Edito: Paix à ton âme, el Commandante !

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Lorsque le pays était coupé en deux, et que la rumeur amplifiait à Abidjan sur les exactions commises au nord, j’ai décidé d’en avoir le cœur net. A mon patron qui m’a appelé ce jour-là pour savoir si j’étais au bureau, j’ai dit que j’étais à l’Hôtel du Golf en train de préparer une interview Live sur la Voice Chat avec Wattao. Ça l’a rassuré. Il était content parce que cela allait encore augmenter l’audience d’Abidjan.net.
En réalité, après avoir échangé au téléphone avec le Comzone, j’étais en route pour Bouaké. Après les innombrables barrages qui jalonnaient le chemin jusqu’à la Zone Tampon, un convoi m’a accueilli à Djébonoua. C’était une impressionnant cortège de véhicules militaires. Et c’est ainsi que, mon appareil photo et mon ordinateur en main, j’ai pu entrer dans la ville de Bouaké, où j’ai vu des milliers de gens vaquer tranquillement à leurs occupations. Direction : la résidence de Wattao. Il occupait celle du Préfet.
Jovial, l’officier m’a réservé un accueil chaleureux, avant de m’autoriser à déployer mon dispositif sur son balcon. A l’heure indiquée, les internautes du monde entier ont alors pu échanger en direct avec l’une des figures les plus populaires de la rébellion.
Après l’entretien, Wattao, que j’appelais « El Commandante », a refusé que je retourne immédiatement sur Abidjan. Il m’a fait loger dans un hôtel, et est venu me chercher en pleine nuit pour faire le tour des boîtes de nuit de Bouaké, histoire de me montrer comment la population vivait dans la zone sous contrôle des Forces Nouvelles, contrairement à ce qui se racontait au sud. Pendant mon périple, j’ai flashé tout ce que je voyais, de sorte qu’à mon retour, après avoir vu toutes ces photos sur Abidjan.net, de nombreuses personnes m’aient appelées pour me dire qu’elles étaient désormais rassurées.
Héros pour les uns, terreur pour les autres, le colonel-major Issiaka Ouattara, de son vrai nom, ne faisait l’unanimité que sur ses frasques : il adorait le luxe et croquait la vie à pleines dents. Acteur de premier plan, avec lui se tourne une page importante de la vie de notre pays.
La dernière fois que j’ai vu Wattao, c’était à l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, où nous étions tous deux allés demander des visas. La dernière fois que j’ai échangé avec lui au téléphone, c’était lors des élections locales. Il m’avait informé que son jeune frère était candidat à Bouna. Nous avions promis nous revoir, mais le sort en a décidé autrement.
Que Dieu ait pitié de ton âme et te pardonne tes fautes. Repose en paix, soldat.

Seydou Kone

Ouvrage à lire :
Le visage de la haine, autopsie de la crise ivoirienne 1893-2010

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