ADO Ou L’art De La Diplomatie Post-Crise

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À l’heure de la mondialisation, la compétition  entre États est devenue  essentiellement commerciale de telle sorte que la conquête des territoires s’est transformée en conquête des marchés.

Avec la montée du libéralisme, tous les experts de la scène internationale  postulent  que l’économie fait inévitablement  partie intégrante de l’activité diplomatique .Lorsque cette diplomatie se met au service de l’économie, elle devient diplomatie économique  définit par Bergeijk et Moons comme un ensemble d’activités visant les méthodes et procédés de la prise internationale de décisions et relatives aux activités économiques transfrontières dans le monde réel.

Elle a comme champs d’action le commerce, l’investissement, les marchés internationaux, les migrations, l’aide, la sécurité économique et les institutions qui façonnent l’environnement international, et comme instruments les relations, la négociation, l’influence. C’est elle qui  oriente désormais la théorie internationale en invitant tous les pays à mettre en œuvre des politiques de conquête à caractère économique et culturel. La plus significative étant celle des Etats Unis, qui mieux que le brillantissime économiste Alassane Dramane Ouattara, fruit de l’école Américaine, pour positionner la Cote d’ivoire dans ce nouvel environnement économique mondial   ?

C’est ainsi qu’au cours de la rencontre qu’il a eue avec l’ensemble du Corps Diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire, le 22 décembre 2012, au Palais présidentiel au Plateau, SEM le Président de la République a décliné la vision nouvelle de la Diplomatie ivoirienne, axée sur la Diplomatie économique ou Eco-diplomatie. En recommandant vivement  que « le rôle économique des Ambassades soit renforcé et qu’en raison de la mondialisation des échanges et de la vigueur de la compétition économique internationale, le diplomate ivoirien soit désormais proactif en matière de veille économique, commerciale, industrielle et technologique au profit du gouvernement et des opérateurs économiques nationaux afin que ceux-ci exploitent systématiquement les informations pour leur décisions stratégiques ».

Comment pouvait-il en être autrement pour celui qui, de par son expertise économique pointue, mondialement reconnue, dispose encore  et à juste titre d’ailleurs, d’un carnet d’adresses réactualisé pour  sortir la Côte d’ivoire de la gadoue dans laquelle elle pataugeait ?

Raison pour laquelle au moment où se tient la 3eme conférence des ambassadeurs de Cote d’ivoire,  la responsabilité intellectuelle commande de s’interroger sur ce choix stratégique.

C’est pour tenter de répondre à cette question avec l’œil rétrospectif, à l’heure du bilan pré-électoral, où seuls les arguments tangibles valent,  que je soutiens la thèse suivante : la diplomatie ivoirienne, telle que déployée par le chef de l’Etat est procréative en ce qu’elle génère (I) « une nouvelle génération  de diplomates cosmopolites », (II) et des fruits vivants de la vision  économique et académique de l’émergence 2020.

Je  prendrai comme point de départ de mon analyse  la date du 11 Avril 2011, hautement symbolique  de la renaissance ivoirienne.

I ) Reconfiguration du statut diplomatique  

Par la loi n°2007-669 du 27 décembre 2007 portant statut du corps diplomatique, l´Etat de Cote D´Ivoire a engagé le processus de modernisation de sa diplomatie. Les modalités d´application de cette loi, fixées par le décret n° 2011-468 du 21 décembre 2011, avec effet au 1er janvier 2013, préfigurent une nouvelle ère de diplomatie ivoirienne et une nouvelle « race » de diplomates ivoiriens. Il s´agit pour le gouvernement de mettre le statut social du Diplomate en adéquation avec sa mission souveraine de représentation.

Sur le plan international, c´est bien la diplomatie qui porte l´image du pays. Il est donc important de donner à cette fonction «  les moyens de son épanouissement » .Celui-ci se traduisant par la mise en place des conditions psychologiques minimales indispensables devant  contribuer à assurer à la Cote D´Ivoire un nouveau cycle de rayonnement,  après le « miracle ivoirien » des années soixante-dix (1970).

Dans le cadre de la réforme en cours, toutes les chancelleries sont désormais dotées d’un organigramme précis. Cette rationalisation a pour effet de maîtriser les effectifs avant de prétendre à une quelconque classification. En fin planificateur, le PRADO est convaincu qu’il faut  séparer le bon grain de l’ivraie d’autant plus qu’il ressort des investigations menées par les autorités ivoiriennes, que les passeports diplomatiques et de services faisaient l’objet d’un  vaste trafic.

C’est  pourquoi le décret 2015-138 du 11 mars 2015, pris le 15 mars 2015, vient de mettre fin à la validité de tous les passeports diplomatiques et de service non biométriques.

Est-ce un hasard si la France examine en ce moment même la possibilité d’une levée prochaine de l’obligation de visa pour les diplomates ivoiriens détenteurs des passeports biométriques ?

Ainsi, la biométrisation constitue  de facto la première étape du toilettage international dans la mesure où elle sécurise le statut des diplomates déjà en fonction tout en crédibilisant la relève, futurs  acteurs internationaux de la Cote d’ivoire émergente   .

En outre, la fin de la crise ivoirienne devant permettre à la Côte d’Ivoire de retrouver tout son poids dans la sous-région et sur la scène internationale, il était impérieux de repenser sa géopolitique  avant de la relancer, de l’étendre.

 Comment ne pas comprendre dès lors, l’extension de la carte diplomatique ? On y note que le  taux de couverture des différents pays est passé de 48 % à environ 60 % en trois années.  L’objectif étant  d’atteindre 90 % à l’horizon 2018 (soit 175 pays sur les 194 que comptent les Nations unies). Onze ambassadeurs adjoints ont également été nommés à New York, Abuja, La Haye, Addis-Abeba, Bruxelles, Genève, Londres, Madrid, Rome, Vienne, ainsi qu’à l’Unesco (à Paris). 

En un mot, le Président Alassane Ouattara a bien compris que de même que le laboureur a besoin de sa hache, de même aussi le métier « du  diplomate nouveau » ne peut s’exercer que grâce au dispositif qui alimente sa réflexion.

Après avoir montré que l’étiquette diplomatique ivoirienne  est la clé de voûte  de la politique  étrangère, intéressons nous dès à présent à son efficacité et son support d’action.

II)  Manifestations économiques et académiques

La diplomatie économique ivoirienne consiste à (ré) mobiliser et (ré) actionner ses outils dans le but de se (ré) affirmer  après avoir perdu momentanément sa place de leader Ouest Africain. Certains alarmistes économiques brandiraient l’argument du surendettement  effréné, du clientélisme politique, d’autres plus amers évoqueraient une gestion à la solde des puissances occidentales. Force est de constater que ces remarques sont totalement déconnectées de la réalité.

 Ne serait-il pas judicieux de jeter préalablement un regard sur les retombées  de peur d’éviter tous jugements hâtifs  et infondés ?   Scrutons quelques-unes d’entre elles.

D’abord, il est bon de savoir que l’offensive restauratrice diplomatique  à accouché de 247 accords internationaux depuis 2011 .Pour booster le trafic de la plate-forme aéroportuaire, l’aéroport international Félix Houphouët Boigny d’Abidjan vient de décrocher la certification de la Transportation Security Administration (TSA), l’Agence nationale américaine de sécurité dans les transports. Grâce à cette certification, les compagnies aériennes desservant l’aéroport d’Abidjan peuvent effectuer des vols directs en provenance ou en partance pour les États-Unis.

Au plan économique, les progrès réalisés depuis l’année 2011, année durant laquelle le PIB était en forte régression (-4,7 %) le taux de croissance s’est établi à 10,7 % en 2012, puis  8,7 % en 2013 et les projections s’établissent entre 9 à 10 % aujourd’hui.

Ensuite, avec la conférence internationale sur l’Émergence de l’Afrique qui s’est déroulée du 18 au 20 mars 2015, le retour de la Banque africaine de développement (BAD) à son siège statutaire, puisdu conseil d’entente l’on a fini par comprendre  aisément pourquoi à partir de  septembre 2015  Abidjan deviendra officiellement  le hub régional du ministère français des Finances en Afrique de l’Ouest, à la place de Dakar. Quatre années ont suffi pour reprendre  le chemin d’un développement durable.

 Pour les pessimistes de l’économie de bas étage ces actions  paraissent insignifiantes. Soit, mais que répondent-ils lorsque cette diplomatie, telle une sève inspiratrice coule dans les veines  des autres institutions ? L’exemple le plus significatif est celui de l’Assemblée Nationale  .Comment ne pas voir  à travers la diplomatie parlementaire savamment orchestrée  par le Président Guillaume Soro Kigbafori et dont le volet académique est encadré par l’éminent Professeur Franklin Nyamsi, le summum de cette percée fulgurante ?

 Rendons nous a l’évidence, le pays est dirigé, son image redoré, ses institutions ravivées.

Enfin, ne dit-on pas que former, c’est féconder des générations ?  Si tel est le cas il est donc crucial de préparer de nouvelles intelligences diplomatiques capables , au-delà des aptitudes traditionnelles d’analyse et de négociation ,de s’adapter d’une part au contexte mondial , économique, commercial et politique, de  mondialisation-globalisation , et d’autre part de monter des projets de coopération susceptibles de susciter les investissements étrangers  .

On pourrait me rétorquer  qu’une coordination internationale est impossible à mettre en œuvre, tout simplement parce qu’il n’existe aucun objectif qui soit commun aux principaux pouvoirs.  Pis, que la diplomatie économique est vouée à l’échec, à cause de la nature intrinsèquement conflictuelle du système international. Il est étrange de penser de la sorte puisque de manière générale tous les spécialistes des relations internationales admettent qu’une politique économique efficace exige aussi une politique de défense digne de ce nom, des qualités de terrain indispensables, y compris dans des milieux dangereux voire hostiles.

Tel  n’est-il pas le sens du lancement de la construction de l’institut diplomatique de Yamoussoukro et du Centre de défense et de stratégie d’Abidjan ? Deux institutions qui véhiculent un seul et unique  message : la régénérescence économico politique ivoirienne impulsée  par le Chef de l’exécutif ivoirien fait florès, là où d’autres n’ont fait que végéter.

Ceci n’occulte pas toutefois  l’urgence de la mise en place d’un programme de volontariat international. En procédant ainsi, l’Etat pourrait  profiter de l’expertise inouïe d’une crème de talentueux négociateurs qui sans être diplomate de profession disposent d’atouts certains pour participer au rayonnement extérieur de la Cote d’ivoire. Aussi convient-il de ne pas omettre le poids de l’influence culturelle car diffuser le mode de vie ivoirien serait prépondérant au succès total de la diplomatie économique. Qu’il me soit alors permis de conclure mon propos en réitérant  que la « diplomatie version ADO  », constitue en elle-même une théorie applicative de la « Diplomatie économique post-crise »,matière à penser pour nos futures instituts de relations internationales en vue de la procréation d’une  nouvelle  espèce d’ivoiriens émergents .

Sources

1.A. G. van Bergeijk, S. Moons, Economic Diplomacy and Economic Security, (éd. par C. Costa) Lisbonne, New Frontiers of Economic Diplomacy, 2008.

  http://www.diplomatie.gouv.ci/reseau.php#

  http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2828p008.x

http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2828p008.xml9/

Par Lawrence Atiladé

Doctorant en sciences politiques Chargé de la Communication du RJR-France

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