Racket à Abidjan : Comment Les « Gnambros » Ont Pris En Otage Le Transport

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Le transport terrestre abidjanais est pris en otage par une multitude de syndicats et leurs bras armés que sont les « Gnambros». Qui imposent leurs lois aux chauffeurs et acteurs. On assiste au quotidien dans les gares routières à des scènes de bagarres et de violences à la machette et aux gourdins crées et entretenues par ces loubards en muscles. Qui n’hésitent pas à tuer pour une pièce de 100 FCFA. Par jour ce sont 10 à 15 millions qui sont indument perçus par ces acteurs au détriment des caisses de l’Etat et des vrais propriétaires de véhicule. Qui sont réellement les « gnambros » ? Eclairage

«Pour 500 FCFA, ces voyous ont fracturé à deux endroits la mâchoire d’un de mes chauffeurs et j’ai dû dépenser 1million de fcfa pour le soigner. Il faut mettre un terme au règne de ces bandits », réaction fort enlevée mardi dernier de Yacou Diakité, responsable de la fédération de chauffeurs contre le phénomène des  »gnambros » et leurs encaissements sur les routes abidjanaises. Pour s’élever contre ce phénomène, l’intersyndicale des organisations professionnelles des transports regroupant 12 structures (Gptc, Upetc-ci, Actc, Cngrci, Synacta-ci, Cscp-ci, Gscga-ci, Srptcmvci, Upetca, Gie Djiguisso, Beat-ci) a décidé d’entamer une grève d’une semaine des taxis compteurs et minibus Gbakas du 26 août au30 août prochain sur toute l’entendue du district d’Abidjan. Les « Gnambros » dans le sens littéral du terme sont ces jeunes vagabonds qui récoltent les fonds sur les gares routières sans qu’on ne sache les destinations avec la vente des tickets syndicaux. Une pratique d’extorsion de fonds par la menace ou l’intimidation qui permet aux gourous et à leurs hommes de mains de brasser des millions FCFA dans l’informel et la confusion la plus totale.

La milice des syndicats

Ils n’hésitent donc pas à aller jusqu’à tuer quand les chauffeurs refusent de payer le ticket dont les prix varient de 500 à 1000FCFA, en fonction des lignes ou des gares de wôrô-wôrô ou de gbakas. Mais qui sont les « Gnambro » ? Les Gnambros sont selon les diverses explications des acteurs des transports terrestres, les bras armés des syndicats qui mènent la lutte sur le terrain. Ils entretiennent un rapport de terreur avec les chauffeurs. Ces derniers font la pluie et le beau temps dans le transport. De loin, les syndicats actionnent leurs sbires que sont les  »gnambros » pour faire payer des taxes parallèles aux chauffeurs de gbakas, taxis et autres véhicules de transport. Face à cette situation, des conducteurs de minicars et taxis communaux bravent quelquefois la mort pour protester contre leur « racket abusif » sur les lieux d’embarquement. Ce qui entraîne, souvent, des bagarres généralisées, troublant, durant plusieurs heures, la circulation dans la plupart des communes d’Abidjan. «Les frais de chargement imposés par les  »syndicalistes » ne sont rien d’autre qu’un racket abusif. Puisque nous payons déjà les tickets quotidiens émis par les syndicats, dont nous ignorons d’ailleurs la destination. Il est inadmissible qu’on nous fasse encore payer d’autres droits de chargement », s’est insurgé Diaby Mamadou, un conducteur de wôrô-wôrô desservant la ligne Abobo Derrière-rails, tout en dénonçant des « actes récurrents de violence » dont ils sont victimes de la part des « syndicalistes ». En effet, les chauffeurs récalcitrants s’exposent dans un premier temps, à un passage à tabac quand leurs véhicules ne sont pas saccagés, s’ils refusent de s’acquitter des taxes parallèles et illégales qui leurs sont imposées par les syndicats. Ces «Gnambros » peuvent immobiliser un véhicule sur la chaussée durant des minutes, créant des embouteillages parfois. « Même quand tu n’es pas affilié à leur syndicat, ils te font payer forcément », déplorent les chauffeurs de gbakas et wôrô-wôrô. Le racket des « Gnambros » et autres syndicats est aujourd’hui la gangrène du transport terrestre urbain. A titre d’exemple voici quelques données chiffrées de février 2013(en FCFA). Un mini bus ‘Gbaka’ effectue moyenne 10 voyages par jour sur la ligne Adjamé / Mosquée – Abobo/PK 18. A chaque chargement au départ à la mosquée, le minibus paye obligatoirement au minimum300fcfa. Au chargement à Abobo gare, pourPK18 le même mini bus paye au minimum300fcfa. Le voyage aller simple du même mini bus (avec les payements dans les stations intermédiaires après embarquements) donne en moyenne 1000 fcfa. Le retour exigeant le même montant de 1000fcfa, le voyage complet par mini bus ‘GBAKA ‘donne 2000 fcfa au minimum. Les 10voyages par jour pour un mimi bus, sur la ligne (Adjamé/Mosquée Abobo/PK 18) donnent la somme de 20 000fcfa.

Le partage du butin

Selon les acteurs du secteur, ce sont environ350 syndicats enregistrés à ce jour. En fait, les syndicats qui se regroupent en fédérations et en collectifs se créent à l’emporte pièce au gré des frustrations subies par les uns et les autres dans tel ou tel groupe. « Il suffit d’une incompréhension pour qu’on voit quelques éléments dresser un procès verbal d’assemblée générale et avec 50.000 FCFA, ils obtiennent leurs récépissés. Souvent même sans aucune enquête de moralité », explique des observateurs. Des leaders des syndicats ont décidé, il y a quelques années, de s’asseoir pour élaborer une charte de partage de butin. L’exemple le plus patent est la commune d’Adjamé qui abrite le QG du transport routier en Côte d’Ivoire. Dans cette commune, les syndicats de transporteurs se sont organisés par groupes et par rotation. Chaque groupe est conduit par une tête de liste qui perçoit l’argent sur une période donnée. Selon des sources syndicales, chaque Gbaka rapporte aux syndicats au moins 3.500 FCFA par jour. A charge pour le parrain de repartir la manne qui s’élèverait à plus de sept millions par jour sur l’ensemble des lignes du district. Et sur la question de la répartition du butin, on ne badine pas. La moindre erreur, le non respect peut entrainer des bagarres mortelles. Ces jeunes, appelés trivialement  »gnambros », présents dans chaque gare de la cité abidjanaise ne manquent d’ailleurs pas de sortir des machettes pour imposer leur hégémonie. La liste de morts dans les rangs de ces jeunes désœuvrés ne fait que s’allonger de jour en jour. Pis souvent en lieu et place des machettes, ce sont des armes de guerre qui sont utilisées souvent, par des chefs de syndicats, pour démontrer leur supériorité.

« Les gnambros sont les milices des syndicats »

« Les syndicats se servent d’eux pour collecter des fonds sur le terrain avec la violence physique » déplore le syndicaliste Koné, rencontré à Treichville. Pour lui, « les gnambros sont les milices des syndicats ».L’analyse du président de la Coordination nationale des gares routières, Touré Adama face aux Gnambros reste des plus acerbes. «Les Gnambros, c’est la gangrène du transport. Ce sont des individus qui travaillent pour des gens qui se font appeler des présidents de syndicats. Quoi qu’ils n’aient pas de véhicules et ne sont pas représentatifs se sont imposés sur le terrain simplement parce qu’ils ont de loubards. Les Gnambros sont la face cachée des loubards et des jeunes gens qui faisaient les vols à la tire dans les gares routières. Ils imposent des taxes aux chauffeurs. Cela veut dire qu’un gbaka qui fait la ligne Adjamé Abobo paye10 mille à 12 mille FCFA par jour à un seul individu. Et disparait dans la nature et ne viendra jamais au secours de ce chauffeur lorsque ce dernier a des problèmes. Dans notre secteur d’activité le syndicalisme est devenu une profession qui ressemble plutôt à une mafia », déplore M. Touré qui en appelle à des « décisions courageuses » de la part du politique pour mettre de l’ordre dans les gares routières. .

Comment la mafia est organisée

Pour comprendre l’histoire des  »Gnambros » selon des responsables syndicaux, il faut remonter quelques années en arrière. « Les gnambros étaient des apprentis en second. Les chauffeurs leur faisaient appel pour charger leurs véhicules. Et en contrepartie, ils leur donnaient 25 fcfa. Mais avec le temps ces jeunes gens se sont organisés pour créer des taxes et exigent désormais200 FCFA par chargement de véhicule. Puis avec le temps de tristes individus se sont infiltrés dans leurs rangs et ont installé la violence sur ceux qui refusent de leur payer les sommes réclamées. Des secrétaires généraux de syndicats ont récupéré ces jeunes gens qui étaient entre eux et les chauffeurs pour collecter à coup de machettes et gourdins de l’argents aux chauffeurs », expliquent-ils. Selon eux, ces jeunes gens ne versent pas de l’argent aux syndicats comme certains le font croire. «Les syndicats ont leurs taxes à part. Dans les lieux de chargement les syndicats vendent les tickets alors que ces derniers tendent la main au chauffeur une fois que le camion est chargé », indiquent des présidents de syndicats rencontrés à Adjamé. Les frais encaissés par les jeunes gens varient en fonction du quartier et lieu de chargement. Ainsi la « taxe » est de 200 fcfa pour les chargements à Yopougon et 500 FCFA à1000 FCFA à Adjamé pour les premiers chargements. Sans oublier le  »système de faveur » qui coûte 2 à 3000 FCFA et qui permet au chauffeur de charger à n’importe quel moment sans faire le rang en stationnement. Par jour un chauffeur de gbaka verse en moyenne 4000 FCFA dans la commune de Yopougon et 8 000 FCFA pour Adjamé. Aujourd’hui la mafia des syndicats et gnambro est bien organisée sur le terrain. Dans l’apparence de désordre. Ainsi à Adjamé Mirador, une structure a été mise place pour organiser la rotation et les gnambros sur le terrain. Dénommée, le collectif pour la réunification des syndicats transporteurs, (Corsytranci). Leur rôle principal est de mettre en place un programme de rotations des syndicats et fédérations de transporteurs et chauffeurs tout le long des mois de l’année. Aujourd’hui le Corsytranci a divisé les 350 syndicats en 58 regroupements qui ont une tête de groupe choisie selon la ‘puissance » du président. Ce dernier qui reçoit la somme du jour, la partage avec les autres membres qui constituent son regroupement. A charge pour “le parrain” de repartir la manne qui s’élèverait à plus de sept millions par jour sur l’ensemble des lignes du district. Pour bénéficier de cette manne, certains présidents n’hésitent pas à créer plusieurs syndicats qu’ils insèrent dans les autres regroupements. « Il y a des présidents qui ont 5 syndicats à eux seuls »confient des sources. Chaque syndicat a son jour où leurs éléments sont sur le terrain pour récolter et se partager les fonds générés. Des loubards sont pour la plupart recrutés pour ce sale boulot. Ce sont, selon les statistiques de l’Office de la fluidité routière, la somme de 7, 2 millions qui entrent chaque jour dans les caisses de la Corsytranci que les syndicalistes se partageraient. « Une partie de cette somme est détournée par les jeunes sur le terrain », relève une source proche de l’observatoire de la fluidité routière. La plus grande masse financière est récoltée par la commune d’Adjamé où officiellement ce sont 600 000FCFAau minimum qui sont récoltés par jour par les syndicalistes et loubars. Suivent les communes des  Yopougon, Abobo, Treichville, Koumassi, etc. « C’est au bas mot une dizaine de millions de FCFA au quotidien qui circulent dans ces transactions mafieuses dans les gares routières » confie un responsable de structure syndicale qui a requis l’anonymat. Lui a décidé de ne pas toucher à cet argent. « C’est de l’argent maudit. Tous ceux qui touchent cet argent ne font rien avec. Il suffit de voir nos devanciers qui ont empoché des centaines de millions de fcfa autrefois qui aujourd’hui ne peuvent pas se payer une tapette. C’est de l’argent maudit car ce n’est pas par gaité de cœur que les chauffeurs donnent cet argent. C’est sous la contrainte qu’ils le font », explique notre interlocuteur. Le chauffeur qui refuse de se soumettre à leur racket est bastonné, poignardé, souvent tué. Les exemples de leurs méfaits sont enregistrés tous les jours à travers le district d’Abidjan. Si la bataille est rude pour le contrôle du secteur par les principaux syndicats, c’est sûrement parce que l’argent y circule. En effet, selon des chiffres récents, le secteur rapporterait dans les caisses de l’Etat plus de300 milliards FCFA par an. C’est la preuve que le transport constitue une des mamelles de l’économie ivoirienne. Des gains pour le pays en terme de patentes, de vignettes, cartes de stationnement particulièrement importants pour l’Etat et les collectivités décentralisées telles que les districts et les communes. Mais en marge de cet apport dans les caisses de l’Etat, le secteur rapporte aussi beaucoup d’argent aux syndicats mafieux qui ont pris le secteur en otage. Malheureusement.

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