Gbagbo Ne Sera Pas Aux Obsèques De Sa Mère ! A Qui La Faute ?

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La nouvelle est tombée. « …la Chambre de première instance a rejeté la demande de la Défense de mise en liberté de M. Gbagbo pour une période d’au moins trois jours, afin d’organiser et assister aux funérailles de sa mère ». Qu’est ce qui justifie une telle décision alors que cette même cour a autorisé, par le passé, « Jean-Pierre Bemba » à se rendre en Belgique à deux reprises pour l’enterrement de ses parents ? La Cpi répond : « Bien que la Chambre ait considéré que la demande de M. Gbagbo d’être transféré en Côte d’ivoire afin d’organiser les funérailles de sa mère constituait des circonstances humanitaires, les juges ne sont pas persuadés, dans ces circonstances, que toutes conditions spécifiques pourraient suffisamment réduire les préoccupations logistiques et de sécurité ». En d’autres termes, la décision de l’élargir « pourrait faire courir un risque de mettre en danger la population en Côte d’Ivoire, le personnel de la Cour et M. Gbagbo lui-même ». 

Au-delà de ces clarifications, la question fondamentale qui alimente actuellement le débat est la suivante: la Cpi a-t-elle le droit d’empêcher un détenu d’assister à des obsèques ? N’est ce pas une décision hautement politique ? Existe-t-il une disposition particulière de la Cour qui l’autorise à agir ainsi ? En vérité, ce type de décision s’appuie sur le  principe de la socialisation de la justice. Il ne s’agit pas d’une exigence légale, et cela n’est d’ailleurs pas prévu par le Règlement de preuve et de procédure de l’institution. En conséquence, une permission de sortie pouvait être accordée à l’ex-premier magistrat de la république.  Mais dans le cas d’espèce, les juges ont estimé que ce ne serait pas prudent. Il ne faudrait pas en effet ignorer tous les risques d’émeutes et autres troubles à l’ordre public. De l’électricité, il pourrait y en avoir suffisamment dans l’air et il suffira d’un rien pour que jaillissent les étincelles. Les frustrations et ressentiments, longtemps entretenus pourraient s’exprimer. Les obsèques pourraient se muer en un mouvement de foule incontrôlable. Certains argueront que les forces de sécurité publique auront à charge de contenir pacifiquement tout déferlement populaire de violence. Mais pourront-elles rester inopérantes face à d’éventuels extrémistes de tous bords qui enflammeraient la foule et mettraient en danger la sécurité de Laurent Gbagbo lui-même ? Que se passerait-il si des militants surexcités versent dans la démesure, et la provocation ? Qui portera la responsabilité d’éventuels troubles et actes de vandalisme ?

Les risques sont bel et bien là. Et les autorités ivoiriennes les ont mieux évalués et ont donné un avis motivé à la Cpi. Le gouvernement a mesuré l’étendue des responsabilités qui pèsent sur ses épaules. Point besoin de percevoir dans cette démarche une quelconque peur du président Alassane Ouattara face à une popularité virtuelle de Laurent Gbagbo, souvent agitée et pourtant démentie par les urnes en 2010. La Côte d’Ivoire est à la croisée des chemins. Les chantiers de la réconciliation et de la cohésion sociale sont largement ouverts. Les travaux de reconstruction économiques sont engagés avec des résultats qui émerveillent. Le processus électoral se renforce avec une commission électorale indépendante à la tâche, en dépit de l’attentisme de certains commissaires centraux ayant pourtant prêté serment. Et dans un tel contexte, il est vraiment judicieux de s’interdire tout risque de remise en cause de la tranquillité publique. 

Gbagbo à Abidjan pour les oraisons funèbres ! Cela aurait été  en tout cas inédit. Cela aurait été  l’instant poignant des adieux, sur fond de souvenirs partagés, de gémissements retenus et de sanglots contenus.  Tous les cœurs sensibles et pétris d’amour l’ont d’ailleurs vivement souhaité. Mais nous avons encore en mémoire « l’intolérance ou l’extrémisme » dont ont fait preuve les proches de la défunte face à la main tendue anticipée du gouvernement pour offrir soins et assistance afin que le pire soit évité. Ils ont refusé hier un geste humanitaire censé sauver une vie et sont étonnés qu’on leur refuse aujourd’hui un voyage à vocation funéraire. Il va falloir qu’ils revoient leur copie du concept de « devoir d’humanité ».  Un devoir au nom duquel nous saluons la mémoire de l’illustre disparue qui a marqué son pays par sa simplicité de vie.

Par le Dr ALEXIS GEORGES KOUNOUHO

georexk@gmail.com

CONSULTANT – FORMATEUR EN MANAGEMENT

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