Les Premières Leçons De La Situation Burkinabè

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En moins de quarante huit heures, les Burkinabè ont réussi la prouesse de mettre un terme au régime de Blaise Compaoré. Moins de temps qu’il en a fallu aux Tunisiens et aux Egyptiens pour en finir avec les régimes de Ben Ali et de Hosni Moubarack. Après l’émotion et la surprise créées par cette insurrection populaire, il serait avantageux que nous tirions les principales leçons.

Qui l’eût cru ? Personne en tout cas. Encore moins les manifestants eux-mêmes. Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut se référer aux propos du président Blaise Compaoré, après sa démission. Dans un appel au pardon et à la paix, il affirme : « Je pardonne sincèrement à tous et même à ceux là qui ont failli et m’ont trahi ». C’est donc clair. Sa chute est prioritairement favorisée par des traites. Point besoin donc de croire que ceux qui ont pris la rue sont de valeureux citoyens qui ont réalisé un exploit. Ils ont juste participé à la mise en œuvre d’un plan dont ils ignoraient eux mêmes les vrais enjeux. N’allez pas nous dire que les services de renseignements du palais étaient sous informés. N’allez pas également nous dire que les manifestants qui ont incendié le siège du parlement y ont accédé par l’opération du Saint Esprit. N’allez surtout pas nous faire croire que le cap qui a été mis sur le palais présidentiel relevait d’une improvisation. Une analyse minutieuse des faits indique bien l’étendue des failles du dispositif sécuritaire et de la haute trahison qui en manœuvrait les ficelles. Aucune mesure d’anticipation n’a été prise. En vérité, tout a été savamment orchestré pour aboutir au désordre constitutionnel installé. Seuls les non initiés ont été surpris. Pour ceux qui savent lire la météo politique, il y avait depuis quelques années des signes avant-coureurs d’un désamour qui ne dit pas son nom entre le président Compaoré et l’armée. On se souvient du mouvement de révolte des militaires qui se sont mutinés à Ouagadougou, la capitale et à Pô, ville située dans le sud du pays. Ce mouvement intervenu le 14 avril 2011 a obligé le président Compaoré à rencontrer toutes les composantes de l’armée, des simples soldats aux généraux. C’est dire qu’à tout moment, les soldats pouvaient lâcher leur « chef ». Pourtant, l’armée burkinabè est l’institution qui peut se targuer d’avoir été le rempart de la longévité du règne de Compaoré. 27 ans de complicité. A vous de tirer la leçon avec Francis Blanche qui nous rappelle que « la trahison est une moisissure verte et douce, comme le duvet : elle ronge en silence et par l’intérieur ».

Face à la dure réalité, le président Blaise Compaoré disposait toujours d’un plan B. Il pouvait compter sur des fidèles et engager la riposte. Mais, par expérience, il savait que son étoffe de chef d’Etat démocratiquement élu, artisan de paix dans plusieurs régions d’Afrique, lui recommande une retenue. Et c’est ici que germe la deuxième grande leçon de sa chute : le sens du sacrifice. N’a-t-il pas lancé ce vibrant appel : « J’accepte s’il le faut d’être l’agneau du sacrifice de l’union nationale. Sauvez le pays, préservez le ». C’est la marque des grands hommes ayant un sens élevé des responsabilités. Voyant le risque d’implosion aux conséquences incalculables, il a choisi de s’offrir en holocauste. Pour que vive le Burkina Faso. Quelle Sagesse !  

La troisième leçon que nous dégageons de notre analyse est liée à l’impact de ce soulèvement populaire sur la gouvernance en Afrique. Quoi qu’on dise, on ne saurait ignorer l’engagement citoyen des manifestants. Ces jeunes se sont appropriés cette sagesse de Périclès : « Il n’y a pas de bonheur sans liberté, il n’y a pas de liberté sans courage ». Ils viennent de libérer tout le continent de cette épée de Damoclès que représente la modification de nos Constitution à des fins opportunistes. Après le Sénégal, c’est le Burkina qui montre ainsi au monde entier que lorsqu’un peuple en a marre, il sait puiser au tréfonds de ses entrailles la volonté nécessaire pour se faire entendre. Avec le feu qui a tout consumé sur son passage et le sang des nombreux martyrs et blessés. Avec le chaos qui a fait de la Capitale Ouagadougou, une ville fantôme. Ont-ils conscience du rôle qu’ils ont joué en empêchant la révision de la Constitution ? C’est un message clair envoyé aux autres dirigeants de la sous-région. Serait-ce le début du printemps noir ?

Par le Dr ALEXIS GEORGES KOUNOUHO

georexk@gmail.com

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