Le nouveau discours paradigmatique africain de Guillaume Soro: archéologie de l’acte magistral du 18 décembre 2015

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« 1ère partie. Guillaume Soro, Magister Maximus d’un nouveau paradigme du discours international africain »

Dans son célèbre ouvrage, La phénoménologie de l’esprit, le philosophe allemand Hegel expliquait que pour bien des valets de chambre, leur maître de céans, paraît-il, n’était rien. Le valet voit le maître en tenue ordinaire, dans sa banalité d’être humain. Le valet finit ainsi par croire que lui, le valet, vaut bien le maître. Mais Hegel s’empressait aussitôt de nous expliquer que si pour le valet, le maître de céans n’est rien, c’est parce que le valet n’est qu’un valet. Ainsi en est-il de ceux qui, à notre époque, persistent à prendre les pionniers générationnels, les vigies de l’Histoire et les anticipateurs des temps futurs comme de banals personnages. Pourquoi vouloir prendre les symboles forts d’un temps en «  ça-ne-fait-rien »? Nous expliquons depuis des lustres aux sourds et aux muets politiques de tous acabits que l’homme d’Etat n’est pas simplement un individu. Mais qu’est-ce donc, derechef,  que l’homme d’Etat? Osons une réponse issue de longues heures de méditation. L’homme d’Etat, c’est l’incarnation des exigences d’une époque, d’une génération et le porte-flambeau d’une espérance collective. L’homme d’Etat, ainsi compris, a une dimension christique. Il sacrifie et se sacrifie pour que naissent d’autres aurores. Il appelle de nouveaux levers de soleil et assume l’adversité de l’incompréhension. Il prend les risques qui s’imposent pour que ceux de son époque, de sa génération, et ceux qui espèrent par lui un avenir meilleur progressent dans leur expérience de vie, devenant réellement ce qu’ils sont. Qui niera franchement que Guillaume Soro s’est installé depuis le 19 septembre 2002, dans une telle dimension politique, qui explique que rien de grand ne se soit accompli depuis lors en Côte d’Ivoire sans sa décisive contribution?  L’heure de vérité a sonné. Nous n’en raterons point l’entente profonde. Entendre proprement le discours émis en l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire le vendredi 18 décembre 2015 par le président Guillaume Soro, n’est-ce pas au fond comprendre ce qu’il a de nouveau, d’inouï, d’inaugural et de destinal? Une juge provinciale de France, un homme d’Etat africain à peine expérimenté, un franco-ivoirien quelconque, auraient-ils franchement pu vaincre l’égrégore, la puissance historico-collective incarnée en Guillaume Soro, par un mandat d’amener incongru, des écoutes téléphoniques manipulées, ou une plainte saugrenue d’un anti-français notoire converti en justiciable français par opportunisme? Je voudrais, dans les lignes qui suivent, procéder à une  triple archéologie du discours du 18 décembre 2015, pour en extraire trois thèses essentielles: I) Guillaume Soro inaugure le style houphouetiste du XXIème siècle, en tenant un discours à équidistance de l’anticolonialisme dogmatique d’une part, et du larbinisme néocolonialiste d’autre part; II) Guillaume Soro réussit le pari de rassembler les plus puissants corps de la nation ivoirienne derrière lui, au moment où ses pires ennemis ne rêvaient que de l’isoler pour en faire une proie aisée de leurs rêveries vengeresses et de leurs ambitions délirantes de pouvoir; III) Le discours du 18 décembre montre un Guillaume Soro résolument engagé à assumer, comme il l’a lui-même souligné, d’un pas hardi, la marche du destin. Chacune de ces séquences essentielles mérite dès lors un décryptage serré, afin que la vision du discours, éclairée par cette démarche archéologique, éclaire davantage l’époque, la génération et l’opinion universelle sur la nature de la mission sorienne en Côte d’Ivoire africaine.

IGuillaume Soro, magister maximus de l’houphouetisme du XXIème siècle: un nouveau discours paradigmatique

Chaque pays a un ADN politique, une identité spirituelle de naissance, imprimée par l’intention de ses âmes fondatrices. De telle sorte que rien de grand ne peut se faire en ce pays, tant que cet ADN politique est ignoré, violé ou tout simplement minoré. Comment illustrer cette vérité en ce qui concerne le discours du 18 décembre?  L’ADN politique ivoirien, c’est l’houphouétisme, qui conditionne l’indépendance au travail, dans l’union et la discipline. L’ADN politique ivoirien,  l’houphouétisme qui pose en outre la paix comme la condition et le but du faire politique authentique et requiert à chaque fois que les meilleurs sacrifices soient consacrés à cette finalité transcendante. L’houphouetisme, enfin, c’est une conception des relations internationales, qui associe vérité et justice, sans lâcheté ni arrogance. Un style, où la sincérité et la franchise envers les puissants du monde n’occulte en rien la prise en considération de leur respectabilité et de leurs responsabilités séculaires. Loin d’une servilité néolibérale au dieu-profit, mais tout aussi loin d’une obsession anticolonialiste gauchisante de vengeance des Noirs contre les Blancs, l’houphouetisme est un cosmopolitisme éprouvé par les années de lutte anticoloniale, les années de construction du jeune Etat ivoirien et les expériences d’intégration africaine hardies tentées par le président Félix Houphouët Boigny.  Comment cette expérience fondatrice de l’Etat indépendant de Côte d’Ivoire serait-elle articulée par celui que Madame Thérèse Houphouët-Boigny appelle si bien « mon petit mari »? On attendait, de toutes parts, Guillaume Soro au tournant ce fatidique jeudi de fin de session parlementaire. Et deux épées de Damoclès flottaient dans les plans de ses ennemis lorgnant sa tête.

Les deux pièges tendus contre le discours du 18 décembre 2015…

D’un côté, les verseurs d’huile sur le feu des relations diplomatiques ivoiro-burkinabé espéraient prendre Guillaume Soro au piège de la surenchère médiatico-politique face au régime de transition en fin de trajectoire à Ouagadougou. Le chef du parlement ivoirien allait-il ruer dans les brancards d’une transition en phase d’expiration définitive? L’Affaire des pseudo-écoutes téléphoniques, déclenchée le jeudi 12 novembre 2015 par pigeons-journalistes interposés, atteindrait, croyait-on, son point paroxystique avec l’ire volcanique de Guillaume Soro du haut de son perchoir favori du palais du Plateau d’Abidjan. A ce compte, on croyait pouvoir prendre Guillaume Soro dans l’étau de la xénophobie légendaire des anti-Mossi, des diabolisateurs du Burkina Faso et des vendeurs de quolibets anti -burkinabé, dont l’ex-pouvoir LMP de Laurent Gbagbo était l’antre sans foi ni loi.  D’un autre côté, Guillaume Soro était attendu dans les rangs des anticolonialistes dogmatiques, de Côte d’Ivoire et d’ailleurs, qui ne rêvaient que d’entendre de la bouche du député de Ferkéssédougou, une nouvelle fatwa anti-française, du genre de celle du parti de Laurent, Simone et Michel Gbagbo, dès le mois de novembre 2004 qui vit le mot d’ordre « A chaque ivoirien son français! », faire des ravages au coeur de la diaspora française en Côte d’Ivoire. Mais, dans une oeuvre magistrale de lucidité, Guillaume Soro aura réussi à contourner la double difficulté tendue devant lui comme une alternative sordide entre la haine et la haine. 

Messe de requiem en vue pour les chimères…

A propos de la relation au Burkina Faso, Guillaume Soro aura su séparer le bon grain de l’ivraie. D’une part, il a maintenu sa certitude du caractère fictif et fallacieux de ce qu’il a si bien su nommer « les pseudo-écoutes téléphoniques ».  Il ne pouvait en être autrement, quand on sait la manière fallacieuse des commanditaires de cette affaire foireuse. En un mot comme en mille, si lesdites écoutes avaient été authentiques, on n’aurait pas procédé à leur divulgation éhontée par des hommes sans foi ni loi comme les sieurs Bouabré Mathieu et Kouamouo Théophile, dont l’abonnement de longue date à la calomnie et à la diffamation est connu. Mais mieux encore, enjambant les espérances des amateurs de querelles de chiffonniers, Guillaume Soro a posé haut la norme de référence pour le dégonflement prévisible de cette affaire sinistre. S’en étant remis au Chef de l’Etat ivoirien, pour lequel respect institutionnel et affection filiale sont assurés, Guillaume Soro aura élégamment botté en touche l’explication de trop que certains voulaient exploiter sans vergogne. La question burkinabé, a précisé le chef du parlement ivoirien, sera tranchée entre autorités légales et légitimes de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. En sous-main, Guillaume Soro a souligné l’impossibilité qu’il y a à négocier avec des autorités en déficit de légitimité et en rupture de légalité. En sous-main toujours, Guillaume Soro aura reconnu en l’affaire des pseudo-écoutes téléphoniques l’une des pires campagnes de dénigrement et de diffamation jamais organisées contre sa personne et son combat politique. Mais, par-delà tout, l’homme d’Etat aura rappelé que par-delà les bassesses  innommables de quelques burkinabé tard-venus aux hauteurs de l’Etat contre sa personne, les valeurs éternelles de reconnaissance et de solidarité entre lui et le peuple burkinabé sont assez fortes pour transcender le remords de l’agressé, la peine subie sous la fureur des attaques impitoyables. Et ainsi, Guillaume Soro a surmonté la première difficulté que son discours du 18 décembre devait surmonter: l’amour et la reconnaissance d’un homme envers un peuple frère, la solidarité africaine contre la xénophobie sont assez importantes pour qu’on les préfère aux règlements de compte sans intérêt décisif. Et d’une.

De l’anticolonialisme dogmatique à l’exigence de respect mutuel international: un son de cloche plein de sagesse pour des relations franco-africaines décomplexées…

L’autre dossier pendant contre Guillaume Soro, à la veille du discours du 18 décembre 2015 à Abidjan, c’était bien sûr l’affaire de la plainte en France du citoyen ivoirien Michel Gbagbo contre le citoyen ivoirien Guillaume Soro. Dans le décorticage du dossier, on découvrira la dimension magistrale de la pédagogie politique du chef du parlement ivoirien. Au fait, n’eût-il pas été plus simple pour Guillaume Soro, devant l’humiliation organisée contre lui par une juge française délivrant sans fondement un mandat d’amener le 5 décembre 2015, d’envoyer tout simplement paître tout ce qui est français? La rupture franco-ivoirienne ne semblait-elle pas la réaction qui s’imposait, dans un contexte géostratégique où l’on sait que les intérêts français en Côte d’Ivoire sont bien plus importants que les intérêts ivoiriens en France? La voie de la facilité aurait en effet voulu que Guillaume Soro entonnât le chant lugubre de la haine des anticolonialistes dogmatiques africains contre la France. Objet de convocations d’une juge française – jamais nommée par Guillaume Soro tout au long de son propos-, Guillaume Soro était attendu au pied du mur de haine que certains s’obstinent à entretenir aveuglément envers la France, en guise de compensation idéologique de leur déficit de légitimité démocratique devant les Africains eux-mêmes. C’était pourtant mal connaître Guillaume Soro que de croire qu’il ignorerait la dangerosité de la tentation ultra-nationaliste africaine, dont je disais fort à propos ce qui suit, dans un livre publié en 2012 à Abidjan, sous son propre parrainage:

« L’anticolonialisme dogmatique est une politique du poster, de l’affichage, de l’étalage (…) Comment comprendre autrement l’ontologie d’un système politique qui proclame sa haine de l’ex-puissance coloniale française tout en finançant en sous-main, à coups de millions de dollars en 2002, la campagne présidentielle pour la reconduction du président d’alors de ce pays au pouvoir? Comment jurer ses grands dieux qu’on n’est pas le préfet de la  France alors qu’on a garanti tous les intérêts français dans son pays, des armées à la monnaie, sans oublier les ports et les aéroports, durant toute une décennie? L’anticolonialisme dogmatique souffre en effet d’une profonde crise d’authenticité . »(Nyamsi: 2012: 28-29)

La réponse de Guillaume Soro aux manoeuvres de la juge française, fut une démonstration politico-diplomatique magistrale. Le député de Ferké a opéré une distinction entre sa personne privée et sa fonction officielle, afin d’éclairer la lanterne de son auditoire. Où l’on voit que ce que l’homme privé peut souffrir en silence, l’homme d’Etat n’a pas à l’accepter, puisqu’il est le représentant d’une nation souveraine. 

D’emblée, Guillaume Soro commence par saluer, avec fair-play, l’humiliation organisée contre sa personne par la juge Sabine Kheris. En effet, après une série de convocations illégales, visant Guillaume Soro et toujours notifiées en dehors des canaux diplomatiques prévus à cet effet, la juge Kheris a cru faire d’une pierre deux coups lorsque la présence du chef du parlement ivoirien dans Paris fut avérée en début décembre 2015. Se saisir de Guillaume Soro pour le conduire de force dans un tribunal français, c’était pour cette juge une démonstration de force inespérée, après des tentatives comparables contre de nombreuses autres autorités africaines, avec un succès mitigé. Le mandat d’amener délivré en plein weekend le 5 décembre 2015 était un langage non-verbal. Il s’agissait de troubler le repos du visiteur Guillaume Soro, de traumatiser ses proches vivant en France, sous l’oeil curieux de nombreuses caméras, comme de juste alertées et ameutées pour la curée. De fait, ce qui a été tenté contre Guillaume Soro par la délivrance parisienne de ce mandat d’amener, c’était un assassinat politico-médiatique, une déchéance à la DSK, une attaque en sorcellerie sous flashes et réseaux sociaux mobilisés. Pourquoi Guillaume Soro dit-il donc bravo à cette juge? Sans doute pas pour la féliciter, mais pour saluer ironiquement l’exhibition au grand jour de son parti pris pour le mépris des Africains. Soro nous apprend qu’il faut savoir remercier nos pires ennemis, pour le cadeau qu’ils nous font en nous révélant en plein jour, tout le mal qu’ils pensaient tout bas de nous, dans les ténèbres de leurs complots. Mais la gentillesse envers les ennemis cesse quand c’est la liberté collective qui est en question. Ce qui est dès lors en jeu, c’est la dignité des Ivoiriens d’aujourd’hui comme de demain, question transcendant toute considération personnelle, question du destin d’une humanité ivoirienne livrée au mépris. Et Guillaume Soro de marteler sa conviction:

« Par contre, quand la même juge a tenté d’humilier mon pays, la Côte d’Ivoire, je ne l’ai pas accepté ; je ne peux l’accepter. J’ai résisté car, pour moi, le combat pour la souveraineté de la Côte d’Ivoire et la dignité du peuple ivoirien mérite qu’on y consacre toute la vie. »

Qui doutait dès lors que Guillaume Soro entrerait de plain-pied dans l’Histoire monumentale de son pays dans les lignes qui suivraient? Par la suite Guillaume Soro va justement entrer dans la démonstration politico-diplomatique proprement dite. Une avalanche d’évidences historiques  se déclenche alors au palais du Plateau d’Abidjan. L’affaire « Michel Gbagbo porte plainte contre Guillaume Soro à Paris », oppose deux ivoiriens, à propos de  faits supposés être accomplis dans le territoire de Côte d’Ivoire. C’est une affaire nationale ivoirienne, entre deux ivoiriens, à propos de problèmes ivoiriens, alors même que la politique ivoirienne n’a rien à faire en France. Une contradiction flagrante traverse le personnage instigateur de la plainte. Michel Gbagbo, réputé haut cadre du FPI, de la fonction publique universitaire ivoirienne, fait précisément partie de cette engeance politique qui affirma le principe «  A Chaque Ivoirien son Français », en novembre 2004, dans une crise de xénophobie anti-française sans pareille dans l’histoire ivoirienne. Comment comprendre que ce soit le parangon de la haine de la France, le FPI qui appelle la justice française  dans les affaires nationales ivoiriennes? Donnant lecture in extenso de la CRI ( Commission Rogatoire Internationale) délivrée en juillet 2015 par la juge Kheris, Guillaume Soro donne à voir que le Président Alassane Ouattara, Chef de l’Etat et l’essentiel des hauts-gradés des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, sont en ligne de mire dans l’ire de la juge débridée. Que conteste donc au fond madame Kheris? Ni plus ni moins que la régularité des forces ayant procédé à l’arrestation de Laurent et Michel Gbagbo le 11 avril 2011. Le syllogisme subtil de la juge Kheris, tel que dévoilé par la démonstration magistrale sorienne, peut se résumer en trois propositions d’une flagrante ignominie: 

  • Proposition I du camp Gbagbo:  Laurent Gbagbo, président légal et légitime de Côte d’Ivoire a été destitué le 11 avril 2011 par des forces irrégulières, dirigées par Alassane Ouattara, Guillaume Soro et les Comzones  des ex-FN. 
  • Proposition II du camp Gbagbo: L’arrestation de Laurent Gbagbo et de ses proches collaborateurs, dont de Michel Gbagbo, était donc une violation de la souveraineté du peuple ivoirien par des hordes rebelles sans foi ni loi.
  • Proposition III du camp Gbagbo: Il s’ensuit dès lors que Michel Gbagbo serait fondé à réclamer réparation judiciaire de son arrestation arbitraire, de sa détention arbitraire et de sa condamnation arbitraire par la justice dite des vainqueurs…

Face à la perfidie évidente d’un tel raisonnement, Guillaume Soro, au sommet de sa verve et avec émotion, aura utilement démontré le contraire avec une force de conviction que salueront les très sceptiques éditorialistes de RFI, y voyant un discours incisif:

Proposition I de Guillaume Soro : Si Laurent Gbagbo avait gagné les élections présidentielles de 2010, la CEI le saurait, le Conseil Constitutionnel le confirmerait, la certification internationale de l’ONU, de l’UA, de la CEDEAO et de nombreux autres observateurs de la communauté internationale le valideraient. Or, à l’unanimité le monde sa salué et reconnu l’élection démocratique du président Alassane Ouattara.

-Proposition II de Guillaume Soro: Ainsi donc, l’arrestation de Laurent et Michel Gbagbo le 11 avril 2011, a été le fait de forces légitimes et légales, reconnues par la constitution ivoirienne et par les institutions internationales, comme émanations directes de la souveraineté du peuple de Côte d’Ivoire, défendue contre les forces renégates de Laurent et Michel Gbagbo.

-Proposition III: Il en ressort comme conclusion que Michel Gbagbo, citoyen ivoirien, ne pouvait et ne peut être fondé à se plaindre contre des forces légales, légitimes et bienveillantes qui se sont saisies de lui, non seulement pour le sauver de la vindicte populaire, mais aussi pour lui faire prendre conscience de l’ampleur des crimes accomplis par son régime politique d’obsession ethnocidaire. 

Les questions adjacentes du discours du 18 décembre 2015…

Le discours du 18 décembre 2015 embranche alors pour finir sur les conventions internationales délibérément piétinées par la juge française. Guillaume Soro rappelle que depuis 1961, une convention de coopération judiciaire lie la France et la Côte d’Ivoire, et que la Côte d’Ivoire l’a toujours respectée, alors que la juge de Nanterre choisit de l’ignorer comme on se fiche de l’an quarante. Guillaume Soro s’empare d’une jurisprudence française , celle de l’affaire Rumsfeld en 2007. Accusé de crimes de torture , l’ex Secrétaire d’Etat américain à la défense est de passage à Paris et des ONG souhaite qu’il soit arrêté et conduit devant un tribunal français. La réponse du procureur de Paris, jean-Claude Marin, est alors éloquente: Monsieur Rumsfeld jouit d’une immunité diplomatique absolue pour tous les actes posés durant l’exercice de ses fonctions d’officiel américain. Et alors, se demande le magister Soro: le premier ministre, ministre de la défense de la république de Côte d’Ivoire n’a-t-il pas droit aux mêmes égards diplomatiques qu’un ancien secrétaire d’Etat américain à la défense? L’ironie atteindra le summum de sa puissance dans l’élégance de la conclusion de cette première digression:

« Pourquoi un officiel américain devrait-il bénéficier de l’application stricte de l’immunité diplomatique et juridictionnelle et pas un officiel ivoirien ? Pourquoi ce qui est vrai pour un citoyen américain ne l’est-il pas pour un citoyen Ivoirien ? Je ne savais pas que le légal et l’illégal étaient une question de coloration partisane. Je ne savais pas que le constat de Jean de la Fontaine était toujours d’actualité et que selon que vous serez puissant ou misérable, les juges de la cour vous rendront blanc ou noir. »

Ayant ainsi démontré la vacuité, voire l’incongruité de la démarche de la juge française tentant de vassaliser la justice ivoirienne, Guillaume Soro s’acquittera dans le même propos d’un devoir d’équité diplomatique typiquement houphouetiste. Tout au long du discours, il est question d’une juge française et non pas vaguement de la France. Tout au long du discours, il est question des excentricités d’une fonctionnaire zélée, un peu aveuglée par les thèses mensongères des Habiba Touré, Stéphane Kipré, Michel et Laurent Gbagbo. Il n’est jamais question d’accuser aveuglément toutes les autorités françaises des abus d’une juge française. Tout au long du discours du 18 décembre 2015, Guillaume Soro ne charge pas la France de tous les péchés d’Israël, comme l’aurait fait n’importe quel officiel du régime de la Refondation. Loin d’offenser la France, Soro se base sur la sensibilité culturelle française pour appeler les Français à se démarquer des excès d’une juge provinciale française qui méprise les Africains. C’est avec La Fontaine et Voltaire, pour la fable et l’ironie, mais aussi Montesquieu et Rousseau, pour l’esprit des lois et la grandeur du droit, que Soro parle au peuple et aux élites de France ce 18 décembre 2015, parce qu’il partage avec eux, l’esprit révolutionnaire des Lumières…Vice-président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, Guillaume Soro donne donc ici toute la mesure de son attachement à la culture francophone.

Pourquoi ne faut-il surtout pas ignorer cette réserve et cette lucidité dans la critique des excès de la juge française qui, loin d’être signes de peur ou d’inhibition, indiquent plutôt le désir d’une coopération franco-ivoirienne toujours meilleure? Avant de citer le président Guillaume Soro, tentons d’emblée une explication globale de son attitude envers la France. Il y a une psychologie nouvelle du leader africain que les grandes puissances du monde auraient tout intérêt à bien intégrer dans leurs expectatives. Il s’agit d’une vision paradigmatique où le respect et la dignité mutuellement partagés constituent le ciment de la coopération internationale fructueuse. Le président Guillaume Soro, à 43 ans, est le leader de la génération politique africaine qui n’a pas vécu dans le monde colonial. Il n’a connu ni les génuflexions, ni les humiliations de nos ancêtres , soumis au travail forcé, aux impôts, au mépris et à la déshumanisation mentale organisée par les moyens de l’acculturation. Il est né libre et a grandi dans les bonnes moeurs d’une grande nation en construction. Par conséquent, la génération dont Guillaume Soro est le leader ne connaît aucun complexe devant un être humain quelconque, de quelque couleur qu’il soit, de quelque pays qu’il soit, de quelque fortune qu’il se revendique. Guillaume Soro incarne l’Afrique décomplexée qui veut vivre dans le monde avec des partenaires eux-mêmes décomplexés de toutes les scories de l’histoire de la domination de l’homme par l’homme. Nous autres, Africains, franco-africains ou afro-américains, ne nous levons plus tous les matins avec l’obsession d’être la photocopie de quiconque dans le monde des tout-puissants. Nous ne voulons être ni Obama, ni Trump,  ni Hollande, ni Sarkozy, ni Poutine,  mais tout simplement nous-mêmes, dans le respect et la considération pour tous ceux qui nous respectent et se respectent eux-mêmes. Nous voulons être par les moyens les plus élevés de la pensée et de l’action, responsables de notre devenir collectif et individuel, comme tous les individus et peuples sensés du monde. Et voilà pourquoi pour Guillaume Soro, être soi-même le 18 décembre 2015 à Abidjan, c’était être sans lâcheté, mais aussi être sans haine envers la France et le peuple français, au nom desquels la juge Sabine Kheris prétend dire la justice en son pays. Qu’on se souvienne donc, au moment où les sirènes de la presse bleue veulent présenter Guillaume Soro sous les jours surfaits de la xénophobie anti-française qui est le fort des Refondateurs, des mots exacts d’apaisement et de responsabilité employés, en présence de l’ambassadeur de France Georges Serre, pour dire son amitié, sa fraternité et sa franchise envers la France:

« Ceci dit, ne faisons pas d’amalgame car la France nous l’aimons, les Français nous les aimons aussi. Jamais ne nous habitera le sentiment anti-français. Le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs est aussi une réalité dans notre pays. Et nous comprenons fort bien que des juges tentés par l’abus d’autorité puissent exister ici et ailleurs.

Au passage, je salue l’Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Georges SERRE et le rassure de notre volonté inébranlable à célébrer l’excellence des relations entre nos deux pays. Je le remercie également de la visite de courtoisie et des amabilités qu’il m’a récemment rendues. »

Qui dit mieux? Foin de la haine anti-française. Mais foin aussi du larbinisme et de la servilité. Place à une diplomatie éveillée, où les autorités africaines seront désormais autant respectées en France que les Américains, les Chinois et les Japonais le sont, à titre d’exemples palpables. Qui niera que la construction de cette relation décomplexée avec la France est l’impératif catégorique de la nouvelle dynamique du monde francophone envers la puissance française? Guillaume Soro, avec force, sagesse et beauté, aura ici encore, montré les couleurs de l’Afrique qui monte.

Dans la deuxième et dernière partie du présent dossier, à paraître dans les 48 heures à venir,  nous analyserons les retombées politiques du discours du 18 décembre 2015 en France, en Côte d’Ivoire et en Afrique, en confrontant les réactions contrastées et signifiantes déclenchées par ce discours. Affaire à suivre donc, sur guillaumesoro.ci.

Une tribune internationale de Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie, Washington, USA

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