Investiture de BUHARI: Comment arrivera-t-il à relever le titan affaibli ?

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Pendant que la démocratie est en train d’être torturée atrocement au Burundi, au Nigeria, elle est célébrée. En effet, aujourd’hui 29 mai 2015, Muhammadu Buhari, élu au terme d’un scrutin qui avait fait honneur à la démocratie, prend officiellement le relais des mains de Goodluck Jonathan, le président sortant qui, on se rappelle, avait fait preuve de fair-play en reconnaissant non seulement sa défaite mais aussi en souhaitant à son adversaire le meilleur pour le Nigeria. Toute l’Afrique avait applaudi des deux mains ce genre de dévolution du pouvoir d’Etat. Elle doit le faire d’autant plus que par ces temps qui courent, cela n’est pas la chose la mieux partagée sous nos tropiques.

 Muhammadu Buhari hérite d’un pays où les défis à relever sont immenses

Le peuple du Nigeria a donc des raisons de mettre les petits plats dans les grands pour fêter l’événement et avec lui, le nouveau président. Mais celui-ci doit, au plus vite, se débarrasser des effets de la fête pour abattre de la besogne. Car Muhammadu Buhari hérite d’un pays où les défis à relever sont immenses. Les trois  principaux sont : la lutte contre la corruption, l’éradication du groupe terroriste Boko Haram et l’accès pour le plus grand nombre aux services sociaux de base (santé, éducation, eau, énergie, etc.). D’ailleurs, la défaite de Goodluck Jonathan à la présidentielle est imputable à sa capitulation face aux défis majeurs du pays. Les Nigérians le lui ont signifié dans les urnes. Et Buhari le sait. Il sait aussi qu’il sera noté aux résultats, par rapport aux réponses qu’il va leur apporter. Ces derniers ont tellement souffert le martyre sous Goodluck Jonathan que l’on peut s’attendre à ce qu’ils n’observent pas les 100 jours d’Etat de grâce que l’on accorde généralement aux nouveaux présidents. Il se pose alors la question de savoir comment Muhammadu Buhari arrivera à répondre aux nombreuses et légitimes attentes des Nigérians et à relever, de ce fait, le titan affaibli qu’est le Nigeria aujourd’hui. Pour de nombreux Nigérians et pour bien des observateurs de la scène politique de ce pays, Muhammadu Buhari est l’homme de la situation. Il entame donc son mandat avec des préjugés favorables. Il lui revient, par conséquent, de savoir choisir les hommes et les femmes capables de l’aider à faire du Nigeria un pays prospère, à la dimension de ses énormes potentialités économiques et de son poids démographique. Pour ce faire, Buhari pourrait poser les actes forts suivants.

D’abord, il doit travailler à rassembler les Nigérians de toutes obédiences politiques et religieuses et de toutes  régions contre Boko Haram. Car, si Boko Haram a pu naître et grandir jusqu’à devenir aujourd’hui une véritable menace pour le Nigeria et pour l’ensemble des pays du Lac Tchad, c’est qu’il a bénéficié d’un manque d’engagement ferme des autorités du pays contre lui.   Sous Goodluck Jonathan, l’on pouvait avoir le sentiment que les barbus de Shekau bénéficiaient de la complicité de certains hommes politiques qui avaient juré, peut-on dire, d’avoir le scalp du président sortant, quitte à pactiser avec le diable. Même au sein de la Grande muette, Boko Haram semblait bénéficier de collusions. Dès lors, la résolution de la problématique de l’extrémisme islamique était devenue une véritable gageure dont le pays avait fini par s’accommoder.  Avec Muhammadu Buhari, les choses pourraient changer pour le grand malheur de Boko Haram. Elles pourraient d’autant plus changer dans ce sens que le nouveau président avait déjà bouté hors du Nigeria la secte Maitatsine, similaire à Boko Haram, qui sévissait dans le nord dans les années 80, alors qu’il était aux affaires.

La communauté internationale ne doit ménager aucun effort pour accompagner le nouveau président

C’est donc en homme averti qu’il va traiter de la question de Boko Haram. Le deuxième acte fort qu’il doit poser pour relever le titan affaibli est de traquer la corruption qui, au Nigeria, est devenue une véritable institution.

Là aussi, les Nigérians savent qu’ils peuvent compter sur la promesse ferme faite par Buhari de la traquer sans état d’âme. Et ils n’ont pas des raisons d’en douter, puisque, de par le passé, Buhari avait positivement marqué les esprits par les actions vigoureuses qu’il avait entreprises contre ce fléau qui annihile toute possibilité de tirer le Nigeria vers le développement. En plus de cela, Buhari a aussi l’avantage d’être un homme dont l’intégrité peut être difficilement contestée. Le troisième et dernier acte fort qu’il doit poser est celui qui consiste à tirer les Nigérians de la misère. L’homme l’avait, du reste, promis à ses compatriotes pendant la campagne. Et les ressources du pays permettent d’assurer à chaque Nigérian le bien-être auquel il a légitimement droit, si tant est qu’il veuille opérer une véritable rupture avec la gouvernance de tous ses prédécesseurs. Cela dit, Muhammadu sait qu’il n’aura aucune excuse s’il venait à ne pas traduire dans les actes ses promesses de campagne. Et tout le monde a intérêt à ce que la belle leçon de démocratie que le Nigeria a donnée à voir à l’Afrique et au monde à l’occasion des dernières élections, ne s’arrête pas au rituel de l’investiture de Buhari. Cette belle leçon doit poursuivre sa marche en avant à l’effet d’irriguer toutes les veines de ce grand pays qui connaît enfin sa première transition démocratique depuis qu’il est indépendant. Autrement, les populations auraient le sentiment, à la fin du mandat de Buhari, que tous les présidents qui se sont succédé à la tête de leur pays se ressemblent tous. La communauté internationale, notamment, ne doit ménager aucun effort pour accompagner le nouveau président si celui-ci, dès l’entame de son mandat, s’inscrit dans la rupture comme il l’a promis pour donner de l’espoir à ses compatriotes. Elle doit d’autant plus le faire  que non seulement elle y a intérêt, mais aussi parce qu’un Nigeria économiquement et démocratiquement fort pourrait être une locomotive sûre, capable de tirer toute l’Afrique vers le haut. Sous cet angle, l’élection du technocrate nigérian Adesina est un signe de très bon augure. C’est un acte fort et positif pour ce pays qui a toutes les raisons de croire que 2015 est pour lui une année sabbatique. Une élection démocratique bien réussie et l’obtention d’un poste de haute portée pour le développement économique et social, cela est suffisamment rare pour être souligné. Pour le Nigeria, un bonheur ne vient jamais seul. En tout état de cause, il n’y a pas meilleure manière d’encourager la démocratie et l’alternance sur notre continent.

« Le Pays »

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