FPI : Vers la guerre des « Trois » ?

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La libération de Laurent Gbagbo, selon ses partisans, devait contribuer à les motiver à aller vers la réconciliation. Sauf qu’elle se présente désormais comme une patate chaude au Front populaire ivoirien (FPI). La tension est montée d’un cran au sein de ce parti après le refus de Laurent Gbagbo de recevoir Pascal Affi N’Guessan, avant que ce dernier ne se soumette à un exercice qui lui ouvrait une mort politique certaine. Et ce dans un contexte où, quelque peu affaiblie et isolée, Simone Gbagbo tente de reprendre les choses en main afin de donner une chance au FPI de revenir au pouvoir. L’objectif est certes commun, mais les méthodes pour y arriver divergent et annoncent des lendemains nuageux au sein de la gauche.

C’est un Pascal Affi N’Guessan très amer qui a regagné Abidjan en fin de semaine dernière après l’échec de sa rencontre avec « son patron ». Il n’a pas pris de gants envers Laurent Gbagbo lors de la conférence de presse qu’il a animée le samedi 23 mars, le traitant de « chef de la fronde » et « d’arrogant », n’hésitant pas à le comparer à Abdoul Aziz Bouteflika ou à Robert Mugabé, lui signifiant qu’il était « un homme dépassé ». Des propos durs et empreints parfois d’ironie, occasionnant des applaudissements dans la salle prise d’assaut par les partisans d’un homme qui dit refuser « une humiliation qu’il ne mérite pas ». Un discours de rupture qui annonce parallèlement un nouveau chapitre dans la crise interne au Front populaire ivoirien (FPI).  La démission, 24 heures après, de la Secrétaire générale du FPI, Agnès Monnet, est une parfaite illustration du nouveau climat. Selon des sources proches du parti, cette décision pourrait résulter « d’une pression » de cadres proches de Laurent Gbagbo, dont son époux Emmanuel Monnet, l’une des figures de la « fronde » encore en exil au Ghana, qu’elle a d’ailleurs rejoint le 25 mars. Chaque camp garde toutefois, en façade, sa porte ouverte pour discuter avec l’autre. Mais les déchirures au FPI n’ont jamais été aussi profondes depuis 2011 et les choses se jouent sur le terrain de « l’assassinat politique ».

Gbagbo maitre du jeu 

« En quelle qualité devrait-il recevoir Affi N’Guessan, quand ce dernier ne lui reconnait pas la qualité de président de parti ? », s’interroge un cadre du FPI, avant d’ajouter « il ne saurait avoir deux capitaines dans le bateau FPI ». Après avoir repris en main le parti qu’il a fondé, Laurent Gbagbo joue désormais la carte du principal animateur, en recevant régulièrement le Secrétaire général de la tendance qui le soutient, Assoa Adou, à qui il avait confié fin 2018 « la gestion quotidienne du parti ». Laurent Gbagbo, même en arrière-plan, ne veut pas que sa « page politique » soit tournée. Ne pas avoir remplacé Aboudrahamane Sangaré pourrait répondre à cette logique. Les décisions viennent directement de lui et, comme toujours, c’est lui qui décide de la ligne, commente le politologue Sylvain N’Guessan. Gbagbo a donné le tempo en appelant à un rassemblement des partis de gauche, en opposition à la plateforme des partis d’opposition pilotée par Henri Konan Bédié. « Laurent Gbagbo rentrera bientôt pour reprendre la bataille pour la démocratie », rumine Laurent Akoun pour qui « le seul maitre au FPI c’est lui ».  Gbagbo tient ainsi désormais Simone Gbgabo et Affi N’Guessan et chacun d’entre eux est conscient que se « rebeller » c’est hypothéquer son avenir politique. Gbagbo jouera à fond cette carte afin de les neutraliser, commente un observateur de la vie politique ivoirienne. Mais les choses ne s’annoncent pas aussi faciles. « Même en liberté, tant qu’il reste loin de la Côte d’Ivoire il lui sera difficile de contrôler à distance et de freiner les ambitions d’un Affi N’Guessan qui prend de plus en plus de l’assurance auprès du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et pense pouvoir jouer un rôle important dans les élections de 2020 », pense ce dernier. Il sera également difficile de contrarier les ambitions de Simone Gbagbo si en 2020 les portes du pays restent toujours fermées à l’ex prisonnier de la Cour pénale internationale (CPI).

Affi vers l’isolement ?

 Il apparait comme le grand perdant de ce nouveau jeu. Après Amani N’Guessan, son Vice-président, qui, après avoir démissionné, s’est mis à équidistance des deux camps, la démission d’Agnès Monnet fragilise de plus Pascal Affi N’Guessan. Il pourrait désormais faire face à une cascade de démissions dans ses rangs, notamment d’anciens collaborateurs de Laurent Gbagbo. « Ces derniers seront devant un cas de conscience. Seront-ils solidaires des insultes proférées par Affi à l’encontre de Gbagbo ? », s’interroge une source. Ils devraient également subir une douce pression les poussant à se désolidariser d’un Affi N’Guessan « qui a commis une grave erreur en s’attaquant directement à Gbagbo ». Chose que confirme une source proche d’Affi N’Guessan, qui note que certains cadres n’ont pas vu d’un bon œil « sa sortie contre Laurent Gbagbo », la qualifiant « d’erreur politique guidée non pas par la réflexion mais par les sentiments », lance un cadre proche du « Président », le regard perdu vers un avenir qu’il juge « incertain ». D’ailleurs, certains de ses collaborateurs, que la rumeur avait présentés comme démissionnaires, se sont empressés de démentir. Un vent de suspicion souffle ainsi sur l’entourage d’Affi N’Guessan, qui devra bientôt lancer une sorte de test de renouvellement de confiance autour de lui. Les jours à venir ne seront pas de tout repos. «  Il n’est pas question de lâcher Affi N’guessan. Des personnes continuent de se cacher derrière Gbagbo pour mener leur propre combat contre Affi et cela ne saurait prospérer » lance Beh Diabaté, Secrétaire général adjoint du FPI. « Voho Sahi, Beh Diabate, Navigué Konaté et moi-même sommes toujours au FPI, sous la direction de Pascal Affi N’guessan. Cela dit, quelles sont les raisons de l’agitation des frondeurs qui semblent être pris de priapisme? », tance pour sa part William Atteby, sur qui Affi peut encore compter. Affi est-il allé trop loin pour revenir en arrière ? « Non », selon Navigué Konaté, qui ajoute « la rencontre n’a pas pu avoir lieu parce que mal négociée. C’est l’échec d’un premier round. Il y en aura un deuxième et peut-être un troisième. Mais la rencontre doit se tenir absolument. L’unité est toujours possible », estime-t-il. Cet espoir, il ne le partage plus avec grand monde autour de lui, beaucoup estimant que la rupture est définitive.

Simone en embuscade ?

Doublement affaiblie (financièrement et physiquement), Simone tente de relancer la machine FPI. Même si elle considère que Laurent Gbagbo reste la boussole, elle estime qu’il « faut reprendre le combat là où il l’a laissé afin qu’il puisse venir le poursuivre à son retour », dit-on dans son entourage. Mais elle n’a pas assez d’hommes forts autour d’elle et refuse, à raison d’ailleurs, de se mettre à dos Assoa Adou et les autres cadres de la tendance du FPI dans laquelle elle milite. Une rencontre avec Affi N’Guessan n’est nullement à l’ordre du jour, encore moins avec Henri Konan Bédié, pour parler de rapprochement. « Cela ne sera pas toléré par Laurent Gbagbo », pense un proche de Simone. En attendant, elle surfe sur les activités organisées par Assoa Adou pour faire passer son message « de réconciliation et surtout de reprise de la lutte ». Mieux encore, précise ce dernier, « Simone n’est pas dans un combat interne au FPI. Les protagonistes sont Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan. Simone ne saurait être une autre voix, car Vice-présidente de Laurent Gbagbo ».

Auteur : Aboubakara Ouakaltio Ouattara

Source : JDA

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