Décembre, Dieu Et Nos Travers

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En Côte d’Ivoire, nous sommes un peuple de croyants. Dieu, pour les Ivoiriens, n’est pas une option. C’est la boussole de référence. C’est le repère par excellence. Plus précisément, Dieu est détenteur de tous pouvoirs, dispensateur de toutes grâces. Il a qualité pour décider de tout, pour tout entreprendre. Et dans ce mois de décembre, les uns et les autres invoqueront davantage Dieu pour espérer entrer en 2015 dans la paix et la quiétude. Cette invocation divine rend compte, dans l’épreuve, du désarroi de celui qui ne veut s’en remettre qu’à la seule volonté de Dieu. Dans cette posture, ce n’est pas Dieu qui est en cause. Mais davantage le rôle que les hommes lui font jouer, la responsabilité qu’ils lui font endosser dans tout ce qui leur arrive, la manière dont ils se cachent derrière lui pour refuser de s’assumer. Nous nous servons en effet de ce recours passif à Dieu, comme d’un paravent pour nous masquer deux de nos travers majeurs : l’irresponsabilité et la démission.

D’abord l’irresponsabilité

Est irresponsable celui qui agit pour lui-même sans envisager les conséquences de ses actes. En ce mois de décembre, les autorités étatiques multiplieront la sensibilisation à la prudence et au respect du code de la route, dans la perspective d’éviter les accidents. Ne se développe pas un pays qui accepte comme une fatalité l’hécatombe quotidienne sur ses routes. L’Etat doit certes s’impliquer. C’est aux pouvoirs publics  qu’il revient en effet de mettre fin à cette boucherie sur nos routes. Dans ce cadre, l’Etat jouera donc sa partition en vue d’enrayer ce cycle infernal. Mais, plusieurs de nos compatriotes s’en moqueront et se contenteront de proclamer invariablement « Dieu fera » ou « c’est Dieu qui nous protège ». En ce mois de décembre, l’alcool coulera à flots. L’ivresse sera célébrée et la lucidité emprisonnée. Et le désordre sur nos routes fournira ses statistiques macabres. Et beaucoup diront : « c’est la volonté de Dieu ». A l’appui de leur passivité, sinon de leur irresponsabilité, certains évoqueront la sagesse ancestrale: « A la vache sans queue, Dieu épargne les mouches ».  Quel manque de clairvoyance ! Continuer d’agir ainsi, c’est faire preuve d’ignorance. C’est anti-progrès. C’est  inacceptable. C’est un péché. II est évident que les dégâts que nous enregistrons chaque année sur nos routes, surtout en période de fin d’année, indiquent clairement qu’il y a une défaillance notoire dans la chaîne des responsabilités. Tant au niveau des ministères en charge du secteur qu’au niveau des autorités communales. Cela interpelle également la kyrielle des organisations de la société civile commises à la défense des intérêts des citoyens. Mais la grosse part revient aux citoyens-usagers directement concernés. Il n’y a pas de salut par procuration. Ou chacun se remet en cause en prenant la responsabilité de sa vie, et ses rêves se réalisent. Ou la pagaille persiste et nous démontrerons, aux yeux du monde entier, notre incapacité à nous autogérer. 

Ensuite la démission.

C’est la conséquence du premier travers : l’irresponsabilité. La démission est l’acte par lequel on se démet d’une charge, d’une fonction. Au motif, dans le cas qui nous intéresse, qu’on ne peut rien contre la volonté souveraine et impérative de Dieu. Aussi refuse-t-on de s’assumer comme homme devant donner un sens et une direction à sa vie. « Que la volonté de Dieu soit faite » est la formule toute trouvée pour se dédouaner de tout et pour tout. Décembre est annoncé généralement comme le mois de tous les excès et nous sommes prêts à nous plier à toutes ses attractions, devenant entre ses mains des jouets avec lesquels il fait le show. N’avons-nous pas le pouvoir, au nom du sens de la responsabilité, de dicter notre loi au mois de décembre ? Devrions-nous subir constamment son influence et devenir des marionnettes entre ses mains ? Pour beaucoup d’entre nous, tout est écrit à l’avance. Nous venons au monde accomplir une simple formalité, un destin préétabli. Quoi que nous pensions, quoi que nous disions, quoi que nous fassions, il ne peut en être autrement. Ainsi, la boucle est bouclée et cette manière de penser fait de nous des otages de Dieu. Sacrilège ! Comment pouvons-nous ainsi insulter Dieu ? Dieu n’est pas un preneur d’otages.  

 

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