Les Trois Coups d’Etat Du 31 Octobre 2014 Au Burkina Faso

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Le Burkina Faso, mon pays chéri, vient de connaître une semaine mémorable. Je salue la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie, ce changement de cap politique et offre ma compassion aux blessés. Le peuple a accompli une insurrection contre le compromis trouvé au sein de majorité présidentielle. Lorsqu’on est démocrate, l’on est condamné à constater que par là même, le peuple souverain a exercé sa volonté et que de ce fait, il convient de s’incliner puisque du droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes, seul le peuple dicte la forme d’exercice de son doit, soit directement, soit par représentation. L’insurrection populaire est l’exercice de cette volonté majoritaire directe. L’insurrection populaire n’est pas un Coup d’Etat. Il s’ensuit que celle du vaillant peuple du Burkina accomplie le 30 octobre contre le compromis de la société politique majoritaire n’est pas un Coup d’Etat. Le Président Blaise Compaoré l’a si bien compris que tous les gestes républicains (refus d’ordonner de tirer sur la foule massée devant Kossyam, dissolution du gouvernement, annulation du projet de loi modificative, disponibilité pour le dialogue et ouverture d’une transition constitutionnelle apaisée) qu’il a posés en ces moments décisifs le prouvent. Avec une rare lucidité, il a refusé de donner l’ordre à sa Garde d’affronter la foule des insurgés. Il engagea le dialogue avec eux, preuve de lucidité et de patriotisme pour la paix. L’histoire dira un jour, qui, finalement aura été l’agneau de sacrifice et qui aura incarné et l’Etat et le respect de la Constitution de 1991. Certes, il a commis une faute politique au regard du besoin d’alternance des jeunes, mais au plan juridique, il était dans son bon droit. C’est un leader exceptionnel. Il l’a assumé en partant pour éviter le pire. S’il faut se féliciter, c’est tant le vaillant peuple du Burkina que son Président démission qui a su préserver les vies des insurgés et en ayant toujours le sens de l’Etat et des institutions, même dans sa lettre de démission conformément à l’article 43 de la Constitution. Si le peuple a exercé souverainement ses droits, son ancien Président exerça les siens, à lui reconnus par la Constitution jusqu’au bout. Deux solitudes !

Il n’en va pas de même pour les trois actes suivants qui sont des Coups d’Etat

L’annonce du commandement des forces armées nationales

Dans l’après -midi du jeudi 30 octobre les hauts gradés de l’Armée ont fait lire par l’un des siens Aboubacar Ba, avec à sa droite, le Général Nabéré Honoré Traoré, Chef d’Etat- major, une déclaration par laquelle, ils dissolvent l’Assemblée Nationale, le Gouvernement, instaure l’état de siège et le couvre-feu de 19h00 à 6h00 du matin. Cette déclaration est une atteinte à la Constitution puisqu’elle est un coup d’Etat qui refuse de s’assumer en osant pas dire que le Président Blaise Compaoré est démis de ses fonctions. Les Burkinabè savent et ont en tête, le renversement du Président Maurice Yaméogo par soulèvement populaire du 3 janvier 1966. Le militaire le plus ancien dans le grade le plus élevé, a été porté au pouvoir par la haute hiérarchie militaire. Le Général Sangoulé Lamizana connut un destin présidentiel sans le vouloir. Le Général Traoré a osé répéter cette audace sans en avoir les moyens, ni de consensus au sein de la hiérarchie, ni militaires.

Curieuse déclaration qui ne révoque pas la Constitution, n’obtient pas la démission du Président légal et légitime et qui s’arroge des pouvoirs dans l’illégalité totale. Cette déclaration est d’une nullité sans nom et comme telle, elle sent la trahison tant des institutions que de l’esprit de l’insurrection populaire. Dire, c’est déjà fait lorsqu’on est dans une situation de prononciamiento. Ainsi, un prononciamiento est un énoncé constatatif. Il ne saurait transiger avec les ambiguïtés ou les non-dits. Puisque les opposants politiques étaient dans une posture maximaliste et qu’au surplus, ils pensaient être aux commandes de la foule –quelle folie-, ils ont rejeté comme la foule et le général auto-proclamé, et les ambiguïtés de celui-ci. Le Général n’avait ni légitimité, ni légalité encore moins les moyens de son prononciamiento. Par conséquent, il a tenté une imposture. La deuxième variante déclarative que le Général Nabéré Honoré Traoré a émise le 31 janvier consécutif de l’annonce de la démission suivant l’article 43 de la Constitution, est une variante se voulant définitive de sa prise de pouvoir. Là encore, le Général a pêché par manque de vision, de courage et de responsabilité ne suspendant pas la Constitution et ne disant pas que l’Armée est aux commandes en attendant que la Cour Constitutionnelle tire les conséquences de la vacance du pouvoir. Le Président Blaise Compaoré n’a jamais dissout l’Assemblée et il s’ensuit que cette institution vit. Le constat de cette vacance est le fait de la Cour Constitutionnelle. La floraison des auto-proclamations par le Général Kouamé Lougué et Madame Saran Séré Sérémé rappelle les bouffonneries comme dérélictions que l’histoire sait activer pour donner raison au retour de l’Histoire.          

La victoire du peuple et le retour à la Constitution

L’ancien Chef de file de l’opposition politique, sûr de son fait, (lequel) a rejeté l’offre politique cruciale pour la sauvegarde la IVè République faite par le Président Compaoré. Le Jeudi 30 octobre vers 22h, le Président Blaise Compaoré a pris acte de l’impossibilité absolue de modifier l’article 37, a assuré transmettre le pouvoir à un Burkinabè « élu démocratiquement » à la fin de son mandat qui court jusqu’en novembre 2015. Dans la même adresse à la Nation, il se dit disponible pour un dialogue constructif, décide de la levée de l’état de siège, état de siège annoncé par le commandement des forces armées nationales, annoncée plus tôt par la hiérarchie militaire sous la férule du Général Nabéré Honoré Traoré. Les oppositions politiques du Burkina Faso ne voulaient pas d’un autre mandat du Président Compaoré, les insurgés leur ont donné raison. Il y a comme la convergence de postures des opposants politiques et de la société civile affiliée et d’une fraction du peuple pour rejeter et obtenir le retrait de ce projet de loi. Lorsqu’une insurrection populaire obtient le retrait d’un projet de loi, elle établit directement, hors de la loi, une jurisprudence. Démocrate, je sais que la Constitution appartient au peuple et que le pouvoir dans une République émane du peuple. Les oppositions politiques savent que le pouvoir ne se trouve pas dans la Rue. Il leur incombait, comme suprême enjeu unanime, comme société politique, d’exiger impérativement, qu’on s’en tienne à la Constitution et par là même proposer le nom d’un Premier Ministre de consensus et de transition au Président Compaoré le vendredi matin du 31 octobre. Négatifs jusqu’au bout.

Les opposants par la voix de Maître Bénéwendé, le révolutionnaire, estimait vendredi qu’accepter cette offre patriotique de sauvegarde de la Constitution indispensable pour que les membres de la société politique, dans un dialogue constructif, puissent définir les contours de la transition, ce serait offrir du temps au Président Blaise Compaoré pour les « massacrer ». Dans l’inconscient du peuple, ils distillèrent le fait que le Président Compaoré allait abuser de sont talent de retourner des situations inextricables en sa faveur. Le Come back kid du Burkina Faso comme le caméléon Général Mathieu Kérékou du Benin ?

Quant à l’ancien chef de file de l’opposition, il exigeait la « démission pure et simple du Président Compaoré » comme préalable à tout dialogue sans pour autant exiger le maintien ferme et absolu de la Constitution aux fins de permettre à la Cour Constitutionnelle, de constater la vacance et de veiller à l’application des dispositions de la loi y afférant. Les opposants sont restés enfermés dans leur logique de suicide de la République. Enfermés hier dans les ni modification de l’article 37, ni la mise en place du Sénat, ni le référendum modificatoire de la Constitution, aujourd’hui, avec le soulèvement populaire, le même réflexe d’enfermement empêcha d’avoir le sens politique nécessaire pour anticiper la marche suivante. C’est pourquoi, l’exigence de la démission pure et simple du Président Compaoré sans exiger une séance extraordinaire de la Cour Constitutionnelle pour constater la vacance, pire qu’une faute, est un Coup d’Etat contre la Constitution du 2 juin 1991. Les oppositions politiques, au Burkina Faso comme ailleurs sur le continent africain, sont d’une incohérence, d’une immaturité déconcertante. Aucun leader au sein des oppositions, n’a su incarner l’Etat, la continuité constitutionnelle. Seul le Docteur Ablassé Ouédraogo, semblait un leader pondéré appelant au patriotisme, à la fin des pillages et au retour impératif à la paix. Que ces mêmes opposants se mettent à appeler le peuple à manifester le dimanche 2 novembre 2014 pour soit disant rejeter ce qu’ils appellent la confiscation de la victoire populaire par l’armée, c’est encore une autre myopie qui exige de la junte de s’auto-désaisir du pouvoir. Puisque cette victoire populaire est le fait de la société civile dans toutes ses composantes, surtout dans sa fraction jeune, celle-ci a compris que la stabilisation du pays était indispensable contrairement à la poursuite des chicanes politiques. Cette fraction jeune a joué la pondération en appelant l’armée à assumer le pouvoir d’Etat aux fins de stabiliser et de retour à la paix. Quiconque est de bonne foi, verra bien que cet appel est le fait d’une nouvelle génération de leaders (militaires comme civils). Moi qui appelais toujours à une transition générationnelle, je suis entendu même si elle le fut aux dépens du respect de la légalité constitutionnelle. Ce changement générationnel apaisé, je le souhaitais dans la stabilité politique, dans la paix et dans le respect de la légalité constitutionnelle. D’où mon soutien, dans la transparence, d’un référendum révocatoire du leadership du Président Compaoré ou de son plébiscite. Le soulèvement populaire a tranché dans le vif. Comme dans ce cas d’espèce partout dans l’histoire des peuples, l’exercice direct de la souveraineté et sans médiatisation des institutions de la République, ça saigne toujours pour les membres de la société politique, opposants comme partisans du Président Blaise Compaoré. Les opposants comme les partisans de l’ancienne majorité ont tous perdu la main. C’est la leçon rude que l’histoire des surgissements telluriques du peuple sur la scène de l’Histoire nous enseigne. Les politiques réalisent aujourd’hui a posteriori que l’offre de dialogue constructif et de transition dans le strict respect des dispositions de la Constitution, que le Président Compaoré proposait le jeudi 30 novembre 2014, était pour la société politique, la seule qui sauvegardait la Constitution, les animateurs politiques et les accommodements négociés dans le cadre constitutionnel. En appeler aujourd’hui au rétablissement de la Constitution, c’est retro-pédaler, c’est maudire les ténèbres pour avoir refusé de proposer quelque chose à temps ou d’accepter ce quelque chose ultime dans le cadre constitutionnel.

Le changement générationnel comme transition militaire au forceps

Le désapparentement des dirigeants de Balai citoyen d’avec ceux des organisations de la société civile (vieille génération d’activistes coalisés avec les partis de l’ancienne opposition politique) et son appel citoyen à l’Armée pour stabiliser est un appel générationnel pour une transition militaire générationnelle. C’est un Coup d’Etat sorti d’une insurrection populaire, comme ce le fut le 3 janvier 1966. L’impréparation des insurgés en 1966 comme en 2014 consacre le dicton, l’histoire se répète pour qui ne la connaît pas. Les protagonistes ont changé, le contexte générationnel a changé. Ce n’est plus l’intelligentsia incarnée par le Professeur Ki-Zerbo alliée aux syndicats, réunis sous le leadership de Joseph Ouédraogo dit Jo-Weder. La classe politique qui a inspiré janvier 66 était composée de grandes figures charismatiques. Octobre 2014 manque désespéremment de profils politiques inspirants. Ce ne sont que de bureaucrates, tant néolibéraux, tantôt banquiers, aucun leader qui a une histoire tissée avec celle de la vie, des espoirs et des attentes légitimes du peuple burkinabè. La relève générationnelle est brutale comme le surgissement populaire le fut en ce jour 30 Octobre 2014. Les uns comme les autres n’ont pas su préparer la relève de la classe politique. Cet échec est nôtre. Le Président Blaise Compaoré y a songé, il n’eût point le temps de renvoyer tout son vieil entourage qui a brillé par son absence (tant sur les champs de lutte citoyenne, l’accompagnement militant des députés à l’Assemblée en écho à l’appel de Zéphirin Diabré, la bataille médiatique, le silence sépulcral des repus de la république, bref la solitude du pouvoir assumée par Compaoré et sa seule garde militaire). Quant aux opposants, ils sont tous issus du CDP, excepté le révolutionnaire Bénéwendé Sankara et Paré Emile. Opposants hétéroclites adonnés aux chicanes interpersonnelles qui ont signé la mort de la Constitution de 1991 par leur refus d’une transition constitutionnelle d’un an avec le Président Compaoré et en déphasage complet avec l’objectif des jeunes de Balai citoyen (empêcher la modification de l’article 37) , la victoire populaire ne pouvait que consacrer la profondeur de ces deux solitudes. Seule l’armée, restée républicaine allait, tôt ou tard, apparaître comme l’ultime rempart contre les désordres de tous genres et restaurer la paix sociale et remettre le pays au travail en attendant de refaire ses devoirs : constitutionnel et nouveau cadre républicain.

Que les politiciens exigent le retour à une transition politique, démocratique et civile, c’est comme l’appel ultime de l’ancienne génération de politiciens, qui réalise qu’elle a embrassé l’ombre pour laisser filer la proie. Tous veulent devenir Président, au singulier. Voilà le drame africain des opposants et des coteries politiques. « Que Dieu préserve l’Afrique de ce nouveau fléau : être Président » écrit Guillaume Soro Kigbafori.

Rétablir la Constitution, c’est faire constater la vacance du pouvoir consécutive à la démission pour des raisons patriotiques du Président Blaise Compaoré, c’est accepter que le Président Appolinaire Soungalo Ouattara assure la transition. Les nouveaux alliés que sont le Balai Citoyen et l’Armée l’accepteront-ils ? La grande Muette qui a brillé par sa retenue, son esprit républicain est à saluer? Depuis 1966, l’Armée burkinabè a été, c’est vrai, le creuset de la République, bien plus que les politiciens. Quant à la Communauté internationale, elle doit faire passer un message fort aux opposants. N’aménager pas le foyer du feu terroriste islamiste en pratiquant l’enfermement suicidaire sur les intérêts de la paix et de la sécurité. Notre sous-région est une cocotte-minute. On ne peut vouloir du respect strict de la Constitution et refuser son application totale qui remet en selle le Président Appolinaire Soungalo Ouattata. Sinon, il faudra constater que seul le Président Compaoré aura été le seul leader burkinabè à respecter, invariablement, la Loi fondamentale.

Si les opposants avaient été raisonnables, la seule chose qu’elle aurait dû expliquer aux jeunes dans la rue eût été la saisine du Conseil Constitutionnel le vendredi matin au lieu de se raidir, de jouer la chienlit. Seuls les jeunes ont montré du réalisme et du pragmatisme citoyens en allant chercher l’armée pour restaurer l’ordre pendant que les opposants jouent comme une ritournelle, les préalables.

J’en appelle au sens de responsabilités de tous. Je condamne tous les préalables, tous les trois Coups d’Etat accomplis dans la seule journée du vendredi 31 octobre 2014. Seule la République nous engage sur la voie du progrès.

Respectons nos lois, nos institutions même si, elles nous certifient notre échec et recalent nos ambitions. C’est le prix de la démocratie, le prix de la division, le prix de la tolérance puisque seules les différences existent comme architectonique de la République.

Puissent les enfants de mon pays retrouver les chemins de la concorde, de la tolérance et de la fraternité pour relever les défis du développement dans la paix. Que le Burkina Faso rétablisse son ancienne Constitution de 1991, qu’il évolue vers une Vème République, il lui faudra impérativement mettre tous les anciens politiques de tous bords à la retraite. Les dettes de rancune n’engagent pas l’histoire émancipatoire. Toussaint Louverture, Dessalines et Mandela ont toujours engagé l’histoire émancipatoire des peuples africains au nom de la liberté et des valeurs universelles. Le Burkina Faso a chassé son bâtisseur, le seul qui a vécu au sérieux, rétrospectivement, la Constitution de juin 1991, suspendue par les Trois Coups d’Etat et réclamée par l’ancienne classe politique. Que Dieu donne au Faso, un leader jeune, un sang neuf, un républicain inspiré et tolérant. Que les pays frères et amis nous y aident.

L’Editorial de Mamadou Djibo, PhD of philosophy

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