Les 10 Recommandations Du Séminaire De l’Ascad : « Election Et Violence En Côte d’Ivoire»

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les conclusions de l’ensemble  des  travaux  en plénière,  le  séminaire qui  a  lieu  les  13   et  14mai 2014 à Abidjan a formulé    à  l’attention des gouvernants et de toutes les parties prenantes  au  processus électoral, les dix recommandations suivantes :

1- Considérant que le scrutin  démocratique est :universel  (participation  maximale  des  citoyens au scrutin, quelles que soient leurs origines sociales, opinions politiques,  croyances  religieuses ou quel que soit le genre) ;égal (égalité de tous devant la loi avec interdiction du vote multiple de l’électeur) ;secret (isoloir  obligatoire afin d’assurer l’anonymat du vote et ainsi garantir   la  liberté  de conscience et de sécurité de l’électeur, en vue de le soustraire aux menaces et violences physiques, achats de conscience, et autres vices de consentement,  notamment l’obligation de jurer sur le fétiche) ;et libre (le droit de vote facultatif  relevant  de  la conscience civique de chaque citoyen, l’inscription sur la liste électorale et la participation au vote sont laissées à l’appréciation de chaque électeur) ; Qu’il en résulte, qu’à l’occasion d’une compétition électorale disputée, sincère, loyale, et aléatoire (du fait que l’issue du scrutin est incertaine, donc non connue d’avance), le citoyen-électeur se sert de son bulletin de vote pour discriminer, soit pour récompenser le candidat de son choix, soit pour sanctionner, en éliminant celui qu’il préfère le moins; Que dès lors, que l’élection  pacifique  est,  dans   sa  conception, comme  dans  son  déroulement  ainsi  que dans  ses  résultats,  conforme  aux  règles constitutionnelles et principes légaux requis pour son organisation et sa gestion, elle devient le canal par lequel, l’universalité des citoyens désigne librement ses gouvernants, en leur conférant une légitimité démocratique  ; Convaincu  que le consentement qui découle de l’acceptation sans  contrainte  des  règles  constitutionnelles et principes légaux requis par la majorité des citoyens a pour conséquence de réduire les incertitudes susceptibles d’entacher la sincérité du scrutin ; Qu’il s’ensuit, que  ce  libre  consentement  de l’universalité des citoyens-électeurs évacue nécessairement le scepticisme des gouvernés, de manière à rétablir la confiance précédemment  rompue  entre  les  parties prenantes au processus électoral; Considérant en revanche, que la violence électorale dépossède illégitimement l’électeur de son pouvoir électoral, dénature les résultats du scrutin(violences physiques sur les personnes, violences morales ou risque  d’ostracisme  des  personnes  ou groupes dissidents, vols et destructions du matériel électoral ou des urnes ; pillages et destruction des biens des perdants), et par voie de conséquence, décrédibilise et délégitime les gouvernants et l’opposition, en ce qu’elle induit parfois une rotation imparfaite au pouvoir au détriment d’une alternance régulière; Considérant enfin, l’impact de la crise post-électorale sur la cohésion sociale et le fonctionnement régulier des Institutions ;Vu l’importance de la paix et la sécurité dans l’organisation du rite de légitimation démocratique des gouvernants, le séminaire se félicite de l’initiative qu’a prise l’Ascad d’ inviter toutes les parties prenantes au processus électoral, afin de réfléchir ensemble sur les conditions et moyens pour remédier  définitivement  ou  à  tout  le  moins, minimiser les conséquences de la violence électorale;

2.Conscient des difficultés rencontrées dans l’organisation et la gestion du scrutin présidentiel   de  2010  ;  Rappelant le contexte de la crise post-électorale et les graves conséquences qui en ont résulté ;Considérant les risques que représente le désaccord persistant entre les parties prenantes au processus électoral sur les stratégies et moyens d’accès au pouvoir ; Rappelant  que les problèmes politiques non résolus ou mal résolus peuvent alimenter la violence électorale ; Qu’en outre, cette violence électorale peut résulter parfois de la méconnaissance ou du non-respect des règles de procédures ou encore du manque de confiance des acteurs dans l’impartialité et neutralité des institutions électorales ; Réaffirmant que l’absence d’un accord minimum  consensuel  pour  minimiser  le désaccord sur les règles d’organisation, de fonctionnement et de gestion du processus électoral constitue un risque réel pour la cohésion  sociale,  le  Séminaire   recommande : la mise en place d’un cadre légal de concertation et de veille, défini comme un espace d’échanges, d’informations et de suivi entre les différentes structures, acteurs et parties prenantes au processus électoral, en vue d’anticiper et prévenir les risques de violence électorale; l’accès équitable  des  candidats,  partis  et groupements, aux moyens publics de communication et le renforcement du rôle des médias dans la sensibilisation à la paix, et à l’éducation civique électorale, notamment pendant la campagne électorale ;la renonciation des acteurs politiques à la culture de la violence, de sorte que les candidats  puissent  accepter   spontanément, d’épuiser toutes les voies légales et pacifiques de recours, en cas de contestation des élections ;l’instauration d’un système conventionnel de débats télévisés où tous les candidats s’engageront publiquement à s’abstenir de recourir à la violence lors de la contestation des résultats des élections ;

3. Considérant que le développement de la culture de la démocratie électorale, fondée sur les valeurs morales de civisme, la conscience citoyenne, le dialogue des cultures politiques et la tolérance religieuse, le respect et l’acceptation du fait majoritaire et le verdict des urnes, concourt inexorablement au renforcement de l’État de droit et à la bonne organisation et gestion des élections pacifiques, le   séminaire   recommande : la mise en place d’une Cei impartiale, indépendante, crédible et responsable, dans la mise en œuvre du processus électoral; l’organisation des élections transparentes et démocratiques dans le respect des textes en vigueur et reflétant l’intérêt général; la formation et la sensibilisation des militants des partis politiques et des électeurs à la pratique de la démocratie électorale; l’établissement  et  la  gestion  d’un  fichier électoral et d’une liste électorale consensuels, sécurisés, fiables et crédibles, et d’un découpage électoral équitable et transparent, en fonction des critères légaux et objectifs, afin que l’inégalité démographique comme critère d’attribution des sièges n’altère la justice électorale;

4-Considérant que l’élection démocratique ne saurait être pour les électeurs ainsi que pour les candidats, ni un piège, ni une supercherie ; Soulignant le rôle déterminant de la Commission électorale indépendante (Cei)dans l’organisation, la gestion et  la  proclamation  des  résultats  sincères des élections, le Séminaire recommande :le renforcement des capacités opérationnelles de la Cei par la formation de ses cadres et agents; le respect de ses propres règles de fonctionnement et la publication régulière de ses décisions ;l’observation de la stricte neutralité et impartialité dans l’exercice de ses fonctions ;le renforcement de son indépendance financière ;l’amélioration de ses relations avec les autres institutions impliquées dans le processus  électoral,  notamment  :  l’Assemblée nationale,  le  Conseil  constitutionnel,  la Cour suprême, le ministère de la Justice, les ministères chargés des forces de l’ordre et intervenant dans le processus électoral ;les précisions nécessaires quant aux compétences respectives de la Cei et du Conseil constitutionnel dans la proclamation des résultats provisoires et définitifs du scrutin présidentiel ;

5-Conscient que l’élection pacifique est le mode légitime de dévolution démocratique du pouvoir ; Considérant les risques de violence et d’insécurité, en cas d’implication partisane des forces de l’ordre à toutes les étapes du processus électoral ; Considérant que cette intervention illégitime qui n’est ni républicaine, ni objective et impartiale, disqualifierait politiquement le  processus  de  légitimation  des  gouvernants ; Qu’elle empêcherait l’électeur à participer librement au scrutin ou lui retirerait la sérénité nécessaire pour accomplir  sa  liberté  de  vote;  Qu’en conséquence, le Séminaire recommande :l’impartialité et la neutralité des  forces  de  défense,  des forces de l’ordre et de sécurité ; la  sécurisation  de  toutes  les étapes du processus électoral, notamment la campagne électorale, et le vote ; la  sécurisation  du   matériel électoral, des bureaux de vote et des urnes ;la sécurisation des sièges des partis  et  groupements  politiques ;l’instauration d’un climat politique et social stable et sécurisé ;

6-Considérant que pour répandues  qu’elles  soient  en Afrique, les fraudes et la violence électorale affectent  durablement  le processus électoral et altèrent la démocratie électorale; Conscient de  leurs  effets  sur  la sincérité du scrutin, le Séminaire  recommande  la  mise  en place  d’un  nouveau cadre législatif d’organisation et de gestion des élections susceptible de : doter le juge électoral du  pouvoir  de  sanctionner les auteurs des fraudes  et  violences électorales, soit en les déclarant inéligibles, soit en les  privant  de  leur  droit  de vote ;réformer le système judiciaire à l’effet de renforcer les pouvoirs du Procureur de la République,  notamment   dans  la répression des fraudes et de la violence électorale ;

7-Reconnaissant l’importance de l’ordre, la libre circulation des personnes, et plus particulièrement   la  sécurité des électeurs et des candidats avant,  pendant  et  après  le scrutin, dans l’organisation et la gestion des élections libres, inclusives, transparentes, pacifiques  et  crédibles  ;Convaincu  que lorsque  la démocratie cesse de pourvoir aux besoins quotidiens des citoyens, et qu’elle induit le divorce entre la politique et le social, il s’ensuit que la pauvreté fragilise et affaiblit irrémédiablement la démocratie, de sorte qu’elle altère la sincérité  du  scrutin  ;  Qu’en conséquence,  le  séminaire recommande  aux  gouvernants   de  prendre  toutes  les mesures utiles, efficaces et nécessaires,  afin  de  créer  les conditions politiques et économiques destinées à prévenir   la   violence  électorale, notamment par la réduction significative de la pauvreté et des inégalités sociales et l’élimination de toute forme d’impunité ;

8-Considérant   qu’aux termes de  l’article  24  de  la constitution ivoirienne du 1eraoût  2000,  «   les  partis   et groupements  politiques concourent à la formation de la volonté du peuple et à l’expression du suffrage » ; Que dès lors, le séminaire est reconnaissant au gouvernement, pour les dispositions législatives qu’il a prises, afin d’assurer  aux   partis  et groupements politiques, le financement des ressources nécessaires à leurs activités, de sorte qu’ils ne soient pas tentés de recourir à des financements illégaux ; Qu’en tout état de cause, le séminaire se félicite de ces efforts déjà accomplis par le gouvernant et l’encourage à veiller à l’application équitable de la loi relative au financement  des  partis  et groupements  politiques,  de manière  à  éviter  tout  traitement inégal, notamment en ce qui concerne les critères d’attribution des fonds;

9- Considérant que la violence électorale peut se révéler comme un obstacle majeur à la construction de l’unité nationale ; Conscient que les affrontements ethniques et religieux qui en résulteraient, peuvent  constituer  une  menace à l’intégrité de la nation, le séminaire recommande que pour l’unité et la fortification de la nation dans la paix, il y a lieu :d’élever  à  l’échelon  national, les principes de réconciliation et  de   consensus,   au  rang d’exigence à valeur constitutionnelle ;de sensibiliser les différents acteurs de la société autour des valeurs républicaines de civisme et de tolérance afin de rétablir la confiance rompue entre les parties prenantes au processus électoral;

10-Particulièrement attaché à l’organisation et à la gestion pacifiques des élections ; Rappelant les conséquences de la grave crise post-électorale ; Convaincu de la nécessité  d’éradiquer  la  violence électorale ; Soulignant l’importance de la paix dans l’organisation  et  la  gestion  des élections  démocratiques  ;Réaffirmant sa  volonté  de s’approprier ces dites conclusions et recommandations ;le séminaire invite toutes les parties prenantes au processus électoral à s’assembler, à s’unir et  à  conjuguer   leurs  efforts dans la concorde, afin qu’elles s’engagent résolument dans la lutte contre la violence électorale ;Prenant en considération tout ce qui précède, le Séminaire décide  la  création d’un Comité de suivi permanent, chargé de la mise en application de   ses    différentes recommandations sur  « Election   et violence», prises à l’issue de ses assises des 13 et 14 mai 2014à Abidjan; Que  dès  lors,  le Comité de suivi créé à cet effet, sera composé  de  onze  (11)  membres, issus en particulier, des parties prenantes au processus électoral, et répartis comme suit :Assemblée nationale (1), Cour suprême  (1),  Commission électorale  indépendante(1),Rassemblement  des  républicains (1); Parti démocratique de Côte d’Ivoire (1), Front populaire ivoirien(1), Forum national  des  confessions religieuses (1), Chefferie traditionnelle (1), Société civile (1),Ascad (2) ;Qu’ayant à l’esprit d’atteindre le plus rapidement et efficacement les objectifs que le séminaire s’est fixés, le Comité de suivi ainsi créé, se propose d’organiser, dans un délai raisonnable,  une   rencontre d’échanges avec toutes les parties  prenantes  au  processus électoral  ;  Qu’à  l’issue de cette rencontre de restitution des actes du séminaire, le Comité  de  suivi  prendra  toutes les mesures nécessaires, utiles et efficaces pour la poursuite de  sa  campagne,  en  vue  de l’élimination  de  la  violence électorale sous toutes ces formes.

(*) L’ACADÉMIE DES SCIENCES, DES ARTS, DES CULTURESD’AFRIQUE ET DES DIASPORASAFRICAINES, AVEC L’APPUI DUNATIONAL DEMOCRATICINSTITUTE (NDI) ASCAD

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