Ordonnance ou loi organique, sénatoriales avant municipales – Ouattara n’a même pas violé la Constitution en Côte d’Ivoire

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Nous lisons ça et là, des réflexions suscitées par quelques cadres et militants Rdr en rupture de ban avec le parti, ou issus du groupe dit des frustrés (suivez mon regard). À ces cadres on peut ajouter quelques analystes à courte vue issus du Pdci, et l’ex parti au pouvoir.

Au motif que les élections des sénateurs ont lieu avant les élections municipales et régionales d’une part, et d’autre part, parce que le chef de l’État ivoirien aurait pris une ordonnance pour l’installation du premier Sénat de la troisième République, ces écrits sans aucun respect de la nécessaire courtoisie dans le débat public, et dans le débat d’idées, sont distillés dans l’opinion, de façon impunie.

Pourtant, en matière constitutionnelle, en matière réglementaire, en matière juridictionnelle et administrative, il existe plusieurs pistes pour comprendre les choses. Il suffit donc de faire les efforts nécessaires, pour éviter de faire des amalgames et des confusions. En Côte d’Ivoire, le Parlement c’est désormais deux entités autonomes, et de niveau plus ou mois équivalent, même si en cas de conflit, l’Assemblée nationale est prépondérante par rapport au Sénat (confère alinéa 6 de l’article 110 de la Constitution).

De ce point de vue, l’on peut considérer que l’Assemblée nationale ne peut pas voter seule, en l’état actuel des choses, une loi organique pour installer le Sénat, au titre de l’alinéa 3 de l’article 90 de la Constitution qui stipule : « Une loi organique fixe le nombre des membres de chaque chambre, les conditions d’éligibilité et de nomination, le régime des inéligibilités et incompatibilités, les modalités de scrutin ainsi que les conditions dans lesquelles il y’a lieu d’organiser de nouvelles élections ou de procéder à de nouvelles nominations, en vacances de siège de député ou de sénateur. Le montant des indemnités et les avantages des parlementaires sont fixés par une loi organique ». Cet article ne prévoit pas spécifiquement des dispositions pour le Sénat, notamment en matière de la mise en place de l’institution. Il évoque un cas général.

Au passage de cette lecture, l’on a la confirmation que les indemnités et avantages des députés et sénateurs en Côte d’Ivoire, sont fixés par une loi , et surtout par une loi organique. Alors qu’aucune nouvelle loi organique n’a encore vu le jour sur la question, ( du moins à la connaissance de toutes et tous ) il reste étonnant que des médias comme Jeune Afrique, aient pu prétendre que les indemnités des députés ont été augmentées, sans chercher à voir si ce ne sont pas les groupes parlementaires qui ont bénéficié d’une augmentation, au titre de l’appui de l’État aux partis politiques. À charge ensuite aux groupes parlementaires de répartir l’aide, comme ils le souhaitent, en attendant l’adoption d’une loi organique, seule manière de modifier ou préciser les avantages et indemnités des parlementaires.

Pour en revenir au Sénat, il faut noter que l’ordonnance prise par le chef de l’État Alassane Ouattara, est adossée à un projet de loi d’une part , et que d’autre part, elle ne vise pas à régler toutes les questions soulevées par alinéa 3 de l’article 90 suscité. Les deux chambres prendront ensemble cette loi organique évoquée, pour compléter et modifier l’organisation et le fonctionnement du Sénat. Elles le conformément à la Constitution lorsque le Sénat sera installé sur la base de l’ordonnance du Président de la République. L’économie de l’article 102 de la Constitution rend excessive les critiques faisant état de violation de la Constitution par le chef de l’État à travers l’adoption d’une ordonnance en l’absence d’une loi organique avant l’installation du Sénat. D’abord la Constitution ne fait de l’adoption d’une loi organique un préalable à l’existence du Sénat, ensuite l’article 102 dit : « Les lois organiques sont celles qui ont pour objet de préciser ou de compléter les dispositions relatives à l’organisation ou au fonctionnement des institutions, structures, et systèmes prévus ou qualifiés comme tels par la Constitution ».

PRECISER ou COMPLÉTER ne veut pas dire CRÉER.( or il s’agit de création, de mise en place ). De ce point de vue, une loi organique n’est pas donc nécessaire pour la création d’une institution. Elle est nécessaire pour PRÉCISER et MODIFIER le fonctionnement , et le renforcement du Sénat, et non pour créer ( ou plutôt mettre en place ) le Sénat déjà créé par la Constitution. Le Sénat a une existence ( c’est une création de la Constitution, une volonté et une injonction du peuple ) constitutionnelle qui ne dépend ni du Président de la République, ni d’une loi organique.

Lisons aussi l’alinéa 2 de l’article 102 : « Les lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes : – le projet ou la proposition de loi organique n’est soumis à la délibération et au vote de la première chambre saisie qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt ; la procédure des articles 109 et 110 est applicable ».

Que disent les articles 109 et 110, dont la procédure est applicable ? L’article 109 dit que les projets de loi ( lois lois ordinaires et non pas les lois organiques) sont déposés à la fois sur le bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’article 110 insiste : « Tout projet ou proposition de loi ( une loi ordinaire et non une loi organique * ) est examiné successivement par les chambres du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique ».

Si pour voter une loi ordinaire, une loi classique, les deux chambres doivent désormais être saisies obligatoirement, comment dans le contexte actuel, vouloir faire adopter une loi organique impliquant l’une des deux chambres, par une seule de ces deux, et en déduire une violation de la Constitution, une procédure dictatoriale, alors que ces commentaires excessifs au demeurant, ne font que traduire une lecture incomplète et non dynamique de notre loi fondamentale.

Par ailleurs ceux qui se demandent également pourquoi l’élection des sénateurs a lieu avant les élections municipales et régionales peuvent se rapporter à l’article 94, alinéa 3 pour comprendre : « L’ouverture de la session du Sénat a lieu sept jours ouvrables après celle de l’Assemblée nationale, et prend fin sept jours ouvrables avant la clôture de la session de l’Assemblée nationale ». En faisant élire les sénateurs par les conseils municipaux actuels, le gouvernement, ne fait que se conformer à la Constitution, et permettre ainsi l’ouverture de la session du Sénat dans les délais prescrits par le Constitution, à savoir le mardi 10 Avril 2018, soit une semaine après l’ouverture de session des députés, le mardi 3 avril ( lendemain du lundi de Pâques toujours férié, Pâques qui a lieu le dimanche 1er avril ). D’ailleurs en 2017, au delà des mutineries et grève des fonctionnaires, c’est lorsque une semaine après la rentrée des députés, il a été constaté que le Sénat n’a pas pu fonctionner, que tout le monde a pris acte, de ce que cela n’était plus possible pour cette année. Ce qui avait poussé des commentateurs à conclure à tort , que l’institution ne serait pas installée avant 2020.

Si le Président ivoirien a pris une ordonnance, c’est donc eu égard à l’ensemble des dispositions de la Constitution comme expliqué plus haut , et surtout c’est eu égard à la loi portant budget de l’année 2018, qui en son article 12 évoque le Sénat. La loi d’habilitation ayant autorisé le chef de l’État ivoirien à prendre des mesures en matière financière, il y’a lieu de considérer que c’est dans le cadre de l’exécution de ce budget de l’année qui consacre la mise en place du Sénat , que le chef de l’État a pris une ordonnance, remplissant les normes.

En conclusion, il apparaît clairement que le chef de l’État ivoirien a agi dans les règles de l’art. Alassane Ouattara n’a pas posé d’actes attentatoires à la démocratie, à la loi, encore moins à la Constitution. Le Président ivoirien a pleinement respecté la démocratie, la loi et la Constitution de son pays.

À la lumière de cette explication du modeste juriste du dimanche, que je suis, je pense que les « imprécateurs » et « incantateurs » de tous les bords, doivent revoir leurs copies et faire amende honorable, pour s’être laissés emporter par la critique acerbe, et discourtoise, signe d’une lecture incomplète, parcellaire et non dynamique de la Constitution.

L’épisode Tia Koné devrait pourtant inciter les détracteurs des actes pris par le chef de l’État à plus de mesure, puisqu’il était possible pour un autre juge constitutionnel de déclarer éligible Alassane Ouattara en 2000. D’ailleurs c’est ce que fit par la suite la commission électorale dirigée par le très intègre Guié Honoré pour les élections législatives de décembre 2000 , avant que le même Tia Koné s’illustre à nouveau en estimant que le citoyen Ouattara ne pouvait même pas être un simple député, parce qu’il aurait une nationalité douteuse. Une invention qui n’existe nulle part, dans le code de nationalité, le code électoral, la Constitution. Lorsque des citoyens veulent faire des débats , ils doivent s’assurer d’avoir pris tous les angles pour éviter les polémiques inutiles comme celles sur les deux bulletins, lors du référendum , ou comme les débats sur la procédure à choisir en matière de révision constitutionnelle.

* Commentaire ajouté par l’auteu

Auteur : Justice Konan

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