Présidentielle 2025 : Pourquoi la guerre des trois n’aura pas lieu.

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Ils dominent la scène politique nationale de la tête et des épaules depuis plus de trois décennies au moins. Ils ne laissent personne indifférent et tout semble tourner autour d’eux. Ils, on l’aura compris, ce sont Alassane Ouattara, actuel président de la République et ses deux prédécesseurs, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Après s’être présentés tous les trois en 2010, il est de plus en plus probable qu’ils remettent le couvert en 2025. Mais, les choses pourraient se passer autrement. Éléments d’analyse.

Depuis le 07 décembre 1993, qui marque le décès du père de la nation, l’emblématique Félix Houphouët-Boigny, fondateur de la Côte d’Ivoire moderne dont il a dessiné l’architecture au burin par des réalisations dont le temps n’a en rien altéré l’impact et la beauté, ses trois successeurs Bédié, Gbagbo et Ouattara continuent de marquer la scène politique nationale. C’est d’abord, Henri Konan Bédié, son « héritier putatif » et « dauphin constitutionnel » qui occupe le fauteuil présidentiel au terme d’une bataille homérique qui divise le PDCI-RDA, ancien parti unique. Il se dispute alors le pouvoir avec l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara. Six ans plus tard, accusé de mener une politique d’exclusion marquée par le vénéneux concept de l’ivoirité, il est évincé du pouvoir par un coup d’État, le premier mais pas le dernier coup de force de l’histoire de la Côte d’Ivoire.

Un intermède avec le tombeur de Bédié

S’ouvre alors un intermède avec le tombeur de Bédié, le général Robert Guéi « balayé » à son tour, en octobre 2000, par Laurent Gbagbo, vainqueur « contesté » d’un scrutin qui se distingua par la confusion et l’imbroglio qui culminèrent par ce qui passera à la postérité comme le charnier de Yopougon avec le massacre de 57 personnes, majoritairement d’ethnie « dioula », proches de l’ex-opposant Alassane Ouattara. D’ailleurs, l’ancien président Laurent Gbagbo reconnaîtra lui-même, dans un rare accès de franchise, qu’il a été « élu dans des conditions calamiteuses ». Il refusa toutefois d’en tirer les conséquences comme l’y invitait la communauté internationale qui appela à une reprise du scrutin. En pure perte. Mais, alors que personne ne s’y attendait, le 19 septembre 2002, le nouveau régime fut attaqué par d’anciens soldats de l’armée nationale ivoirienne (l’opinion le sut plus tard), parmi lesquels Ibrahim Coulibaly dit IB, Koné Zakaria, Issiaka Ouattara dit Wattao, Cherif Ousmane, Tuo Fozie, et bien d’autres ex-déserteurs de l’armée de Côte d’Ivoire qui avaient maille à partir avec l’ex-Papa Roméo. On apprit plus tard la présence d’un certain Guillaume Kigbafory Soro alias « Dr Kumba », au sein de l’ex-rébellion.

Gbagbo fut confronté à une féroce adversité

A partir de 2002, Gbagbo fut confronté à une féroce adversité. Son pouvoir vacilla fortement mais ne rompit jamais. Désormais affaibli par différentes résolutions de l’ONU, celui que ses partisans appellent le Woody de Mama était un homme affaibli, quoique toujours aussi gouailleur, avec cette faconde qui le caractérise et il n’arrêtait pas de donner le change en faisant croire à ses partisans qu’il gouvernait ce qu’il a nommé « la Côte d’Ivoire utile », l’autre partie étant cornaquée par les ex-rebelles, notamment Guillaume Soro devenu une sorte de « chef de l’État » de la partie septentrionale que régentait ce dernier. Mais, après un premier report en 2005, l’élection présidentielle eut finalement lieu en 2010 et elle mit aux prises les trois grands leaders, Bédié, Gbagbo et Ouattara. Ce fut alors pour eux l’occasion de connaître leur poids électoral. Avec respectivement 25, 32 et 46%, un second tour était inévitable. Il opposa Gbagbo et Ouattara. Conformément à l’une des clauses entre Bédié et Ouattara, le premier appela donc à voter le second. Toute chose qui permit à celui-ci de l’emporter avec plus de 54% des voix. Mais contre toute logique, Laurent Gbagbo, contesta la victoire de son ex-challenger. Et pourtant, cette victoire était purement arithmétique avant d’être électorale. Puisque la scène politique étant dominée par les 3 leaders, il est indéniable que si deux s’unissent, le troisième devient de facto minoritaire. Mais Laurent Gbagbo, le minoritaire, ne l’entendait pas de cette oreille et il refusa sa défaite. Ce qui déboucha sur une crise postélectorale de grande amplitude aussi stupide que meurtrière avec à la clé plus de 3000 morts, des milliers de blessés et plus de 300 000 exilés. Un prix énorme à payer en termes de cohésion, de solidarité, de fraternité et autres…Et dire que tout cela n’est pas encore soldé.

Un prix énorme à payer

Néanmoins, Alassane Ouattara finit par être reconnu comme nouveau président élu de Côte d’Ivoire, au moment où son prédécesseur regagnait la case prison qu’il avait déjà visitée sous Houphouët. On notera donc que les 3 hommes ont réalisé l’ambition la plus haute de leurs carrières politiques respectives. La boucle est donc bouclée. Et tout semblait réuni pour que s’ouvre un nouveau cycle avec la nouvelle génération de politiciens que comptent les chapelles politiques significatives, à savoir, le RHDP, le PDCI-RDA et le FPI ( précisément le PPA-CI). Cependant, c’est sans compter avec le désir de revanche voire de vengeance qui anime les anciens présidents Bédié et Gbagbo visiblement préoccupés par un éventuel retour au pouvoir qui sonnerait comme une réhabilitation pour eux au regard des circonstances dans lesquelles ils ont quitté le pouvoir. Ce qui est aux antipodes de la volonté de leur successeur Alassane Ouattara qui a plutôt à cœur de passer le flambeau à la nouvelle génération. N’en a-t-il pas exprimé la volonté le 05 mars 2020, à Yamoussoukro, face à la représentation nationale ? Ce jour-là, il avait déclaré, sans atermoiements, devant le Congrès ( sénateurs et députés réunis) qu’il ne serait pas candidat à sa succession prévue en octobre de la même année. Il a justifié sa surprenante décision par son désir de passer le témoin à la nouvelle génération, en qui il dit avoir toute sa confiance. C’est ainsi que le Rhdp a désigné, exactement une semaine, jour pour jour, plus tard, l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Mais, manque de pot, celui-ci a clamsé le 20 juillet 2020, à la stupéfaction générale.

Le Rhdp se trouvait dans une vraie impasse

Du coup, le Rhdp se trouvait dans une vraie impasse, puisque le parti n’avait plus de candidat à un peu plus de trois mois de la reine des élections. Que faire ? C’est alors que, en désespoir de cause, le parti des Houphouëtistes se tourna vers son mentor et inspirateur Alassane Ouattara à qui il demanda de revenir sur sa décision. Ce que fit celui-ci, presqu’à son corps défendant… Candidat du RHDP, il était encore parti pour affronter ses deux prédécesseurs dont les candidatures ont été déposées en même temps que la sienne. Mais, au final, le Conseil constitutionnel rétoqua les dossiers de Laurent Gbagbo au motif que son nom ne figurait plus sur la liste électorale du fait de ses démêlés judiciaires. Quant à N’Zueba quoique sa candidature passa au tamis du juge des élections, il se rébiffa et freina des quatre fers sous la pression de ses camarades de l’opposition, singulièrement le camp Soro qui entendait isoler Ouattara. Peine perdue. Puisque ce dernier fut élu face au candidat Kouadio Konan Bertin dit KKB. Gros Jean comme devant, les opposants furent sonnés par cette victoire contre laquelle ils ont bataillé de toutes leurs forces. Sans succès. L’acte 2 de la confrontation entre les trois grands leaders n’eut donc pas lieu. Et il est douteux qu’il se produise jamais. Pour différentes raisons dont la plus importante tient à ceci: au soir de leur vie et de leur carrière, la probabilité pour qu’ils croisent à nouveau le fer à une élection présidentielle même si celle-ci est prévue pour 2025, est fort réduite. Il y a donc logiquement plus de risques pour que cette bataille n’ait pas lieu que l’inverse. A cette échéance, Bédié aura 91 ans, Ouattara 83 et Gbagbo 80… Des âges canoniques qui les rapprochent beaucoup plus de la retraite que de la vie active. Et comme l’on n’a que l’âge de ses artères, il n’est pas exclu que le poids des ans se fasse davantage sentir. De différentes manières. Par toutes sortes de bobos En clair, la guerre des trois que semble annoncée certains a peu de chances d’avoir lieu. Lorsqu’on ajoute à cette occurrence d’autres facteurs, notamment politiques comme l’impossibilité pour l’un d’eux d’être candidat, il est plus que certain que les trois ne pourront plus en découdre au cours d’un scrutin présidentiel. Mais ne dit-on pas qu’il ne faut jamais dire jamais ? La suite reste donc à écrire…

Auteur : Ambroise Tietie

Source : Lementor.net

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