Le Soldat Zida Ou Le Pseudo-Poutine De Ouaga

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On nous avait claironné que le peuple burkinabé faisait sa révolution. Ni plus, ni moins. De quelle idéologie se revendiquait ce bric-à-brac composite de révolutionnaires ultralibéraux, marxistes, centristes et religieux ? Le silence régnait sur toutes les colonnes, quand la profondeur de la chose était interrogée. Mais la prétention se faisait encore plus ambitieuse, sans vergogne. Après 27 années de pouvoir Compaoré, les animateurs des foules enfiévrées des 30-31 octobre 2014 ne juraient que par un seul mythème: le peuple, tout le peuple, rien que le peuple, reprendrait les rênes de son destin. Une insurrection instrumentalisée vaut-elle un vote démocratique?  Pas en nos temps modernes, hélas. On préféra la dialectique des gourdins à celle des urnes. Un temps, l’histoire semblait refaire bond en arrière, comme dans une volte face inédite, l’acrobate retrouve la position qu’il a prestement quittée auparavant. L’extrême-gauche africaine, comme réveillée de son sommeil dogmatique, exultait de nouveau, contente de voir bientôt réhabilitée sa gouaille. Le professeur Ibriga, un des forts-en-thème de ce Grand Soir, voyait venir, fleur à la bouche, le printemps des sankaristes. Dieu que c’était beau, attendrissant même! Les enfants de choeur de la politique politicienne burkinabé étaient enfin rassemblés comme un seul homme. A sa démarche chaloupée et à ses airs graves, on devinait que l’ex-opposant Diabré se voyait d’ores et déjà Chef de l’Etat du Faso au terme de l’exclusion programmée de ses adversaires du CDP des instances de la transition. Les pseudo-démocrates et leurs hordes de bien-pensants vivant dans leurs tours aux bulles, qui firent casser et brûler le temple parlementaire de la démocratie burkinabé au nom de « la colère légitime des foules », se remirent à entonner le chant de l’Etat de droit qu’ils avaient pourtant discrédité en piétinant les écharpes sacrées des élus du peuple, au nom de la foule qu’ils déclarèrent solennellement plus peuple que le peuple. Tout ce beau monde se prévalut avec fierté de ses propres turpitudes. Que faire d’autres quand les enfants s’amusent?

On retournait donc à la page laissée blanche le 15 octobre 1987 par le Capitaine Thomas Sankara: autre mythe intouchable, dont la seule évocation déclenche encore les ires tremblotants des gardiens d’un certain temple de la sainteté politique africaine. On relançait cette foire aux émotions africanistes, qui ne voyait pas la dizaine d’officiers passés par les armes le 11 juin 1984 sous les ordres du Président Sankara à Ouagadougou, en plein jour. Et les voix à jamais étouffées de leurs épouses éplorées, de leurs orphelins, n’ont pas trouvé de propagande pour les déifier. Oui, on nous avait vendu la meilleure des poudres ouagalaises pour niais rassemblés: le pouvoir irait aux civils, tout de suite. Rien que cela! L’armée, supposée être demeurée au pouvoir depuis 1966,  s’en irait définitivement dans ces casernes, laissant les fonctions politiques aux civils et se concentrant désormais, exemplairement, sur ses tâches républicaines et régaliennes de principe. Dieu, que c’était touchant! Le 18 novembre 2014 pourtant, dans un jeu de chaises musicales qui aura rappelé à tous les observateurs avertis le sinistre et risible manège de Poutine et Medvedev en Russie, Le nouveau président de la Trahison- pardon, la Transition – burkinabé, le diplomate Kafando, nommait au poste de premier ministre, Chef du Gouvernement de Transition, celui qui avait fait des pieds et des mains pour le faire choisir comme Président de la Transition, à savoir le Lieutenant Colonel Zida Yacouba, pièce maîtresse du putsch anti-Compaoré.  Deux questions se posent aujourd’hui: 1) Ce qui se passe aujourd’hui au Burkina Faso était-il prévisible? 2) Peut-on déceler des lignes de crête du futur à court et long terme de ce pays, désormais pleinement installé en zone de turbulences et d’incertitudes? 

IRetour sur nos anticipations de l’an 2014

 Dès janvier 2014, il m’est clairement apparu que quelque chose de très grave se tramait contre les progrès démocratiques au Burkina Faso. Derrière le débat sur le référendum concernant  l’article 37 de la constitution, dans l’ombre du débat pour ou contre l’instauration du Sénat, se profilait le masque hideux du discours identitaire, la haine rentrée de la compétition démocratique et l’usurpation instrumentale du nom du peuple par des coteries intéressées à l’accès coûte que vaille au pouvoir d’Etat, fut-ce au prix d’une tragédie civile.

D’abord donc le discours identitaire. Entonné par les Etienne Traoré et Saran Sérémé dès janvier 2014, relayé par une opposition prompte à faire l’éloge des racines du burkindi éternel, trempé dans on ne sait quelle quintessence magique qui le rendait incontestable, invincible et sûr de son avenir, a fait mouche dans l’opinion. C’est au nom de cet identitarisme à fleur de peau que la mission de bons offices de la Côte d’Ivoire fut rabrouée avec véhémence, alors même que la voix du Burkina Faso, à travers la diplomatie proactive du président Compaoré, avait pesé de tout son poids dans la résolution du différend ivoirien entre 2002 et 2011. Ce faisant, l’opposition burkinabé, pressée de plastronner à Kosyam ne se tirait-elle pas diplomatiquement une balle dans le pied? Dans la géopolitique de la sous-région, un pays enclavé et très pauvre comme le Burkina Faso pourra-t-il se payer le luxe de l’isolement diplomatique? On aimerait bien voir la tête que feront les nouveaux gouvernants de Ouaga quand ils mettront les pieds à Abidjan, dans un pays où leur attitude envers le pouvoir Ouattara a frisé le pur et simple mépris des intérêts de leurs près de quatre millions de compatriotes immigrés. On aimerait voir Yacouba Isaac Zida venir défendre les intérêts du Faso à Yamoussoukro, non loin du lieu où la Côte d’Ivoire reconnaissante et courageuse a hébergé contre tous les cris d’orfraie des officines de la haine identitaire africaine, son fils adoptif, le président Blaise Compaoré.

Ensuite, les ennemis du référendum populaire, aujourd’hui au pouvoir à Ouaga, se sont signalés dès décembre 2013  par un refus sans concession des normes  de négociation, de compromis et de consensus dignes des sociétés démocratiques. Tel était le sens du fameux « Hey » menaçant qu’ils n’arrêtaient pas de lancer dans tous leurs fora au Faso. Au lieu de porter le fer sur les conditions de transparence et d’équité du référendum sollicité par le régime Compaoré, l’opposition burkinabé s’est retrouvée très tôt campée dans la ligne dure du démago-populisme. L’opposition a renié ou fait semblant d’ignorer le jeu démocratique pour arriver coûte que vaille au pouvoir. Elle , qui rassemblait uniquement des foules ça et là, s’est autoproclamée peuple du Faso et s’est arrogée le droit de décréter ce que le peuple par elle émasculé, voulait ou ne voulait pas, paradoxalement. On a joué la rue contre l’urne, le stade contre l’assemblée, la querelle envenimée contre le débat réglé et raisonnable. Pourquoi avoir refusé tout arbitrage du différend politique par le vote? On le sait bien aujourd’hui: les leaders de l’opposition étaient en étroit contact avec des animateurs des mouvements de jeunesse et des militaires pressés de jouir des fastes du pouvoir. C’est parce qu’ils avaient un gourdin sous le coude que les opposants au président Compaoré paraissaient si dégourdis, sûr de leurs soutiens et de leur fait. J’ai parlé très tôt d’un complot en cours contre le régime Compaoré, en un temps où certains voulurent confondre mes dires basés sur des analyses empiriques avec les délires des prophètes d’autrefois au Gbagboland. 

Enfin, je craignais une usurpation massive de la souveraineté populaire burkinabé par ces manipulateurs de foules. Je ne m’y suis pas trompé. Le plan de prise de Ouagadougou par l’alliance Zida-Bénéwendé- Diabré fut exactement celui-là. La référendophobie cachait une grave démocratophobie. La peur de l’élection masquait mal la peur du pluralisme politique. Les vieux réflexes centralistes de l’ère gauchiste de Sankara étaient de retour. A force de dire à tout va « A bas ceci », « A bas cela », nos gueulards de Ouaga finirent par trucider la démocratie burkinabé en son temple le plus sacré. Ce sont effectivement ces Zida-Bénéwendé- Diabré, et leurs affidés excités à l’envi qui allaient casser et brûler le temple de la représentation nationale et constater le vide politique qui en résulterait, en véritables pompiers-pyromanes. Or l’élection législative de 2011 avait-elle été truquée? Que nenni. L’élection présidentielle de 2010 n’était-elle pas légale et légitime? Pour sûr. Diabré n’aurait pas accepté le statut de CFOP (Chef de file de l’Opposition) sans la reconnaissance préalable de la victoire électorale du CDP aux présidentielles et passim. 

Il ressort dès lors que mes anticipations critiques sur le devenir politique du Burkina Faso à court terme ont été hélas confirmées par les faits. Faut-il dire ici en quoi le CDP au pouvoir aura certainement aussi péché dans cette affaire? Au moins sur trois points: a) Sur le plan de la bataille des idées, la mesure de l’ampleur de l’intoxication populaire de la propagande des putschistes a été prise trop tard par le pouvoir CDP qui n’y a pallié que par de timides mesures de réorganisation. Or dès le mois de janvier 2014, la communication politique du régime vacillait fort. Jusque dans le très gouvernemental quotidien Sidwaya, l’opposition avait le vent en poupe à travers la censure systématique des écrits qui la critiquaient. Par ailleurs, l’opposition avait verrouillé de nombreux médias politiques par des micro-censeurs sournois, qui noyaient les répliques à la vulgate putschiste par la pompe haineuse et baveuse des bloggers grossiers des réseaux Cibals. Il aurait médiatiquement fallu répondre strictement coup pour coup à un ennemi qui s’était déjà infiltré au coeur même du pouvoir Compaoré. b) Sur le plan de la bataille morale, le CDP au pouvoir a tardé à se défaire des prévaricateurs qui s’étaient fortement embourgeoisés en son sein, payant du coup la note d’une impopularité auprès des petites gens du Faso, qui n’ont pas risqué leur peau dans la défense de l’ancien pouvoir. c) Enfin, il est de notoriété que le régime CDP a perdu la bataille géopolitique quand la France et les USA, par plusieurs sorties bien calculées, ont remis en cause le droit souverain de l’exécutif burkinabé de solliciter une réforme de la constitution en son article 37. Les anticolonialistes dogmatiques africains, qu’on n’entend jamais critiquer l’Angola de Dos Santos, au pouvoir depuis 1977, ont cette fois ci brillé par leur mutisme sur l’ingérence offensive des administrations occidentales d’Obama et Hollande dans les affaires burkinabé. N’est-il pas certain que cette défiance franco-américaine a servi de carburant psychologique ultime aux insurgés des 30-31 octobre 2014? Ils étaient sûrs de la couverture de leurs forfaits par la communauté internationale, tout comme par la poignée de Chefs d’Etat ouest-africains qui se sont précipités à Ouaga pour flatter le trio putschiste, contre tout l’esprit de la jurisprudence récente de la CEDEAO en matière de coups d’Etat ( Guinée-Bissau, Mali).

IIQu’en est-il aujourd’hui? Le pseudo-Poutine Zida à découvert

 Les événements qui se sont enchaînés du 30 octobre 2014 à la nomination du Gouvernement Zida permettent de lire avec clarté dans ce qui n’était encore qu’un jeu de cache-cache il y a trois semaines. On a cessé de croire que le Lieutenant Colonel Zida a surgi par hasard dans cette affaire quand les déclarations de ses alliés Sams’K Le Jah, Diabré et Bénéwendé ont reflété exactement les mêmes éléments de langage que les siennes propres. Zida était en intelligence avec l’opposition et les mouvements de jeunesse pour renverser le président Compaoré sous quelque motif possible. On a aussi cessé de croire que l’ambassadeur Kafando a jailli des débats du Comité de désignation du président de la Transition comme un Joker surgit d’un jeu de cartes ausculté au hasard. On sait que monsieur Kafando, de loin plus âgé que le président Compaoré, ne représente surtout pas l’avenir de la politique burkinabé dont il est un vieux routier et un pur produit. On sait que monsieur Kafando doit de larges pans de sa carrière à l’ouverture d’esprit du Président Compaoré qu’il fait mine de découvrir aujourd’hui. On sait que ministre et diplomate des régimes de 1983 et de 1987, M. Kafando est nécessairement comptable de leurs bilans, qu’il n’a pas osé dénoncer quand il était ambassadeur du régime Compaoré à l’ONU. On sait que monsieur Kafando, du reste, n’est que le faire-valoir du pouvoir militaire du Lieutenant-Colonel Zida, qui l’a certainement choisi en raison de sa mollesse et de l’inconsistance de son autorité sur les grands corps politiques de cette transition. Le président Kafando n’est donc qu’un clone, un ersatz dans un régime militaire pur et dur qui va mettre le Burkina Faso en coupé réglée. Kafando, c’est le répondeur de Zida. Tous les observateurs avertis au Burkina Faso et en dehors le savent, qui continuent d’appeler Zida « L’homme fort de la transition burkinabé », alors même qu’on nous disait dans les mêmes médias genre RFI et France 24, paradoxalement, que la chute du président Compaoré signait la fin des hommes forts au Faso. Au lieu donc de nous attarder sur l’ombre, intéressons-nous sérieusement à la proie. 

La proie de l’analyse, c’est le Lieutenant-Colonel Zida et le système politico-militaire dont il est désormais le garant auto-proclamé. Cet homme n’est pas seulement dangereux. Il est essentiellement en danger. L’ex-président Blaise Compaoré a, d’une métaphore, situé le personnage: « il occupe une place que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi », a-t-il dit, en substance, à Jeune Afrique. Qu’est-ce qui rend intenable, dangereux et éjectable, le fauteuil de Zida? Comme ses semblables Guéi l’ivoirien, Sanogo le malien, et Dadis Camara le guinéen, Zida arrive avec son treillis et ses poings fermés dans une Afrique de plus en plus réfractaire et indocile aux chefs en bottes. A mon sens, ce lieutenant-Colonel fort sournois, qui s’est empressé d’acquérir quelques parchemins dans le tard pour lisser son profil, aura maille à partir avec les quatre camps qu’il veut tromper: l’armée, ses alliés de l’ex-opposition politique et les dignitaires de la majorité CDP déchue du pouvoir par son coup d’Etat, et enfin la communauté internationale. 

L’armée burkinabé, principale maîtresse du jeu politique actuel, ce n’est un secret pour personne, a régulièrement montré des signes de division interne ces dernières années. Mutineries, tentatives d’assassinat contre le Chef de l’Etat, revendications intempestives, intimidations de l’opinion publique par toutes sortes de remous, ont tôt fait de convaincre l’observateur que la Grande Muette du Faso est devenue une grande bavarde. La cacophonie putschiste née entre les officiers rivaux Nabéré Traoré, Yacouba Zida, Kwamé Lougué, a-t-elle soudain disparu au bénéfice de l’union sacrée de l’armée théâtralisée le 1er novembre 2014 derrière le lieutenant colonel Zida? Il y a loin de la cuiller à la bouche dans cette affaire. Sans oublier que la récupération du patronat du RSP (Régiment de Sécurité Présidentielle) par celui qui en fut le Chef en second, est loin de faire chorus dans cette unité d’élite. N’est-ce pas dans cet esprit que Zida s’est attribué la fonction symbolique de ministre de la défense, comme pour dire que ses rivaux militaires, Kafando et Cie seraient tous à portée de ses canons, comme le peuple burkinabé fait cocu, pendant cette transition militaire? Il y a fort à parier que la suprématie de Zida sur cette armée soit régulièrement mise à l’épreuve durant la transition amorcée, si de plus les problèmes structurels de soldes, de traitement des différents corps et de sécurisation du territoire liés à l’environnement hanté par les jihadistes venaient à s’aggraver.

L’ex-opposition politique burkinabé me rappelle étrangement la douce candeur du RDR en 1999, après le coup d’Etat hypocrite du Général Guéi contre le régime Bédié. On croyait que le saint-cyrien, conformément à ses voeux initiaux fort généreux, viendrait balayer la maison pour que des dirigeants réellement élus par le peuple s’installent enfin au pouvoir. Mais le « balayeur » en treillis prit tellement plaisir au balai et au palais qu’il voulut garder l’un et l’autre. Et hop, la transition militaire du Général Guéi se mua en martyre des cadres républicains ivoiriens. A Ouaga, Zida fait bien son Guéi. Ce signe d’appétit, voire de voracité politique, vient d’être convenablement donné aux Diabré, Bénéwendé et autres Ablassé Ouédraogo par un Zida qui s’est arrogé l’essentiel des ministères régaliens: la défense, l’intérieur, les mines, et les affaires étrangères (puisque Kafando obéira à son promoteur), mais aussi le contrôle des mouvements de jeunesse, à travers le ministère de l’intérieur et celui de la jeunesse & sports. Comme à des chiens récupérant les restes sous la table, le soldat Zida a jeté les os ministériels échappant au festin pantagruélique d’une armée burkinabé plus ostentatoire que jamais dans la gestion de la chose publique. On aura donc mené une insurrection populaire contre un régime légitime pour tomber sous la coupe réglée d’un régime militaire pur et dur. Les grincements de dents des opposants burkinabé ne tarderont pas à se faire entendre. Parions-le. Quand ils verront qu’envers eux aussi, Zida a son plan B comme il en a inventé un contre le CDP, la danse politique s’endiablera à Ouaga, de plus belle. On verra qui a mis de l’eau dans la noix de coco.

Le lieutenant-colonel Zida a multiplié des actes d’humiliation contre le régime qui l’a pourtant nourri, élevé et promu aux meilleures loges de l’armée, tout comme son comparse de parade, l’ambassadeur Kafando. Or l’ingratitude paie difficilement en politique comme dans la vie. Rappelons aux sourds invétérés que l’actuel président de la transition ne peut vouloir tourner la page d’un régime dont il porte l’ADN, auquel il doit ses plus prestigieuses promotions internationales, et qu’il a servi sans broncher pendant des décennies, pactisant de fait avec les faits de corruption qu’il fait mine de dénoncer aujourd’hui. Rappelons qu’au niveau de responsabilité qui fut le sien, le lieutenant-colonel Zida ne saurait objectivement s’exonérer du bilan d’un régime qu’il a hautement contribué à sécuriser de longues années durant. N’est-ce-pas bien lâche de vouloir présenter au monde comme un monstre le président Compaoré alors qu’on a auparavant bénéficié et profité de sa confiance? En tentant d’effacer le nom du président Compaoré des lieux symboliques du pays, en jetant en prison les cadres du CDP tel le Secrétaire Exécutif Assimi Kouanda,  en laissant et faisant piller les biens de l’ex-classe dirigeante du pays, tout comme ils organisent aujourd’hui le harcèlement judiciaire des cadres du CDP, le duo Zida-Kafando veut distraire la galerie sur sa propre volonté de constituer des ressources en vue d’un siège long à la tête de l’Etat burkinabé. Pour le dire autrement, Zida et Kafando, en excluant activement le CDP de la transition politique, veulent faire gagner les élections présidentielles  prochaines par un civil de leur choix. Que le civil en question vienne de l’opposition civile ou du chapeau magique de Zida, ne faut-il pas constater que la confiscation de la transition par les militaires annonce des élections absolument contentieuses pour ce pays? Les exclus du Burkina politique actuel resteront-ils longtemps à s’apitoyer sur leur sort ou entreront-ils en résistance? J’en doute, d’autant plus qu’aux portes du Burkina Faso, comme dans les campagnes ignorées par la gouaille des villes, grondent contre tous les camps politiques, des millions de laissés-pour-compte burkinabé de l’Etranger et de l’intérieur.

Je voudrais enfin toucher un mot de la gestion de la communauté internationale par le nouveau régime de Ouagadougou. Il apparaît très clairement à l’analyste que la CEDEAO s’est divisée sur le cas burkinabé et que cela présage de grosses difficultés diplomatiques pour le nouveau régime, qui a commis la funeste erreur de se démarquer des acquis accumulés en politique internationale par l’extraordinaire charisme et par l’intelligence politiques du président Blaise Compaoré. Au sein de la CEDEAO, la jurisprudence consacrée face aux putschs militaires n’a pas été respectée dans le cas du Burkina, puisque certains Chefs d’Etat, pressés de parer au plus urgent, se sont vite accommodés des arrangements des gagnants du jour à Ouagadougou. Là où on aurait dû faire jouer les clauses constitutionnelles en situation de vacance du pouvoir, on a laissé le bricolage d’une Charte écrite à la va-vite supplanter la loi fondamentale du pays. Au niveau de l’Union Africaine, l’impuissance a de longue date, trouvé sa parade dans les grandes déclarations sans conséquences, avec des délais agités comme des hochets qui amuseraient bien des bambins en cour de recréation. On a entendu Zida s’en moquer comme de l’an quarante. On a vu le président mauritanien de l’UA venir flatter les putschistes à Ouaga. L’ONU enfin, bien éloignée des réalités de la crise burkinabé et pressée d’éteindre un foyer d’insécurité de trop dans le voisinage de l’instable Mali, a fait siens les bricolages de Ouaga, allant jusqu’à saluer un texte de transition putschiste qui détrônait la constitution démocratique d’un de ses Etats-membres. Une négligence qui n’est pas loin de connoter quelque mépris pour la chose politique burkinabé. Le pouvoir Zida aura donc bénéficié d’une CEDEAO, d’une UA, d’une ONU molles et attentistes. Sera-ce le cas encore quand ce pouvoir commettra ses premières bavures lourdes et montrera que loin d’être la solution, il fait partie du différend burkinabé qui couve toujours? J’en doute fort.

De tout ce qui précède, je conclus que le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida est décidément le pseudo-Poutine de Ouaga. « Pseudo » parce que contrairement à l’homme fort de Moscou, Zida n’a pas la puissance qu’il affecte d’avoir en dégommant par-ci tel directeur, en emprisonnant par-là tel cadre politique, ou en réécrivant maladroitement au jugé telle page d’histoire nationale burkinabé. « Poutine de Ouaga » quand même car de fait, avec un cynisme assumé et voulu comme les poings qu’il ferme durement dans toutes ses photos officielles, il a concentré l’essentiel des pouvoirs de la transition burkinabé dans ses seules mains, quoiqu’en disent les leaders de l’opposition civile qui croient gouverner à travers lui ou avec lui. « Pseudo-Poutine de Ouaga » parce que, comme Dadis en Guinée et comme Sanogo au Mali, ses jours sont très étroitement comptés à la tête de l’Etat burkinabé qu’il usurpe illégitimement depuis le 31 octobre 2014. Et voici donc l’avenir qui se profile. Quand les démocrates burkinabé relèveront la tête, il y a fort à parier que le Lieutenant Colonel Zida pliera prestement bagage…s’il en a le temps. Et alors, on méditera davantage ce mot de l’ex-président Blaise Compaoré parlant avec compassion et bienveillance du soldat Zida: «Il occupe une place que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi. »

 Une tribune internationale de Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie

Paris, France

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