D’un otage civil ivoirien en Guinée à 49 otages militaires ivoiriens au Mali.

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Sékou Touré avait pris en otage en Guinée un haut cadre ivoirien parti dans le pays en visite familiale. Après deux ans de détention, il a été libéré suite à une prise d’otage d’un ministre guinéen de passage à Abidjan.

[ Face à la situation de blocage, certains chefs d’Etat de la sous région, notamment ceux du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie, s’employèrent, sans succès, à faire revenir le calme et la libération de Kamano Kata François. L’ »affaire Kamano » resta ainsi sans solution et l’ivoirien demeura détenu au camp militaire Boiro de Conakry. Il y restera pendant deux années. Le règlement définitif de ce différend fut lié à l’action d’éclat posé par les autorités ivoiriennes.
En effet , le 26 juin 1967, Lansana Béavogui, Ministre guinéen des affaires étrangères et Marof Achkar, Ambassadeur guinéen auprès de l’ONU, sont arrêtés et pris en otage à Abidjan par les autorités ivoiriennes lorsque leur avion, de la compagnie hollandaise KLM, y fait une escale forcée alors qu’ils reviennent d’une session extraordinaire d’urgence de l’assemblée générale des Nations Unies.
Matthieu Ékra, Ministre ivoirien de l’information, l’annonce officiellement le 30 juin 1967. Il affirme que cette mesure répond à la « détention inhumaine » en Guinée depuis deux ans déjà de François Kamano Kata, Directeur de la Caisse Ivoirienne de Compensation et de Prestations Familiales, ainsi qu’à la saisie le 19 février 1967 du chalutier ivoirien Ker-Isper, arraisonné dans les eaux territoriales guinéennes et l’arrestation de son équipage de 22 hommes, accusés d’avoir tenté d’enlever Kwame Nkrumah, à l’époque résidant à Conakry. Abidjan conteste évidemment cette thèse et affirme que le chalutier était en détresse.
Sékou Touré proteste immédiatement contre la détention de la délégation guinéenne, et déclare que la responsabilité politique de cette affaire incombe aux Nations Unies (puisqu’ils revenaient d’une réunion onusienne) et la responsabilité civile aux Pays-Bas (en raison de la nationalité de la compagnie aérienne). Il affirme que l’équipage hollandais a détourné l’avion à la demande des autorités ivoiriennes. Sékou ajoute que la détention de Kamano Kata François est liée à un complot ourdi par Houphouët Boigny pour l’assassiner.

Les diplomates hollandais à Conakry sont placés en résidence surveillée, comme le sont les agents locaux de KLM. La compagnie réplique que seul le mauvais temps était responsable de cette escale impromptue. À New York, les Ministres des affaires étrangères de l’Algérie, du Mali et de la Mauritanie demandent à M. U Thant, le Secrétaire Général de l’ONU d’intervenir en faveur de la libération de M. Béavogui, leur collègue guinéen. Le 3 juillet 1967, Arsène Usher Assouan, Ministre ivoirien des affaires étrangères, leur homologue, leur répond qu’Abidjan considère la détention de Béavogui et d’Achkar Marof, comme le seul moyen de forcer Sékou Touré à libérer les Ivoiriens qu’il détient sans justification.
Sékou Touré déclare le 7 juillet 1967, qu’il accepte la médiation proposée par le Président libérien Tubman et qu’il est même prêt à rencontrer Houphouët-Boigny. Philippe Grégoire Yacé, Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne, répond le 10 juillet 1967, que la Côte d’Ivoire accepte l’idée que les deux présidents se rencontrent en présence des Présidents William Tubman (Liberia), Amani Diori (Niger) et Modibo Kéita (Mali). Le Secrétaire Général de l’ONU, M. U Thant envoie José Rolz-Bennett, son Secrétaire Général Adjoint pour les affaires politiques spéciales, en mission de « bons offices ».
Alors que les autorités guinéennes exigent que les deux faits ne soient pas liés ( le cas Kamano et le cas du chalutier et son équipage), c’est finalement les conditions posées par le gouvernement ivoirien qui furent acceptées de tous. En effet, la libération de la délégation guinéenne fut conditionnée non seulement par celle du chalutier ivoirien arraisonné par la Guinée et de son équipage mais, aussi et surtout par celle de l’ivoirien François Kata Kamano maintenu en Guinée depuis deux ans. Les autorités ivoiriennes restèrent inflexibles malgré les protestations de Sékou Touré, l’intervention des chefs d’Etat de l’OUA à Kinshasa et surtout celle du Secrétaire Général de l’ONU.
Au terme de la confrontation des délégués des deux pays, on aboutit à l’adoption d’une résolution qui condamnait, sans détour, la violation des accords sur le respect des privilèges et immunités diplomatiques.
Ainsi, le chalutier et son équipage, quittèrent Conakry le 22 septembre pour Abidjan. Le 25 septembre 1967, François Kamano Kata quitta Conakry par un vol régulier d’Air Guinée à destination de Dakar, d’où il regagna la Côte d’Ivoire le 26 septembre 1967. La délégation guinéenne quant à elle, rejoignit Conakry le 26 septembre 1967.
En conclusion, au-delà de cette version officielle, il faut reconnaître que lorsque le dépit amoureux s’installe entre deux personnes, tout devient matière à explosion. Dans le cas de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, tous les champs de bataille furent expérimentés par les deux Chefs d’État. L’ »affaire Kamano » en est une parfaite illustration. Les deux hommes passèrent par tous les moyens pour se nuire lorsque la tension était vive entre les deux pays. ‘’L’affaire Kamano’’, fut en réalité révélée au grand public parce que la question des différends privés entre les deux chefs d’Etat ne pouvait l’être publiquement. C’est donc la combinaison de plusieurs raisons (raison d’Etat, sentimentale et sécuritaire) qui entoure l’ »affaire Kamano’’ dont le dénouement fut lié à la résolution d’autres crises. La crise diplomatique qui en découlait ne trouva solution qu’à l’ONU après plusieurs débats qui impliquèrent de grands diplomates, notamment le Sécretaire Général de cette institution.]

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Source : Lebanco.net

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