Côte d’Ivoire : différence entre réconciliation démocratique et réconciliation instru

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La réconciliation démocratique de conviction est une fin en soi. Son objectif est de reconstruire dans le Droit, l’unité de la cité sans laquelle il n’y a pas de vie politique possible.La réconciliation démagogique instrumentale est, par contre, un moyen au service d’intérêts particuliers et de fins privées.

Sur la scène politique ivoirienne qui se recompose de manière empressée en vue de l’élection présidentielle 2020, la thématique de la réconciliation semble constituer la substance des projets de nouvelles alliances et de nouvelles coalitions politiques en formation. Il importe, pour cela, d’établir clairement la distinction entre réconciliation démocratique de conviction et réconciliation démagogique instrumentale pour éclairer la lanterne des ivoiriens auxquels cette thématique est servie en guise d’offre politique unique à presque trois années de l’élection présidentielle 2020.

La réconciliation démocratique de conviction est une fin en soi. Son objectif est de reconstruire l’unité de la cité sans laquelle il n’y a pas de vie politique possible. Elle réunifie les protagonistes de la guerre civile dans l’unicité de la Loi pour reconstruire le vivre-ensemble républicain. La réconciliation démagogique instrumentale est, par contre, un moyen au service d’intérêts particuliers et de fins privées. Elle sert à rassembler circonstanciellement, à partir d’un marchandage, des ambitions personnelles divergentes inconciliables qui entretiennent la division de la cité. La réconciliation démocratique en appelle à la Loi et à la restauration plénière de l’Etat de droit. La réconciliation démagogique en appelle, au contraire, à l’impunité et se satisfait de la restauration de l’Etat de nature.

La guerre civile résulte toujours de la division interne de la société, de la crise des valeurs du consensus qui fondent le contrat social. La réconciliation nationale est, dans l’Etat moderne, destinée à reconstruire le corps politique sur le Droit positif et la Loi qui rendent possible le vivre-ensemble après cette division interne. Dans les sociétés traditionnelles, elle est destinée à rassembler la communauté dans le respect des coutumes. La réconciliation nationale ne peut donc pas être pas  un instrument politique ou une marchandise électorale. Elle ne doit pas l’être au risque de reproduire les conditions de la guerre civile. Elle ne saurait provenir ni d’une justice partiale, ni de l’impunité pour tous. Expressions insignes de l’injustice politique, ces médiations problématiques et paradoxales mettent, toutes les deux, des intérêts particuliers et partisans au dessus de la Loi et légitiment de ce fait l’Etat de nature.

L’enjeu de la réconciliation nationale est de rétablir l’Etat de droit et de restaurer la prééminence de la Loi car il est question de la survie du corps politique comme communauté éthique. Cette réconciliation politique est pour cela déterminée par un impératif d’inconditionnalité morale. En démocratie, elle ne peut donc que s’opérer dans le consensus non-négociable des protagonistes sur les valeurs du régime et sur la restauration de l’ordre du Droit.

  Le partage en commun des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, la reconnaissance réciproque de l’Autre, de la légitimité de sa position et de ses intérêts, permettent aux protagonistes  du conflit de se réconcilier en dépassant les différends qui les séparent. La réconciliation nationale démocratique est fondée dans la volonté partagée de revivre ensemble, de faire coexister la pluralité à travers une nouvelle politique d’inclusion. Elle s’effectue dans le droit et la Loi qui rétablissent l’harmonie entre les particularités et la généralité. Elle résulte de la restauration volontaire de l’ordre du Droit.

Il en est ainsi parce la réconciliation est la substance de la vie quotidienne sous le régime de la démocratie comme Etat de droit. Le Droit harmonise, en permanence, à travers la Loi, le rapport conflictuel des acteurs sociaux. Les institutions du consensus démocratique travaillent à réconcilier en permanence leurs intérêts divergents et leurs points de vue contradictoires, à maintenir la fécondité du débat d’idées grâce auquel s’éclaire la raison publique et se construisent le sentiment de commune appartenance et l’unité nationale. L’unité nationale est l‘unité volontaire des citoyens dans la Loi à l’intérieur de la République. La réconciliation nationale n’est que la reconstruction volontariste de cette unité juridique et éthique des citoyens par les protagonistes de la guerre civile.

La rupture du corps social, la division interne qui s’exprime dans la guerre civile résulte de la déficience de la Loi et de la radicalisation des intérêts particuliers. Elle est causée par la déficience des institutions du consensus, par la crise du Droit quand le Droit est lui-même instrumentalisé et mis au service de systèmes de pouvoirs dominants. La réconciliation démocratique est impossible quand des intérêts particuliers ont la priorité sur le Droit et la Loi. Elle ne peut se réaliser quand la réconciliation est utilisée comme arme politique dans une stratégie d’appareils partisans et instrumentalisée pour des besoins privés. La réconciliation nationale est impossible quand la réconciliation vise à restaurer un ordre qui protège des intérêts dominants. Dans ce cas la réconciliation est démagogique car elle voudrait se réaliser en dehors du Droit et de la Loi, en restaurant l’état de nature.

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Alexis Dieth

in Mediapart du 28 Juin 2017 

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