La Constitution Burkinabè En Débat

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Acculé, soupçonné, critiqué, nous croyions que l’homme allait abandonner l’idée d’une retouche opportuniste de la Constitution de son pays. Un pays qu’il a l’honneur de servir en qualité de président de la république depuis 27 ans. Nous croyions qu’il trouverait un bon pion, capable de protéger ses arrières, de lui donner des garanties d’une retraite paisible et de lui permettre « d’être au pouvoir sans l’être ». Sacré Président ! Pas question de parler maintenant de sa succession. La désignation d’un dauphin n’est pas dans son agenda. Avec toute la subtilité qu’on lui connait, Blaise Compaoré décide de sauter les verrous constitutionnels pour briguer un énième mandat.

Décidément, le président Compaoré semble être le centre de gravité de son pays et l’oxygène de la nation. Sa vocation mal dissimulée refait surface : s’éterniser  sur le trône. Visiblement, il a réussi à se convaincre qu’il est indispensable  pour le Burkina. Et les presque trois décennies de pouvoir lui semblent assez courts  pour faire « le bonheur  des gens contre leur volonté ». En fin de mandat, le chef de l’Etat burkinabè maudit le sort et défie le ciel qui fait pointer  inexorablement cette fameuse fin de règne. Il croit certainement être le seul à avoir le droit de gouverner. Seul  à avoir le privilège  d’accorder des  audiences au Palais de la République. Et pourtant, tout le monde sait que la loi fondamentale du Burkina Faso exige qu’il passe la main.

Démocrates de tous bords, qu’en dîtes-vous ? Faut-il modifier la constitution burkinabè pour légiférer une présidence à vie ?  Tout dépendant de là où l’on est et des intérêts que l’on poursuit, chacun ne peut que voir midi à sa porte. La loi fondamentale du Burkina Faso descend donc progressivement des hauteurs intellectuelles où les spécialistes du droit l’ont hissée. Elle occupe les uns et les autres, et participe, peu ou prou, à l’animation de la vie politique burkinabè. Les passes d’armes entre révisionnistes et antirévisionnistes animent l’arène publique de discours divers. Des discours alternatifs à souhait, contradictoires quelquefois, mais, à y regarder de plus près, des discours jamais dépourvus d’intérêt.

Pendant ce temps, le président de la république des « hommes intègres » peut compter sur les parlementaires. Avec le ralliement de l’ADF/RDA à sa majorité, son projet de loi a de fortes chances d’obtenir les trois quarts des voix requis pour une modification de l’article 37 sans passer par un référendum. Mais c’est sans compter avec l’opposition qui est déterminée à se battre à l’Assemblée pour obtenir l’organisation d’un référendum, à défaut d’empêcher le vote de la loi.

Au-delà de cette lutte politique, les partisans de la mouvance et de l’opposition devront éviter de fausser ce concert de voix autour de leur Constitution. Eviter un débat escamoté, étranglé et enterré. Le débat escamoté est celui qui ne va pas au bout de sa logique. Parce qu’il sacrifie l’essentiel à l’accessoire. On nage en surface. On fait dans la confusion la plus totale. Le débat étranglé est celui-là qui sombre et qui se noie. En fait, il n’y a pas, à proprement parler de débat. Il n’y a qu’un seul qui parle et qui se parle. C’est ce qui arrive quand les médias refusent, pour des intérêts inavoués, de jouer le jeu du pluralisme et de l’ouverture. C’est ce qui arrive quand la presse se complait dans la communication la plus plate. C’est ce qui arrive quand les journalistes, au lieu de rester des arbitres qui organisent le jeu, endossent soudain le maillot de l’une des équipes en compétition. Le débat enterré, enfin, c’est quand on décourage tout débat, en décourageant toutes personnes pouvant prendre part à un débat. C’est le règne du silence, un silence de cimetières.  

Aussi voudrions-nous, joindre notre cri du cœur à celui des démocrates africains  face à la clameur de tout un peuple burkinabè, surpris de devoir se mobiliser pour un sursaut patriotique. Un peuple singulier qui devra, au nom de la vérité, rappeler aux gouvernants que toute révision constitutionnelle ne peut se faire sans consensus national. La vérité, c’est que le quitus revient au peuple. Seul le peuple confère le pouvoir. Le Burkina est la patrie, le bien commun de tous les citoyens burkinabè. Ils sont des filles et fils d’une même nation. L’avenir du pays, c’est le leur. Son honneur, c’est le leur.  Attendons de voir comme ils réagiront, en cas d’un référendum.

 

Par le Dr ALEXIS GEORGES KOUNOUHO

georexk@gmail.com

 

 

 

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