Burkina Faso, L’impasse Totale

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Alors que, calendrier en main, les Burkinabè décomptaient le nombre de jours qu’il reste à Blaise Compaoré pour finir son mandat, ce dernier leur rappelle qu’un énième abonnement au palais est encore envisageable. Contre la levée de boucliers générale dans le pays, nous avons tristement remarqué la volonté frénétique de l’homme d’aller au bout de sa logique. Au terme de chaudes empoignades limitées, au début, aux apostrophes discourtoises, et transformées par la suite en une insurrection populaire, la classe politique burkinabè affronte maintenant la dure réalité d’un coup d’Etat dont personne ne veut assumer la responsabilité. Si les partis au pouvoir ont vécu virtuellement leur rêve de convertir le palais présidentiel en patrimoine politique, les opposants, en revanche, sont surpris du désordre constitutionnel survenu. Nous voici dans ce que Georges Simmel qualifie d’« excitation stérile ». Deux visions politiques différentes et un dénominateur commun : l’excès dans les formules et méthodes.  

Dans la foulée de la journée du vendredi 31 octobre 2014, le président Compaoré annonce sa démission. Constatant la vacance du pouvoir ainsi créée, et considérant l’urgence de sauvegarder la vie de la nation,  le chef d’état-major de l’armée, le Général Nabéré Honoré Traoré, indique qu’il assume désormais les responsabilités de chef de l’Etat. Avouons que les adversaires de Compaoré n’avaient jamais envisagé ce scénario. Quoi qu’on dise, le Burkina actuel est entré dans une dangereuse zone de tempête politico-institutionnelle. Les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont clairement stipulé leur opposition à la remise en cause de l’ordre constitutionnel.  C’est l’impasse.

A qui la faute ?

Qui est pris, qui croyait prendre. La classe politique est dans la nasse. L’armée a pris le pouvoir et les contestations n’y changeront rien de sitôt. Les responsabilités sont certes partagées. Mais à notre humble avis, la faute capitale inexpiable à l’origine de l’impasse est imputable au président Compaoré. La cause première de cette situation de confusion totale, la tare congénitale source de cette catastrophe, est de s’être entêté à se fabriquer une présidence à vie, malgré tous les indicateurs qui l’en dissuadaient. 

A l’évidence, les enjeux que portait le projet de révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè étaient si importants que l’opposition s’est montrée très déterminée à toutes les extrémités pour empêcher le vote de la loi. Là-dessus, les analystes sont de plus en plus unanimes pour reconnaître la noblesse de ce combat. Pour des raisons qui leur sont propres, certaines personnes nous ont abreuvés du caractère légal de l’initiative du « roi ». A propos de leurs arguments de droit, nous avions opposé une irrecevabilité de principe. En effet, le rôle d’une constitution est d’organiser la dévolution du pouvoir et la structuration institutionnelle des Etats en indiquant les grandes lignes et en posant les principes fondamentaux. On change de constitution ou on la révise lorsqu’elle porte des insuffisances qui paralysent le fonctionnement normal de la République. Pas pour sauter les verrous de l’alternance démocratique. Le réputé politologue Georges Burdeau, dans son ouvrage « La Démocratie » paru aux Editions Seuil en 1956, nous prévient d’ailleurs en nous invitant à « ausculter l’esprit des lois ». 

Ce qui s’est passé est visiblement un signal aux forces politiques au pouvoir en Afrique qui, sous l’effet de l’ivresse du pouvoir, font le pari de laisser derrière elles, un océan d’horreur et de désolation. Héritiers d’une solide fortune de honte, les « hommes intègres » ont su, cette fois-ci, se relever pour livrer bataille et barrer la voie à cette retouche opportuniste. Comme quoi, « si tu demandes à ton peuple de se jeter à la mer, il fera la révolution », dixit Saint-Exupéry. Des soldats ont été lancés à l’assaut des manifestants, mais le régime et son chef ont appris à l’arrivée une leçon de la nature : « la vipère qui se jette gueule ouverte sur les épines du hérisson, finit par se blesser  cruellement, et en dépit de son venin, l’issue lui est  toujours fatale ». On retient et La Fontaine l’a déjà souligné en conclusion de sa fable La grenouille et le Rat : « La ruse la mieux ourdie peut nuire à son inventeur. Et souvent la perfidie retourne sur son auteur ».  

Par le Dr ALEXIS GEORGES KOUNOUHO

georexk@gmail.com

 

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