Reconciliation nationale: une charte trop trop suspecte

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L’Alliance du 3 avril propose une Charte qui fait en filigrane le lit de l’impunité en demandant une amnistie totale et définitive pour les auteurs des crimes de la crise postélectorale.

La déclaration d’Alain Lobognon, hier à l’Assemblée nationale – couplée à la présentation de la Charte pour le pardon et la réconciliation – a été voulue symbolique à souhait. Elle a été faite le 27 juillet, un jour historique, date anniversaire de l’adoption de l’hymne nationale de la Côte d’Ivoire, par les députés de l’Assemblée constituante, le 27 juillet 1960. Sur la forme, les objectifs de l’Alliance du 3 avril sont fort louables. Il s’agit, a détaillé le député de Fresco d’engager un «dialogue inclusif entre les Ivoiriens, afin d’arriver à solder définitivement la longue crise que connaît depuis de longues années notre pays, la Côte d’Ivoire».

Alain Lobognon continue en rappelant «qu’à la faveur de chacune des crises citées, une Loi d’Amnistie avait été adoptée pour accorder le Pardon de la Nation à ceux qui avaient été reconnus responsables et condamnés, sans toutefois prendre en compte la dignité et l’honneur perdus des victimes». C’est pourquoi l’Alliance du 3 avril encourage le Gouvernement et soutient l’Assemblée nationale dans l’adoption d’une Loi portant constitution d’une commission sur l’Amnistie totale et définitive en Côte d’Ivoire. Une commission qui, pré- cise la Charte, sera chargée d’- analyser les situations des personnesen conflit avec la Justice pour des motifs militaires et politiques commis lors de la survenue des crises et allant dans le sens du Pardon et la Réconciliation.Si l’objectif d’une réconciliation nationale franche et sincère reste d’une importance capitale pour la Côted’Ivoire et pour les Ivoiriens, cet objectif ne doit pas être dévoyé par des calculs – volontairement ou involontairement – floutés.

Dans le cadre de la réconciliation le Gouvernement a mis en œuvre, au sortir de la crise postélectorale, un certain nombre de mesures concrètes. Notamment la création de la Commission Dialogue vérité et réconciliation chargée, entre autre de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les événements sociopolitiques nationaux passés et récents, d’entendre les victimes, obtenir la reconnaissance des faits par les auteurs des violations incriminées et le pardon consécutif, de proposer les moyens de toute nature susceptibles decontribuer à guérir les traumatismes subis par les victimes, d’identifier et faire des propositions pour leur réalisation des actions de nature à renforcer la cohésion sociale, l’unité nationale.

Selon quel critère, de quelle manière et à qui exactement demander pardon ?

Par la suite, La Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire (CONARIV) sera portée sur les fonts baptismaux. Elle sera chargée d’identifier les victimes non recensées et les ayant-droits non recensés, de procéder au recensement des victimes non recensées et des ayant-droits des victimes non recensés en vue de consolider un fichier unique consolidé, de proposer les mesures appropriées d’indemnisation de toutes les victimes et de tous les ayant-droit et de procéder à la réparation des préjudices subis ou à la restitution des biens. Sur ces aspects, l’on peut affirmer, sans se tromper que la question de la réconciliation nationale a été et reste l’une des priorités du Gouvernement, sous l’impulsion du président Alassane Ouattara. Aplusieurs occasions, le chef de l’Etat a demandé pardon.

Le jeudi 13 octobre 2011, au cours d’une cérémonie en hommage aux victimes de la crise postélectorale, il a demandé pardon et appelé tous les protagonistes à demander pardon. L’exercice sera répété à maintes occasions. De quel pardon parle aujourd’hui Alain Lobognon ? Selon quel critère, de quelle manière et à qui exactement demander pardon ? Dans l’espritdu député de Fresco, une Amnistie totale et définitive devrait être accordée aux auteurs des tueries survenues en Côte d’Ivoire au cours de la crise postélectorale, au mépris de la justice qui devrait permettre de situer les responsabilités pour éviter que pareille situation ne se répète. En Côte d’Ivoire, tout le monde a fauté et est responsable dans la survenue de la crise de 2010-2011. Aussi bien l’Etat que des groupes politiques et des forces anciennes ou nouvelles ont fait couler le sans dans le pays.

Bien malheureusement, il continue de couler au cours d’attaques sporadiques que le Gouvernement s’attèle à éradiquer. L’amnistie est une bonne chose certes, mais est-il possible de passer par pertes et profits tous les crimes commis au cours de la crise postélectorale? Non. Ce sera offrir une belle prime l’impunité que certains ne tarderont pas à saisir pour rééditer les mêmes actes. Au nom de la réconciliation doit-on pardonner à des criminels et les laisser s’en aller aussi simplement, sans qu’ils ne soient jugés, aient reconnu leurs crimes et demandé pardon aux victimes ? Pour dire vrai, la réconciliation ne se décrète pas. Elle se construit, patiemment, par de petits gestes, des petits actes de contrition. Aucune Charte, aussi belle soit-elle ne réussira à réconcilier les Ivoiriens si ceux qui sont coupables de crimes – quels qu’ils soient – ne font pas amende honorable, s’ils ne posent pas d’actes de contrition et de regrets sincères. C’est par cette (de) marche que les réconciliateurs du 3 avril doivent commencer. L’amnistie ne viendra, au final que pour parachever un processus enclenché il y a quelques années par le Gouvernement.

M’bah Aboubakar

L’expression

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