Le Président Bédié Frappe, Les Ivoiritaires Tombent…

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On nous avait promis l’enfer. Les habituels marchands d’apocalypse en Côte d’Ivoire s’en repaissaient abondamment. Ce congrès extraordinaire du PDCI-RDA verrait une houle populaire s’opposer à l’Appel de Daoukro et à l’unité du RHDP derrière le candidat Alassane Ouattara. Venu du fond des campagnes, des quartiers populaires, des entrailles profondes de la nation des supposés vrais et dignes fils de la Côte d’Ivoire, le peuple réel du pays, le véritable « à-nous-pays-là », invoqué et convoqué par la plume aigrie et velléitaire d’un Tiburce Koffi, supposé par les rodomontades assurées des Charles Konan Banny, Essy Amara ou KKB, se dresserait contre la braderie supposée du PDCI-RDA au RDR. Foin de tout ce rêve éveillé! Le samedi 28 février 2015 fut un samedi noir pour les obsédés de  la cause de l’ivoirité. Ceux qui ont maudit l’Appel de Daoukro viennent de se faire maudire par la démocratie ivoirienne. Impressionnant boomerang politique! A plus de 94%, les militants du PDCI-RDA, rassemblés comme un seul homme derrière le président Henri Konan Bédié, viennent de confirmer leur maturité politique et leur volonté de marcher résolument vers une Côte d’Ivoire réconciliée, sereine et déterminée à préserver les acquis nécessaires à son émergence socioéconomique et démocratique. La victoire au congrès extraordinaire du 28 février 2015, de l’aile républicaine du PDCI-RDA, décidément massivement majoritaire, sur l’aile identitaire-ivoiritaire de ce parti, mérite que nous nous y attardions pour répondre au moins encore à trois questions: 1) Qui perd et gagne dans la tournure finale de ce congrès extraordinaire adoubant de fait le président Ouattara pour une réélection probablement convaincante en 2015? 2) Que feront maintenant les candidats-renégats du PDCI-RDA, désormais sans formation politique de soutien et contraints à se calfeutrer en se serrant les coudes dans les salles de presse exigües de la métropole abidjanaise? 3) Quel sort réserver sérieusement à la clause de rétrocession du pouvoir au PDCI-RDA en 2020, répétée avec insistance par le président Bédié, comme assortiment de son soutien actuel à la candidature du président Alassane Ouattara? 

IQui perd et gagne au congrès extraordinaire du 28 février 2015?

On serait tenté de répéter la vulgate ambiante sur ce congrès. Embusqués dans la presse frontiste que la division du PDCI-RDA réjouirait, masqués derrière les rares groupuscules intéressés par la démarche marginale des Essy Amara, KKB, Charles Konan Banny et passim, des plumitifs de tous poils se sont empressés de dire que le congrès 2015 du PDCI-RDA était un rassemblement déguisé de militants du RDR, venus en sous-marins au PDCI-RDA pour adouber le mentor des républicains ivoiriens, le président Alassane Ouattara.  Ainsi, selon la thèse défendue par le camp des mousquetaires anti-Bédié, le PDCI-RDA perdrait son âme dans cette affaire, tout comme, en dernière analyse, la démocratie ivoirienne basculerait dans la pure et simple vacuité de sens. Faut-il croire en cette version hystérique des faits? J’en doute.

Par plusieurs fois, le Président Henri Konan Bédié a été victorieusement confronté à la fronde des marginaux et électrons libres du PDCI-RDA, autant dans les instances du Parti que dans le groupe parlementaire qui le représente à l’Assemblée Nationale. La première et décisive épreuve fut le congrès ordinaire d’octobre 2013. Ceux-là mêmes qui se présentent aujourd’hui comme des alternatives au renouvellement de leadership dans le pays s’étaient présentés comme des alternatives au leadership dans le micro-pays qu’est le PDCI-RDA. Cuisante déculottée. Tout le monde se souvient des Djédjé Mady et KKB, des Essy Amara et consorts rasant les murs du Congrès de 2013, devant le plébiscite démocratique du président Bédié par les militants du PDCI-RDA qui le reconduisirent avec brio à la tête de leur parti. La seconde tentative vient d’avoir lieu, avec le résultat que l’on sait. A la suite de l’Appel de Daoukro lancé le 14 septembre 2014 par le président Bédié pour son allié depuis 2005, quatre mousquetaires se sont levés puis réunis comme un seul homme pour défendre « l ‘héritage du PDCI-RDA », entendez bien son appartenance au socle ethnique du Centre-Est et du Sud ivoiriens, contre le supposé imposteur venu du Nord, que serait le président Alassane Ouattara. Comment les militants avertis du PDCI-RDA ont-ils sanctionné cette lecture identitaire et ethniciste de la politique ivoirienne? En isolant ceux-là même qui veulent ramener le PDCI-RDA aux fâcheuses années 1990-1999 où pour son malheur, ce parti avait embouché la trompette du purisme ethniciste et de la discrimination politico-politicienne contre une partie des Ivoiriens. Décidé à léguer un pays débarrassé de ses errances du passé, prêt à laver la honte que sa propre direction du pays avait laissé prospérer, le président Bédié a donc décidé d’assumer un PDCI entièrement réconcilié avec sa dimension de parti d’intégration et de promotion du panafricanisme, sa dimension de RDA qui en fait une Maison de la Veuve, de l’Orphelin et de l’Etranger. Les perdants du Congrès du 28 février 2015 ne sont donc ni le PDCI-RDA, ni la démocratie ivoirienne, mais les défenseurs résiduels de l’idéologie de l’ivoirité, qui n’ont manifestement pas fini de boire la tasse. Que vont-ils donc faire maintenant?

IILe projet politique des mousquetaires de l’ivoirité: solitude et décrépitude annoncées

Soyons indulgents. Une élection présidentielle démocratique perd une bonne partie de sa saveur quand il n’y a pas de challenger de taille du président sortant. Dans la configuration ivoirienne actuelle, autant reconnaître qu’en l’absence de Laurent Gbagbo, prisonnier à La Haye après avoir attenté au processus démocratique de son pays, le camp de la gauche frontière est orphelin de père. Pascal Affi N’guessan, « Tchè Mougouni » par excellence, ne pourra jamais sérieusement drainer les 38, puis 46% de voix que l’équation personnelle de Gbagbo avait rassemblées lors de la présidentielle 2010. Affi Nguessan ne doit sa survie politique actuelle qu’à la force des institutions démocratiques incarnées par le président Ouattara. C’est un pantin creux dans la scène politique ivoirienne actuelle, qui sait sur quoi compter pour échapper aux Escadrons de la Mort du FPI: les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire. Le FPI, par voie de conséquence est en grave léthargie. La conséquence s’en ressent sur l’ensemble de la stratégie des acteurs politiques ivoiriens de la présidentielle 2015. Côté pouvoir, on n’a aucun intérêt à écraser complètement l’opposition. Il faudra et il suffira de lui maintenir la tête dans l’eau. Côté opposition, aucun challenger n’est en situation de gagner en solo face au président Ouattara, blindé que ce dernier est par le soutien de son allié Bédié et par le succès indiscutable de son premier mandat à la tête de l’Etat. Que reste-t-il dès lors comme projet politique aux mousquetaires de l’ivoirité que le président Bédié vient à nouveau de moucher sévèrement au congrès du 28 février 2015?

Le projet politique des Essy Amara, KKB, Konan Banny, et consorts, n’est en rien différent sur le plan socioéconomique global du projet des alliés du RHDP, autour du duo Bédié-Ouattara. Toute la classe politique ivoirienne actuelle est rompue aux arcanes de la démocratie libérale,  de l’économie de marché, et de la solidarité sociale. Un Essy Amara ou un Konan Banny, un Affi Nguessan présidents ne feront rien de nouveau sous le soleil. Ils gouverneraient à la manière du président Ouattara, mais sans doute avec moins de brio et de compétence avérée que lui. Sous Alassane Ouattara premier ministre, comme sous Alassane Ouattara président de la république, la Côte d’Ivoire a régulièrement été transformée, avec cohérence et efficacité. C’est lui qui sauve le pays de la banqueroute dans les années 90, à la demande expresse du président Houphouët, qui l’impose contre tous les ivoirières de son camp d’alors. C’est encore Alassane Ouattara qui réalise de 2011 à nos jours, l’immense chantier de la Côte d’Ivoire en quête d’émergence au triple plan socioéconomique, culturel et politique. Ce n’est donc pas du point de vue du contenu des programmes que les mousquetaires rénégats du PDCI vont pouvoir offrir une nouvelle donne au pays. Que veulent-ils alors? Leur unique projet politique est de récupérer, par fibre identitaire, les voix orphelines du FPI et une partie des voix du PDCI-RDA qu’ils s’acharnent à vouloir diviser. Leur unique tactique sera de s’aligner derrière Essy Amara ou derrière Konan Banny dès le premier tour 2015, afin de tenter de bénéficier de la haine et de la frustration frontistes. A tout prendre, ils envisagent de prendre quelque chose des 26% du président Bédié au premier tour 2010, puis de rafler les 46% de voix de Laurent Gbagbo au second tour 2010, afin de passer dès le premier tour devant le président Ouattara. Or, le président Bédié, en deux congrès-tests décisifs, a montré que ces marginaux ne représentent presque rien pour l’électorat PDCI-RDA. Or donc encore, si le FPI appelle à voter pour les enfants d’Houphouët qu’il a combattus depuis les années 80, c’en sera fini de sa marque de fabrique originelle. Conséquence: Essy Amara, Konan Banny, KKB et compagnie sont désormais des prophètes qui crient en plein désert. Leur projet politique fera vite long feu. Comme tout feu de paille. Mais alors, maintenant que le président Bédié les a pliés et emballés, que dire de l’avenir que la concorde du RHDP nous promet?

III – nL’avenir de l’alliance du RHDP et l’alternance 2020 à la tête de l’Etat

L’analyste politique ne peut manquer d’être en partie questionné par les raisons invoquées par le président Bédié pour justifier le soutien du PDCI-RDA au candidat Alassane Ouattara. D’emblée, on se serait attendu à des raisons classiques: la co-gouvernance du RHDP en est la plus évidente. Quand on a gouverné ensemble pendant près de cinq ans, un pays, on ne saurait en faire porter le bilan à une partie des gouvernants, mais à l’ensemble. Les succès du premier mandat du président Ouattara sont donc à mettre au compte de l’ensemble du RHDP, PDCI-RDA et RDR d’abord, bien entendu. Pourtant, telle ne semble pas être la ligne discursive retenue par le président Bédié. Il attribue volontiers les succès de la période 2011-2015 au Président de la république Ouattara, qu’il encourage à poursuivre par un second mandat son oeuvre de bâtisseur exemplaire de la modernité ivoirienne. Ce faisant, Bédié voit en Ouattara, comme un prolongateur de sa propre théorie des  Douze Chantiers de l’Eléphant d’Afrique, calquée par ses conseillers sur le mythe grec  des Douze Travaux d’Hercule. Cependant, la démarche de reconnaissance des succès de Ouattara se paie, chez le président Bédié, de la contrepartie d’une revendication du droit du PDCI-RDA de détenir en 2020, à son tour, le poste de président de la république, pour continuer la construction harmonieuse du pays, avec le soutien supposé de celui qui sera alors l’ex-président Alassane Ouattara. Ainsi, Ouattara jouerait pour un candidat du PDCI-RDA en 2020, le rôle que l’ex-président Bédié a joué en 2010 et 2015 pour le candidat du RDR, Alassane Ouattara. Cela peut certes, sembler de bon sens, mais il reste encore beaucoup à en dire. 

Premièrement, chaque fois que la clause de l’alternance 2020 pour le PDCI-RDA est invoquée, c’est par la bouche du Président Bédié et de lui-seul qu’elle l’est, jamais par une autre personne. Qui accordera sérieusement de la valeur à une clause non-validée par les deux parties qu’elle invoque? Comment comprendre cette constante? Au minimum, on doit reconnaître qu’il s’agit d’une clause de communication interne au PDCI. Et dans cette perspective, le PDCI-RDA a parfaitement le droit de se faire des promesses…

Deuxièmement, le président Bédié, qui n’est plus candidat à rien dans le pays, a lui-même reconnu que tous les Ivoiriens qualifiés pour la présidentielle étaient libres de concourir en 2015 comme après, ce qui constitue un bémol à l’idée que le poste de président de la république en 2020 serait déjà préempté par une quelconque hypothèque venue de 2015. Bien comprendre le sens de la lutte engagée dès les années 90 par le RDR de Djéni Kobina et d’Alassane Ouattara, n’est-ce pas se saisir définitivement de l’idée que c’est le peuple réel de Côte d’Ivoire, et non les arrangements classiques d’appareil  ou les héritages claniques qui choisiront désormais le Chef de l’Etat de Côte d’Ivoire? Comment comprendre la lutte d’un Guillaume Soro et de ses camarades du MPCI/FN pour la démocratie en Côte d’Ivoire, si ce n’est pour que l’élection démocratique et elle seule, décide des dirigeants de ce pays exemplaire et emblématique?

Troisièmement, les présidents Bédié et Ouattara se sont publiquement engagés à créer un seul parti avant 2020, le PDCI-RDR, qui investira alors le candidat unique de ce nouveau parti en 2020. Comment accéder à la lisibilité et à la cohérence du président Bédié si d’une part, il espère que le président Ouattara soutienne un candidat du PDCI-RDA en 2020, mais de l’autre côté, veut réaliser de son vivant l’union PDCI-RDR qui choisira alors son candidat en 2020 sans considération de son ancienne formation politique PDCI-RDA ou RDR? Tout plaide pour dire qu’après la présidentielle 2015, on passera résolument en Côte d’Ivoire de la politique des Anciens (Arrangements), à la politique des Modernes (Compétition sans présupposés). Dans cette hypothèse, l’alternance 2020 à la tête de ce pays sera générationnelle et non tout simplement partisane. Je l’ai dit à moult reprises et je ne me priverai point de le répéter aux entendements lents.

Une tribune internationale de Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie, Bamako, Mali.

 

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