Ma lettre ouverte à Guillaume Soro

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Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Kigbafory Soro, dans une contribution en date du 9 juin 2017, j’avais interpellé votre collaborateur, Alain Michel Lobognon, sur son initiative relative au lancement de l’alliance du 3 avril, un mouvement inspiré de votre discours à la rentrée solennelle du Parlement, le 3 avril au cours de laquelle vous avez lancé un appel à la réconciliation. J’ai rappelé à M. Lobognon la nécessité pour vous de vous réconcilier d’abord avec les parents de vos ex-collaborateurs de la rébellion, notamment Bamba Kassoum alias Kass, dont je suis le cousin, Coulibaly Adama alias Adams, Mobio, Ibrahim Coulibaly alias IB que vous avez fait assassiner. Plutôt que de discuter sur le fond de ma contribution, votre collaborateur m’a traité d’avatar, comme s’il connaissait tous les membres de notre famille, souillant au passage la mémoire de mon cousin en justifiant son assassinat à Bouaké. Je le mets donc au défi de trouver une date et un lieu à sa convenance, où nous nous retrouverons, avec les représentants de ces collaborateurs tués, afin de discuter sur la purge au sein de la rébellion. En attendant, je le laisse avec Dieu et sa conscience. Ceci dit, et dans la suite logique de votre démarche pour la réconciliation, je me permets de vous adresser cette lettre. Les Ivoiriens ont assisté, médusés, à votre déclaration, le 20 juillet 2017, à l’aéroport international Félix Houphouët Boigny. De retour d’un prétendu  périple européen, qui vous a conduit à Paris et Bruxelles, vous avez déclaré ce jour votre intention d’aller demander pardon au président de la République, Alassane Ouattara, au leader du PDCI, Henri Konan Bédié et ‘’même’’à l’ancien président, Laurent Gbagbo, détenu à la Cour pénale internationale pour, entre autres, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Initiative louable en d’autre temps. Seulement, pour ceux qui connaissent ‘’Bogota’’, ils savent que cette sortie est calculée et que ‘’votre cible’’ n’est ni Ouattara, ni Bédié. Vous croyez avancer dans le noir en tenue de camouflage. Alors que votre dos est bien visible, et votre stratagème, connu à l’avance.

Des révélations sur sa prise de contact avec Nady Bamba

En réalité, derrière cette déclaration, se cache une volonté, plus que visible, d’aller voir l’ex-Chef d’État, Laurent Gbagbo. Mais ce serait trop flagrant de l’annoncer tout de go sans susciter des interrogations suspectes. Vous croyez trouver la parade : Passer voir Ouattara et Bédié d’abord. Démarche d’autant plus curieuse qu’elle intervient après vos rencontres avec Bédié. Par deux fois à Paris, vous avez rencontré Bédié. Pourquoi ne lui avez-vous pas demandé pardon à ces rencontres ? Vous en aviez pourtant le loisir. Laisser Bédié à des milliers de kilomètres alors qu’on l’avait rencontré deux fois, et l’attendre en Côte d’Ivoire en vue de lui demander pardon est quand même surprenant. Mais passons ! Vous nous avez  habitué à des tactiques risibles. Pourquoi demander pardon à Alassane Ouattara ? Qu’est-ce que vous vous reprochez ? Bien sûr, vos hagiographes, promptes à fondre sur ceux qui ne portent pas les mêmes lunettes que vous, s’échinent à expliquer qu’on peut demander pardon sans qu’on ait commis de fautes. Raisonnement bizarre tout de même ! Avez-vous des remords vis-à-vis de Ouattara, qui a fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui : Président de l’Assemblée nationale. D’abord deuxième personnalité de la Côte d’Ivoire pendant le premier mandat, alors que vous n’en remplissiez pas les conditions, pour en devenir ensuite la quatrième pour ce second  mandat. Bien que vous ayez gaffé en finançant un putsch contre la transition au Burkina Faso, Ouattara vous a protégé. De même quand vous aviez eu des démêlés avec la justice française, et que vous étiez reclus à l’ambassade de la Côte d’Ivoire en France, craignant d’être cueilli par les gendarmes français qui faisaient le pied de gru devant la chancellerie, le président de la République était encore là. Vous savez où vous partez. Et le président Ouattara n’est pas dupe. Vous pensez pouvoir vous racheter en vous présentant comme l’agneau que les méchants loups veulent dévorer. Ce que vous ignorez, c’est que dans votre volonté de vous présenter comme un faiseur de paix, vous laissez des traces. Dans une vidéo publiée le 21 juillet sur sa page Facebook, Johnny Patcheco, un pro-Gbagbo pur et dur a dévoilé votre l’agenda caché à Paris : « Vous avez rencontré la seconde épouse de Laurent Gbagbo, Nady Bamba. Vous ne pouvez pas parler d’aller voir Gbagbo à la CPI s’il n’y a pas eu de préalable. Le préalable, c’est la négociation entre vous et Nady Bamba. Cette dame finance aujourd’hui les Gbagbo ou rien (Gor) ». Fin de citations. Patcheco révèle en outre une prochaine prise de contact entre vous et Abou Drahamane Sangaré, proche parmi les proches de Gbagbo, présenté comme le pont entre Gbagbo et d’éventuels visiteurs. Votre collaborateur, Alain Lobognon est annoncé à la CPI pour déblayer le terrain. Vous êtes donc démasqué. Il ne vous reste plus qu’à aller au bout de votre logique. Une logique qui voudrait aussi que vous demandiez pardon aux parents de vos compagnons que vous avez fait tuer pour le contrôle de la rébellion armée de septembre 2002.

Et Kass, Mobio, IB… ?

Le pardon est un acte noble. Mais sa noblesse doit être garantie par la sincérité. Or, ici, notre député de Ferké est pris en flagrant délit de duplicité. Il a le pardon bien sélective. À mon humble avis, ceux qui ont besoin de votre pardon, ce sont vos centaines de victimes. Ce sont la famille de Bamba Kassoum alias Kass, dont le seul tort est d’avoir manifesté publiquement son soutien à Ibrahim Coulibaly alias IB, véritable patron de la rébellion. Ce sont la famille de Coulibaly Adama alias Adams, fidèle d’IB, de Mobio, de Petit major, égorgé pour son soutien à Koné Zakaria, lui-même ayant échappé de peu, à vos sofas de service. M. Soro, vous devez demander pardon à la famille d’Ibrahim Coulibaly alias IB, votre bienfaiteur à qui vous avez planté le couteau dans le dos, avant de le faire tuer un soir de fin avril 2011, entre Anyama et Abobo. L’épouse d’IB bénéficierait de votre visite et de votre pardon en France, qu’elle en serait heureuse. Enfin, vous devez solliciter le pardon des parents de ces soldats traqués et étouffés dans des conteneurs à Korhogo. M. Soro, pourriez-vous demander pardon aux familles de ces victimes ? Rendre visite à la famille de Camara Yêrèfè dit H est bien, même si l’objectif, c’est de discréditer le RDR, la famille politique du défunt. Mais aller demander pardon à vos victimes serait encore plus noble. Sauter cette étape, c’est faire du saupoudrage. Une sorte de poudre de perlimpinpin. Les Ivoiriens, qui vous observent, ne sont pas des nigauds.

Effet boomerang

Aller demander pardon à Laurent Gbagbo, c’est en quelque sorte reconnaître que celui-ci a moins de responsabilité dans la tragédie ivoirienne. Et donc, de donner du grain à moudre à la défense du pensionnaire de la prison de Scheveningen. Tout acte posé avec la mauvaise foi finit par péter au visage de son auteur. Pensant pouvoir exploiter politiquement une visite à Gbagbo pour espérer avoir avec soi ses partisans, vous vous tirerez une balle dans la tête. Non seulement, vous vous mettrez à dos ces milliers de victimes, qui ont payé de leur vie et de leur sang l’entêtement de l’ex-chef d’État qui, ayant perdu le pouvoir dans les urnes, voulait le conserver par la force. Bien plus, vous allez diluer la responsabilité de ce dernier dans la tragédie ivoirienne. Le sort de Gbagbo ne dépend, ni de votre pardon démagogique, ni d’une quelconque compassion nationale. Il sera blanchi si sa responsabilité est dégagée des crimes qui lui sont imputés. C’est de cela qu’il s’agit et rien d’autre. En ce qui nous concerne, nous continuerons de réclamer la justice pour nos frères assassinés sur l’autel d’hégémonie d’un homme.

Bamba Seydou, frère de Bamba Kassoum alias Kass

seydoubamba1969@gmail.com

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