Débat sur la révision constitutionnelle : Cissé Bacongo persiste et signe.

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Le ministre de la fonction publique et de la réforme administrative le répète à qui veut l’entendre : il faut abroger la limitation de la durée du mandat présidentiel….
Pour être d’actualité, l’idée de la modification de la constitution ivoirienne n’est pas pour autant nouvelle en soi. Depuis son adoption en juillet 2000 notre loi fondamentale n’a en effet jamais cessé de cristalliser les passions, d’essuyer les critiques et de collectionner les qualificatifs négatifs émanant de tous ceux qui n’ont jamais renoncé à l’idée de la voir un jour expurger de toutes ses dispositions conflictuelles. Ce qui est nouveau dans le débat, c’est l’objet sur lequel doit porter cette modification tant réclamée. Car alors que jusque là les griefs les plus récurrents s’appliquaient à démonter les arguments sur les conditions de naissance et de résidence, et à démontrer la vacuité de la notion de prévalence, le ministre Cissé Bacongo à qui revient le mérite de cette nouveauté jette un pavé dans la marre en s’attaquant en plus au verrou de la limitation des mandats !!! Même dans son propre camp, rares sont ceux qui avaient vu venir pareille illumination. Le débat étant lancé, analysons donc les arguments. La démocratie ne s’en portera que mieux.

Ainsi peut on lire dans cette contribution : « .. La disposition porte en germe deux conséquences fâcheuses. Premièrement, en l’absence de cadres politiques charismatiques, compétents, crédibles et intègres, pouvant assurer la relève, le peuple peut se trouver comme contraint d’élire un Président de la République par défaut, dont la gestion peut le conduire à un désastre, sur tous les plans. Alors que, dans le même temps, le Président sortant est exclu, d’emblée, de la course, après ses deux mandats, bien qu’il remplisse, notamment, les conditions d’âge, de moralité et de nationalité et malgré son charisme imposant, sa gestion irréprochable, sa gouvernance impeccable, son leadership reconnu et le soutien dont il bénéficie auprès de l’ensemble de la classe politique et des populations » .. 
En clair pour le ministre Bacongo, il peut arriver qu’un peuple se retrouve en panne d’intelligences, de compétences ou de personnes crédibles pour continuer l’œuvre entamée par un chef d’exception qui serait contraint par le verrou de la limitation des mandats à se retirer de la gestion de l’état. Alors même que les autres conditions d’éligibilité, la qualité de sa gouvernance et la confiance des populations l’autorisent à envisager une prolongation. Ce peuple ainsi obligé de choisir entre des incapables pourrait donc se retrouver avec un président au rabais qui le conduirait immanquablement à la catastrophe. Ouf ! 
L’argument n’est pas irrecevable. Même s’il ressemble furieusement à ceux mis couramment en avant dans les régimes totalitaires ou les partis-état pour justifier le maintien ad vitam aeternam au pouvoir du guide éclairé présenté comme le plus beau, le plus intelligent, le plus compétent…etc… Dans une démocratie qui se respecte, que pourrait-on penser d’un chef d’état qui (durant son temps de gouvernance) ne se ferait entourer que de faire valoir, de médiocres et de cancres ? Au point où au soir de son mandat il ne se trouverait pas même une seule personne dans son entourage et dans la médiocrité ambiante pour trouver grâce aux yeux de ses mandants. Obligeant ainsi ces derniers à rechercher le salut dans la reconduction de la seule personne intelligente du pays !!!! 
C’est le colon qui dans sa magnanimité condescendante et se prévalant d’une mission civilisatrice retardait son départ sous prétexte que le nègre n’était pas encore prêt à s’assumer. Que dire d’un homme politique qui plus de 50 ans après les indépendances s’autorise à conjuguer l’intelligence, la compétence et l’intégrité d’un peuple au singulier !!!! 
Au demeurant, et dans un régime de pluralisme politique, si par extraordinaire un parti se déclarait en faillite intellectuelle (à l’impossible nul n’est tenu), il lui reviendrait par patriotisme de laisser le champ libre aux formations ayant écarté le crétinisme comme critère de recrutement de leurs cadres et militants. Ce parti ainsi débarrassé du fardeau encombrant de la gestion du pouvoir mettrait à profit sa période d’opposition pour renforcer les capacités de ses militants, histoire de les préparer à assurer la relève.

« Deuxièmement, elle peut déboucher sur des crises résurgentes encore plus graves que celles qu’elle est sensée résoudre, comme on a pu le constater dans de nombreux pays d’Afrique qui l’ont adoptée, puis l’ont remise en cause, avec plus ou moins de réussite. Le Burkina-Faso, le Burundi, le Congo-Brazaville, le Rwanda, le Sénégal, le Togo en sont des illustrations.».. Lit-on dans la suite de cette contribution. 
En clair, mieux vaut prévenir une crise en abrogeant une disposition qui ailleurs a suscité des troubles lors de sa révision…… Le verrou de la limitation des mandats a été introduit en politique pour faire la promotion de l’alternance. L’idée est qu’un chef d’état quelle que soit sa compétence tombe toujours dans la routine et la passivité quand perdure sa présidence. Les belles intentions affichées au départ s’érodent avec le temps et laissent la place au copinage et au laxisme. Le renouvellement permet à la classe dirigeante de se remettre en cause, à de nouvelles compétences d’émerger et à des idées neuves de faire leurs preuves. Sans oublier que la perspective de céder le pouvoir dans des délais raisonnables refroidit l’ardeur de tous ceux qui seraient tentés par la voie de la tyrannie. Si certains chefs d’état après des années de gabegies et de rapacité, et dans la crainte de devoir rendre des comptes n’ont trouvé pour seule échappatoire que de forcer le verrou (parfois au prix d’un bain de sang) pour s’éterniser au pouvoir, il convient de condamner avec force et fermeté de tels comportements. Et non agiter la menace de troubles comme épouvantail en vue d’en tirer argument en faveur d’un retour à la monarchie. Si la démocratie devait reculer à chaque comportement réactionnaire d’autocrates nostalgiques d’une époque révolue, ce serait le retour à l’obscurantisme. Les exemples du Ghana, du Benin et du Mali prouvent s’il en est besoin qu’il ne faut pas désespérer en la matière…

CIB écrit par la suite « Les conditions d’éligibilité sont, nécessairement, discriminatoires, puisqu’elles déterminent les citoyens qui peuvent postuler à la magistrature suprême et ceux qui ne le peuvent pas. Mais, l’exclusion des derniers n’est pas le résultat d’une simple fantaisie, ni d’un jeu de hasard. Elle doit reposer sur une justification convaincante. Ainsi, l’exigence d’un âge minimum et d’un âge maximum (40 ans au moins et 75 au plus) se justifie par le fait que l’exercice des fonctions suprêmes de Chef de l’Etat est supposé nécessiter certaines dispositions ou qualités, que les jeunes et les personnes d’un âge avancé sont présumés ne pas ou plus avoir : maturité de l’esprit et lucidité dans les prises de décisions qu’implique la gestion du pays… » ……..soit ! .. Et tellement bien dit !!!! Mais en suivant la logique de notre éminent juriste et en empruntant son zèle intellectuel, on pourrait (sans nier notre mauvaise foi) remettre en cause cette présomption d’incapacité qui pèse sur les jeunes et les personnes âgés que discrimine la disposition concernée. Au nom de quoi un jeune de 30, 20, 15 ou même 8 ans ( la honte sur moi ) s’il s’en sent les capacités ne briguerait il pas la magistrature suprême ? Pourquoi un vieux de 100 ans ou plus ne pourrait il pas diriger un pays ???? Sur la base de quoi les considère-t-on comme moins outillés que ceux de la fourchette considérée? Le niveau de certains candidats à la dernière présidentielle serait d’ailleurs de nature à nous conforter dans ce questionnement. 
En poussant la fourberie à ses limites et en exagérant l’urgence des raisons qui nous guident dans cette voie, on pourrait envisager le cas extrême ou un pays se retrouverait en panne de personnes de moins de 75 ans….. ou de plus de 40 ans !!!!! Pourquoi pas ?!! Voilà où peuvent conduire le formalisme juridique et l’intellectualisme débridé.

Le rôle des intellectuels est certes d’explorer des pistes et de susciter le débat. Mais il serait temps pour nos érudits d’orienter la réflexion vers des sujets de nature à consolider les acquis de la lutte et à promouvoir les avancées démocratiques. Le débat sur la limitation des mandats, pour passionnant qu’il soit est loin de constituer un centre d’intérêt pour les différentes chapelles politiques. Contrairement aux autres conditions d’éligibilité qui nous ramènent à des situations pratiques et des analyses factuelles. L’actuel tenant du pouvoir (que CIB se défend d’ailleurs d’avoir en point de mire de sa proposition) n’a jamais fait mystère de son intention de céder le pouvoir en 2020 et même avant. Pourquoi ses adversaires et autres prétendants à sa succession lui feraient-ils un procès pour un choix si clairement exprimé ? S’il est donc une disposition qui échappe à la polémique sur les conditions d’éligibilité, c’est bien la clause qui limite le nombre de mandats présidentiels. Appliquons nous donc à épuiser les débats qui fâchent et divisent depuis toujours, et à adopter les solutions proposées depuis longtemps, sans chercher à faire de la surenchère inutilement provocatrice. Il y a déjà assez matière à s’étriper sur le sujet sans qu’on vienne encore nous embrouiller l’esprit avec des querelles artificielles nourries par un argumentaire outrageant. Nul n’est irremplaçable sur cette terre… Evitons donc de créer des problèmes là où il n’y en a pas…

Jean L’ecclesiaste

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