Irrégularités de la procédure contre Gbagbo à la Cpi : petite contre-enquête sur les révélations « fracassantes » de Mediapart !

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Depuis quelques jours, des révélations « fracassantes » tentent de mettre en lumière une éventuelle collusion entre l’ancien procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo et l’État de Côte d’Ivoire via la France. Un document confidentiel publié sur le site de Mediapart et repris par plusieurs médias, révèle que la CPI aurait demandé en avril 2011 de garder prisonnier le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. « Seulement à cette époque, il n’existait ni mandat d’arrêt, ni saisine de la CPI », déplore le document.

Ces articles se fondent sur 40 000 documents, y compris des courriels privés, obtenus et analysés par l’European Investigative Collaborations et onze médias dont Mediapart, participant à cette enquête. 

Si la vulgarisation des documents et courriels privés déjà évoqués par le passé, semble ajouter un plus à l’analyse de l’affaire « le procureur contre Laurent Gbagbo » sur sa forme, ils semblent dans le fond, ne rien apporter de nouveau. En effet, l’information selon laquelle le transfèrement de M. Laurent Gbagbo à la CPI a été fait dans des conditions irrégulières  avait déjà été évoquée par la défense de Gbagbo dès l’entame de la phase préliminaire de la procédure.

Déjà le 19 février 2013, premier jour de l’audience de confirmation des charges retenues contre Laurent Gbagbo, la défense de ce dernier par le biais du professeur de droit international, Jacobs faisait plusieurs remarques concernant le document contenant les charges (DCC) du bureau du procureur. Entre autres, l’absence de précisions sur les éléments essentiels qui sous-tendent les charges, sur le mode de responsabilité sous l’article 25 3d et sur le comportement du représentant des victimes. Jacobs qui était à la barre comme Amicus Curiae  (ami de la cour) en soutien à la défense de Gbagbo évoquait également la question de l’irrecevabilité de l’affaire par la CPI au regard de l’article 17 des statuts de Rome et avait en son temps demandé au juge président, Silvia Fernandez de Gurmendi que l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo soit renvoyé en Côte d’Ivoire pour y être jugé.

« Il ne s’agit pas d’un procès, donc il n’y aura pas de verdict. Il s’agit juste de dire si oui ou non Laurent Gbagbo peut faire l’objet d’un jugement » avait alors répondu la juge. « L’accusation démontrera par écrit qu’il n’y a aucun doute que M. Gbagbo ne saurait être libéré des charges qui pèsent contre lui : des charges de crimes contre l’humanité, de meurtres de civils, la conduite de M. Gbagbo dans les charges de viol, de persécution d’une partie de la population ivoirienne et des charges d’actes d’atrocité » avait martelé Eric Macdonald du bureau du procureur avant de préciser : « Nous démontrerons par écrit que cette écriture déposée par la défense 4 jours avant le début de cette audience est un écran de fumée ».

Confirmation des charges

Alors que la défense de M. Gbagbo, qui a remarqué à cette époque la faiblesse du document contenant les charges produit par le bureau du procureur aurait dû profiter pour demander la tenue immédiate du procès, celle-ci a voulu gagner du temps et est allée d’appel en appel,  allongeant la période préliminaire de la procédure non sans maintenir indéfiniment son client en détention.  Finalement, le procès de Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI) aura bien lieu, et est même en train d’avoir lieu, puisque la chambre préliminaire I de la CPI a , le jeudi 12 juin 2014, confirmé tous les chefs d’accusation pesant sur l’ancien président ivoirien. Les quatre « charges de crimes contre l’humanité (meurtre, viol, autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – tentative de meurtre, et persécution) » ont été confirmées. 

À l’ouverture du procès, le 28 janvier 2016, le juge italien Cuno J Tarfusser avait déclaré : « C’est un procès pénal, pas une manifestation politique, pas un jeu où une partie veut prévaloir sur l’autre. Ce n’est pas un procès à la Côte d’Ivoire ou même au peuple ivoirien mais à deux personnes accusées de crimes par le bureau du procureur ». 

Manifestement cette précision est tombée dans des oreilles de sourds, eu égard à tout ce qui se passe en ce moment. 

« Les allégations fâcheuses en cause n’empêcheront pas mon Bureau de s’efforcer de bâtir un monde plus juste conformément aux dispositions du Statut de Rome. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, en toute indépendance, impartialité et objectivité, pour obtenir la justice à laquelle nous aspirons tous, avec dévouement et intégrité », a réagi le 5 octobre 2017 dans une déclaration la procureure Fatou Bensouda. 

Elle a demandé au bureau de mécanisme de contrôle indépendant (MCI) de la CPI d’ouvrir une enquête complète sur ces fuites, tandis que des internautes souhaitent que la défense de Gbagbo intente une action judiciaire pour demander l’annulation purement et simplement du procès en invoquant le vice de procédure de la saisine de la Cour et d’incrimination de ses clients. 

Sur la question des rencontres entre le bureau du procureur et les autorités ivoiriennes, il est du droit de l’accusation de veiller à ce que les pays partie au statut de Rome, la Côte d’Ivoire y compris, respectent leurs engagements dans le cadre de la coopération entre la CPI et ces Etats signataires du traité de Rome. Le bureau du procureur (ministère public ou juge d’instruction selon les cas de juridiction) use de tous les moyens légaux possibles pour arriver à sa fin, celle de poursuivre et de condamner l’accusé. Le problème se serait plutôt posé si c’est un juge de la CPI qui utilise les mêmes pratiques, méthodes et procédures, puisque l’on ne peut pas être juge et partie !

Philippe Kouhon  

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