Augmentation du prix de l’essence : l’ivoirien Serge Parfait DIOMAN, Expert International en Industries Pétrolières et Energie explique les raisons.

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MACRO-STRATEGIES PÉTROLIERES ET VARIABLES AFFECTANT GÉNÉRALEMENT LES PRIX DES CARBURANTS À LA POMPE

En ce qui concerne le secteur particulier de l’aval pétrolier qui entre autres regroupe les activités de fabrication telles que le raffinage, la pétrochimie, etc. d’où sont obtenus les produits finis et semi-finis à partir de la transformation du pétrole brut reçu du secteur amont pétrolier, la macro-stratégie pétrolière classe les pays en deux grands groupes bien distincts.

Nous avons le groupe de ceux qui ont fait le choix, pour des raisons diverses, de ne pas du tout disposer de raffinerie pétrolière mais plutôt d’importer les carburants.

C’est un choix certes non critiquable, car chaque pays reste souverain en matière décisionnelle, mais ce devrait pour ce faire alors être aussi un choix non comparable à celui de ceux qui ont à produire eux-mêmes toute ou partie de leurs besoins locaux en hydrocarbures consommables.

Dans ce contexte bi-stratégique où cohabitent donc ces deux grandes écoles, le prix à la pompe peut s’avérer différent et souventes fois donner lieu à du carburant vendu beaucoup moins cher dans les pays qui n’ont pas de raffineries. Mais ce n’est pas un paradoxe en tant que tel car cela se fait bien au détriment de la perte totale de la souveraineté pétrolière du pays en question.

Il est en quelque sorte dans un équilibre instable qui pourrait à tout instant lui être préjudiciable si ses partenaires sont des fournisseurs non fiables, donc susceptibles de le mettre en posture de vulnérabilité énergétique, en cas de cessation de fourniture de carburant par exemple, même s’il l’acquiert pour le moment à un bas prix pour ses stations-services.
Alors, pour disposer de carburant à un coût relativement bas, devrions-nous tous prioriser cette macro-stratégie où nous serions totalement importateurs de nos produits pétroliers ?

À mon humble avis, cela n’aurait pas de sens dans la mesure où, pour être un importateur, il est supposé au moins d’avoir un producteur en face. Autant l’être soi-même aussi, en toute ou partie selon ses capacités. Car en réalité, la perception que l’on a de la cherté du carburant reste très relative. Ce que certains trouveront cher, d’autres le trouveront abordable.

Au final, l’actualité récente des crises entre divers pays, jadis bon partenaires, est suffisamment édifiante pour se faire sa propre opinion du choix visant à être un importateur intégral de produits pétroliers. A l’opposé pour ce faire, d’autres pays s’offrent les moyens idoines de fabriquer leurs propres carburants pour affirmer leur souveraineté pétrolière.

Il est bon alors de savoir que l’assumation de la souveraineté pétrolière a un coût qu’il vaut mieux savoir apprécier à sa juste valeur, pour l’autonomie et l’indépendance qu’il apporte, et non le comparer au cas de pays important l’intégralité de leurs hydrocarbures consommables.

L’on peut déjà bien alors percevoir que l’évolution des prix à la pompe des carburants servis au consommateur final ne résulte d’aucune règle universelle que tous sommes tenus de suivre dans un élan dogmatique. Ainsi, l’exercice visant dans l’absolu à comparer les prix pratiqués d’un pays à un autre, sans réellement scruter les détails, ne peut en réalité être qu’informel en raison de la diversité des variables de calcul.
Somme toute, ces variables se classent selon deux grands mécanismes de sources exogène ou endogène selon les cas.
Par définition, les mécanismes exogènes sont les variables qui s’imposent à tous et sur lesquelles un pays, à lui tout seul n’a réellement pas de moyens d’actions.
Ce sont entre autres : les cours du pétrole brut affichés sur les places de marché internationales, les coûts liés au transport du pétrole brut et du gaz vers les pays de livraison, les charges des assurances afférentes, les cours des intrants et autres bases importées utilisés pour la transformation de ces matières premières brutes en produits finis ou semi-finis destinés à la consommation, les pandémies sanitaires, les guerres et autres conflits qui affolent les marchés, etc.

Tous ces facteurs sont hors du rayon d’actions des pays importateurs. Ils n’ont effectivement pas de moyens d’agir sur les tendances haussières ou baissières de ces variables. Ils les subissent tous donc de facto.
De ce fait, les cours du pétrole brut peuvent par exemple être sur une tendance baissière et commencer fléchir alors que les autres variables exogènes pourraient quant à elles être sur des tendances haussières. Au final, c’est le prix de vente à la pompe qui en est affecté.

Car en l’occurrence d’ailleurs, le pétrole brut n’est pas une matière que l’on sert directement à la pompe après l’avoir extrait du gisement. Il faut au préalable le transporter puis le transformer dans une raffinerie pétrolière avant d’organiser la distribution des produits obtenus jusqu’au consommateur final.
A lui tout seul donc, le prix du pétrole brut, quoiqu’important dans la matrice de fixation des prix des produits servis à la pompe, ne peut être l’unique point d’analyse et de critique objectives si l’on ne tient pas compte des autres variables. Car même s’il baisse, il peut arriver que les autres variables exogènes viennent contredire la baisse globale des prix quand ces dernières sont plutôt sur de fortes hausses qui viendront inhiber l’effet de la baisse des cours du pétrole brut.
Et c’est bien malheureusement le scénario que vit le monde entier en ce moment.
A l’opposé des variables exogènes sus mentionnées, l’on note des variables endogènes. Elles portent la stratégie de la gouvernance pétrolière propre à chaque pays souverain. Cela va ainsi de la qualité des produits fabriqués jusqu’aux taxes diverses.
Toute chose égale par ailleurs, d’un pays à un autre, la qualité des produits peut avoir une incidence sur le prix. Et même à l’intérieur d’un même pays proposant par exemple plusieurs grades d’essence ou de gasoil, lesdits prix ne sont pas les mêmes. A plus forte raison, quand il s’agira de pays proposant des grades d’essence différents, comparer les prix est simplement non utile car les qualités ne sont pas les mêmes. Or la qualité a nécessairement un coup.

Il importe pour ce faire alors de savoir que les variables endogènes sont les seules sur lesquelles les pays ont des degrés d’actions et ce, jusqu’à la limite du possible acceptable. Du fait de la crise énergétique mondiale, presque tous les pays entreprennent de ramener au minimum ces dernières.

Bon nombre de pays par exemple abandonnent temporairement les charges douanières de sorte que le carburant s’y vend finalement à un prix hors taxes de douane.
Mais quand malgré tous les efforts faits par ceux-ci sur les variables endogènes, pour réduire le prix final à la pompe sont inhibés par les variables exogènes sur lesquels ils ne peuvent agir, le consommateur est en mesure de comprendre et contribuer favorablement au paiement d’un supplément à toutes fins utiles.
Voilà pourquoi dans l’industrie pétrolière, il est commode de faire la différence entre les termes augmentation et répercussion. Certes, tous deux font référence à des hausses mais des hausses de natures différentes.
Là où une augmentation fera référence à une hausse non liée à l’activité pétrolière, comme l’ajout d’une redevance audiovisuelle sur le prix du carburant à la pompe par exemple, une répercussion sera plutôt une action visant à inviter le consommateur à une participation compréhensible quand une hausse s’impose du fait de causes induites des variables de l’activité pétrolière.

Parler donc systématiquement d’augmentation des prix des produits pétroliers pourraient quelques fois s’avérer non indiqué.
En terme de répercussion par ailleurs, il y aura à distinguer la répercussion partielle, selon que l’autorité ne propose au consommateur une partie du surcoût induit par les variables, et la répercussion intégrale, selon que l’autorité lui transfère tout le surcoût à la pompe.
Dans la sous-région, à l’exception de deux où trois pays, d’autres comme la Côte d‘Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Tchad, etc. n’appliquent que la répercussion partielle, uniquement en dernier recours et ce, quand les prix ayant été bloqués sur de nombreux mois d’affiliés appellent à un recadrage utile que les populations comprennent au regard du contexte mondial de la crise énergétique qui n’épargne aucun pays.

Auteur : La rédaction

Source : Lementor.net

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