Présidentielle 2020. L’hypertrophie du débat procédural en Côte d’Ivoire : encore une arnaque ?

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La légitimité démocratique est constituée par le respect concomitant et simultané des procédures et de la substance de la démocratie. Elle résulte de la considération accordée à la lettre, en même temps qu’à l’esprit, des institutions. De la déférence aux procédures et à la lettre des institutions, résulte la légalité. De la conformité à la substance et à l’esprit des institutions, procède la légitimité. Les procédures sont le vestibule de la substance de la démocratie. Se soucier des procédures, et négliger la substance de la démocratie, est réduire la démocratie à la légalité. Dans ce cas, la conformité à la lettre du fonctionnement des institutions peut recouvrir la trahison de leur esprit. Adolf Hitler accéda légalement au pouvoir. Le fonctionnement impeccable des procédures du vote ne saurait garantir, à lui seul, l’élection démocratique contre le détournement de la déclaration de la volonté générale. Les électeurs doivent connaître les identités et les programmes des partis, et des candidats, qui sollicitent leur vote pour que le respect des règles de fonctionnement des institutions d’impartialité puisse effectivement empêcher le détournement de la volonté populaire vers des intérêts particuliers partisans. En réduisant la problématique démocratique ivoirienne au débat procédural, ne néglige-t-on pas les questions de fonds qui concernent l’identité des partis, leurs programmes et projets ? La bataille des procédures, et celle de la substance de la démocratie, doivent donc être menées de manière simultanée. Le respect de ces deux réquisits démocratiques complémentaires permet d’affirmer la souveraineté populaire et de garantir la déclaration de la volonté générale. Il faut débattre, à la fois, de conformité de la CEI aux procédures de fonctionnement de cette institution. Mais il faut, en même temps, débattre de la problématique de l’incarnation de la Nation et du devoir d’ingratitude. Car ces références ultimes sont les conditions de l’impartialité de la CEI. Il faut, certes, veiller à ce que la décision gouvernementale d’installer un sénat soit conforme aux procédures fixées par la Constitution. Mais il est également vital de soulever le problème de l’adéquation de la représentation nationale à la diversité culturelle de la société ivoirienne. Il faut répondre impérativement au réquisit d’inclusion démocratique en une époque où la revendication identitaire doit être nécessairement prise en charge par la République en Côte d’Ivoire. Le souci juridique du respect des procédures doit être obligatoirement complété par le souci philosophique et politique de la conformité des institutions à leur esprit et à leurs objets dans le régime. Or, force est de remarquer que, sur le registre du respect de ces deux impératifs, le compte n’y est pas en Côte d’Ivoire. On discute de procédures mais on ne discute guère de programme politique et de programme économique, de programme social et de projet de société. Ce décalage est inquiétant et laisse penser que l’hypertrophie du débat procédural sert à masquer la pauvreté du débat programmatique et à dissimuler des objectifs anti-démocratiques. Comme je l’ai déjà montré, la thématique-valise de réconciliation nationale telle que l’entendent les porteurs de ce discours camouflait une revendication identitaire, un projet d’Etat communautaire et une demande d’impunité pour les acteurs de cette reconfiguration communautaire de l’Etat. L’autre volet de cette stratégie de diversion consisterait-elle à réduire le débat démocratique au débat procédural afin de poursuivre le même objectif ? Avec la thématique-valise de « réconciliation nationale », les appels au boycott et la dénonciation populiste des actions du gouvernement, on voit, dans notre pays, les partis d’opposition tenter de mobiliser l’électorat à partir d’une stratégie d’appareils obéissant à des agendas internes. On ne les voit pas agréger les demandes sociales de leurs électorats, élaborer des offres politiques cohérentes idéologiquement fondées dans des obédiences spécifiques et susceptibles de répondre à la pluralité des demandes sociales. On ne les voit pas élaborer des projets de société alternatifs clairs. Dans ces conditions, les préoccupations procédurales semblent obéir à des préoccupations autres que démocratiques. Il importe au plus haut point de réparer cette carence, qui semble recouvrir une série d’arnaques partisanes politiques et économiques perpétrées, de manière délibérée, contre la démocratie et contre le peuple ivoirien. On est passé de la thématique de la réconciliation nationale à la thématique des procédures concernant la CEI. Nous en sommes, aujourd’hui, à la thématique des procédures concernant le Sénat. L’opposition ivoirienne semble avoir choisi une stratégie de guerre de mouvement, faite de sauts d’une question de procédure à une autre question de procédure, pour se délier de son devoir de présenter au peuple ivoirien un projet politique alternatif. Cette stratégie de sauts de puce permettrait d’esquiver les questions de fond et de garder sous le coude le boycott électoral comme mode de contestation des actes du gouvernement. Vue sous cette perspective, la stratégie du débat procédural, qui permet d’occulter le débat programmatique, apparaît comme relevant d’une arnaque politique perpétrée contre la liberté de choix du peuple ivoirien.

Dr Alexis Dieth

Professeur de philosophie

Cedea.net

Auteur : Dr Alexis Dieth

Source : Cedea.net

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