jour de la consécration, tu seras à leurs côtés pour savourer le triomphe tant attendu et tant mérité. Comme l’a dit le poète, « Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème ;
Partir, c’est mourir un peu.
Et l’on part, et c’est un jeu,
Et jusqu’à l’adieu suprême
C’est son âme que l’on sème,
Que l’on sème à chaque adieu…
Partir, c’est mourir un peu. »

Et il faut savoir partir pour que vivent les souvenirs. Bye bye l’artiste…

Auteur :

Source :

Commentaires facebook

Mettez votre commentaire

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here