congo : les « ninja » ressortent de leurs trous

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Quelque deux décennies après, la tragédie politique congolaise va-t-elle se répéter ? On ose la question en frémissant tel le poète latin Virgile dans l’Enéide. C’est que Brazzaville, la capitale du Congo, s’est réveillée hier lundi 4 avril  au son de la canonnière.

Ce jour-là, dès 3 H du matin des tirs nourris on été entendus au sud de la ville, obligeant les habitants à se réfugier dans des zones (pour le moment ?) plus clémentes.

S’agissait-il d’une tentative de coup d’Etat, dans la mesure où parmi les cibles des assaillants figuraient la présidence, la radio et l’aéroport ?

En tous les cas, le pouvoir congolais a vite fait d’y voir l’ombre des « Ninja » qui seraient ressortis de terre. Pour ceux qui l’auraient oublié, les « Ninja », ce sont ces miliciens, ou  groupe d’autodéfense de  Bernard Koléla, qui ont combattu contre les « Cobras » de Denis  Sassou-Nguesso durant la grave crise politique des années 90.   Une guerre civile finalement remportée en 97  par ce dernier avec l’aide de la compagnie française ELF  face au président élu, Pascal Lissouba, alors allié de Kolélas.

Depuis ce retour sanglant aux affaires,  le général Sassou dirige le pays comme une caserne et n’est pas près d’en lâcher prise. Après trente-deux ans de pouvoir cumulé et autant de temps de pillage des richesses du pays, le voilà qui s’applique à  tripatouiller la Constitution en faisant lever les deux obstacles à sa candidature en 2016. A savoir la limitation du nombre de mandats à deux et la limite d’âge de candidature à 70 ans.  Sitôt le « oui » majoritaire au référendum, sitôt la date de la présidentielle avancée.

Si donc la réélection du « khalife d’Oyo »  a eu lieu le 20 mars dernier, l’exercice de ce mandant s’annonce, lui,  sous de mauvais auspices.  Alors que les résultats officiels ne sont pas encore annoncés, une poussée de fièvre agite de nouveau le pays avec la soudaine résurgence des « Ninja ».

Faut-il  voir  une quelconque relation de cause a effet entre ce scrutin entaché d’irrégularités, comme l’ont relevé les observateurs, et la réapparition des monstres de Kolélas ?

En tout cas, le « Sphinx de Pila » ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes.

Certes, dans l’absolu et en bonne démocratie, le mode de dévolution du pouvoir doit rester la voie des urnes.

Mais dans un système barricadé à plusieurs tours comme celui du Congo, où le président  et sa famille figurent depuis de longues dates au hit-parade des biens mal acquis, la justice et toute l’administration publique sont au service d’une noblesse d’Etat, la corruption et la prédation des immenses richesses érigées en sport favori d’une caste de privilégiés, y a-t-il d’autre choix que le recours à d’autres voies pour changer l’ordre des choses ? Loin de nous de vouloir faire ici l’apologie des pronunciamientos ou des coups d’Etat salvateurs. Mais il appartient aux satrapes qui nous gouvernent de ne pas tenter les janissaires qu’ils entretiennent mais qui finissent par les défénestrer.  

L’on ne cessera de le dire, cette appétence maladive pour le pouvoir finit par entraîner des indigestions pour son  sujet, le tout,  dans un chaos  qui touche tout le pays.

C’est le cas aujourd’hui du Burundi, et ce qui prévaut actuellement sur les deux rives du fleuve Congo n’augure rien de bon.

Après les « Ninja », il ne manquerait plus que les « Cobras » sortent à leur tour de leurs trous pour que le pays s’enlise de nouveau dans la guerre civile. Et tout cela pour les caprices d’un potentat respecté  à grands frais et à coups de contrats mirifiques par de grandes puissances, notamment la France pour ce qui est de « l’ami Sassou ».

Paris qui appelle aujourd’hui à la retenue n’a-t-il pas contribué à remettre  son fidèle serviteur sur selle au détriment d’un président démocratiquement élu ?

Après avoir osé critiquer les penchants monarchiques du maître de Brazzaville, François Hollande ne s’est-il pas aussitôt fendu d’une palinodie qu’on rappellerait ici si on voulait être méchant ? « Le président Sassou peut consulter son peuple. Ça fait partie de son droit. Et le peuple doit répondre”

avait-il en effet déclaré à l’annonce du référendum contesté.  

Cette nouvelle donne va-t-elle empêcher l’homme fort de Brazza de jouir de son mandat qu’il se serait donné toutes les peines du monde à conserver ?

Difficile d’y répondre pour le moment.

Il est vrai que, comme le chantent certains situationnistes congolais et d’ailleurs, Brazza n’est pas Ouaga, pour dire que si Blaise après seulement quarante-huit heures d’insurrection populaire a été balayé par la rue, Sassou, lui, est capable de défendre son trône en lâchant ses « Cobras ».

Mais ces récents événements sonnent comme un sérieux  coup de semonce contre un homme habité par la vile prétention d’un règne à vie.

Alain Saint Robespierre

L’observateur (Burkina Faso)

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