Décès de Bédié, une semaine après.

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Déjà une semaine… Et la douleur demeure. La Côte d’Ivoire encore consternée, garde le deuil. Depuis le premier jour, des témoignages ont fusé de partout pour te rendre hommage.
Tu es parti… Sans crier gare ! Tu es parti abandonnant derrière toi le tourbillon vaporeux des volutes de tes cigares au parfum exotique de la Havane. Estampillés HKB. Comme ces bonnes cuvées à ravir tout bon œnophile. Ton melon, tes lentilles noires contre les raies du soleil de nos tropiques majestueux. Ta démarche royale semblable à celle du Bélier de Yamoussoukro au seuil du départ, dont tu fus le protégé, le dauphin. Tu étais Prince. Un homme au destin prodigieux et exceptionnel. Un homme de Paix. Et l’Hôtel de la Paix à Daoukro à jamais te sourira, à jamais ne t’oubliera.
Comment ne pas être sous le choc lorsque dans cette terrible soirée du mardi 1 août 2023, la libellule dépêchée à Daoukro pour te ramener sur les bords de la lagune Ebrié s’en est allée sans mot dire ? Et la grande angoisse ! Les craintes ! Les peurs ! De seconde en seconde. De minute en minute. Et les supputations. Jusqu’à l’annonce fatidique de la nouvelle… désarmante, assommante…
L’ancien président de la République Aimé Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA n’est plus…
C’est une page de notre histoire que tu représentais qui se tourne. Que ni toi ni nous, ne voulions tourner. Car il est si bon d’être ensemble !…
Comment ne pas être sous le choc lorsque l’on eut le privilège d’avoir été sous ton aile bienveillante ? Aimé et apprécié par le père fondateur Félix Houphouët Boigny qui m’oignit de l’onction du chef de son journal, celui [ndlr : Le Démocrate] du parti au pouvoir d’alors, tu ne m’affectionnais pas moins et entérina cette décision et accrus mes prérogatives Tu me confirmas dans mes fonctions de Rédacteur en chef et mieux encore de Directeur. A une époque où, mon autre grand-frère et toi vous jouâtes à Colin-maillard. Je ne tombai pas dans le dilemme cornélien et tu l’accueillis avec maturité comme à ton habitude. Tu ne m’en voulus point.
L’histoire de notre pays dois savoir et retenir aujourd’hui, ceci que j’ai gardé longtemps comme un secret et qui t’honore. En effet, tu nous avais, à Michel Kouamé (alors à Frat-Mat) et à moi, enjoins de ne jamais écrire sur Alassane Ouattara quoi que ce soit de dépréciatif. Dieu seul sait l’amitié et l’affection que tu portais à ton jeune frère que tu connaissais depuis de très longues années.
Tu nous fis cette recommandation ferme, en dépit des bruits des affidés, des aigrefins, des pique-bœufs et autres marionnettistes, notamment ceux du CNB (Cercle national Bédié) dont les membres bien que nommés au PDCI n’était pas moins dans un exercice solitaire d’existence en dehors du PDCI.
Ces agissements du CNB de Gnani Nda contribuèrent-ils à exacerber plus que de besoin, d’une certaine manière, le magister de HKB. Et pour cause, le Sphinx était un épicurien disciple d’Epicure de Samos, adepte de la galanterie et d’un style de commandement qui allie à la fois fermeté, élégance, courtoisie, savoir-vivre, savoir-faire et générosité.
Mais l’état d’esprit ainsi que les arrière-pensées, plutôt de mépris et de rejet des autres de la part du CNB étaient à l’antipode des valeurs cultes originelles de rassemblement, de fraternité, d’amour et de partage du PDCI, viscéralement.
Il est bien d’irriguer les consciences sur cet épisode qui n’a rien à voir avec l’esprit d’amour, de partage du PDCI des pères fondateurs et de génération en génération. Cela signifie donc que certains ont pu se tromper sur la nature réelle ainsi que le culte du divin créateur qui habitait HKB.
A preuve, la posture du grand chef, désormais chef du village Ivoire dont Ouattara fait montre, atteste bien que les deux hommes en dépit des divergences n’avaient pas moins à cœur les enseignements ainsi que la doctrine que leur père commun Houphouët Boigny leur avait légués.
C’est le chef du village qui rassemble son peuple autour de celui qui a été son aîné. Le décès le Bédié le démontre à souhait. Ce geste du Président Alassane Ouattara le prouve indéniablement.
Et je retiens de toi qui nous a quitté, cher aîné, cette noblesse des sentiments, ce respect des convictions des autres. Tu savais mon adhésion à la vision politique mise au banc des accusés par les oligarques et l’establishment de ces années prémices de la déchirure, qui mirent à mal la colonne vertébrale de notre cohésion. Aussi, l’Eléphant fut-il atteint et ses barrissements inondèrent-ils la savane jadis prospère et en paix.
Et lorsque des aigrefins s’en prirent à moi à cause de mon engagement et de mon attachement à cet autre fils d’Houphouët qui sauva le sage de Yamoussoukro de la honte et le pays de la banqueroute, tu te montras juste et équitable comme Salomon. La vérité est infalsifiable.
Tu me promus à la fois Directeur des relations extérieures et conseiller technique du temps la ministre Boni Claverie lorsqu’elle tenait les commandes du Ministère de la Communication. J’eus droit aux privilèges de la fonction, véhicules et autres bonifications. Et comme cerise sur le gâteau, ma mère, ma génitrice se vit offrir le Hadj.
Je fus marqué par cette générosité et je n’eus de cesse, dès lors, de travailler au rapprochement entre toi et ton petit frère que tu connais mieux que quiconque pour l’avoir accueilli en terre américaine où tu fus ambassadeur jeune encore à 26 ans !
Le Seigneur souverain des mondes nous exauça, après les années de fortes turbulences. Et naquit l’alliance des enfants spirituels d’Houphouët, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix.
Cette alliance vous permit de revenir aux affaires, petit frère et grand-frère main dans la main. Jusqu’à ce que les humeurs et paradoxes de la vie vous mettent à, nouveau dos à dos.
Et là encore je n’ai pu me convaincre que le dépit durerait. Il n’aurait pas duré. Certes que non ! Si la faucheuse ne s’en était mêlée.
Et pour preuve, le petit frère toute affaire cessante est accouru tenir la main d’Henriette inconsolable aux côtés de Dominique toute attristée.
En ces instants, je refuse le nihilisme de Sénèque qui disait qu’ « après la mort, il n’y a rien, et la mort elle-même n’est rien ».
Je crois que le Sphinx comme le Phoenix renaitra de ses cendres…
Et comme dans l’épître aux Corinthiens, je m’écrie avec foi : « Ô mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon? » 1Cor 15 :55
Car je suis convaincu, comme mes frères musulmans, que : « Toute créature vivante doit goûter à la mort. Nous vous éprouvons par la tentation du mal et du bien et c’est à Nous que vous serez retournés » (Sourate 21, verset 35).
Oui, je crois, comme Claude de Saint-Martin que « Dans la graine, la vie est cachée dans la mort ; dans le fruit, la mort est cachée dans la vie ».
Et que par-dessus tout, « Il n’appartient à aucun être vivant de mourir qu’avec la permission de Dieu selon un délai écrit fixé à l’avance ». (Sourate 3, verset 145).
Tu as été aussi un grand mécène des arts et de notre culture. Ceux qui savent, savent. Le Gnoantré national et tout l’aéropage de nos hommes de culture est là. Ils chantent et dansent.
Et effleurent ma mémoire ces vers de Birago Diop le poète :
« Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts. »
Alors je me console, à la pensée que tu te retrouves parmi les immortels. Sur cet Olympe où les ancêtres sont réunis pour veiller sur la Côte d’Ivoire. Tu retrouves les pionniers et tous ceux qui nous ont devancés dans ce village où jamais la joie ne tarit, où jamais la guerre ne sévit, où seul l’amour loue Dieu dans sa magnificence. Je me console car je sais qu’il va encore pleuvoir à la bonne saison. N’Zuéba…
De toi grand-frère, Président Henri Konan Bédié, je garde et garderai le meilleur.
Requiescat in pace.

BAMBA Alex Souleymane
Journaliste professionnel
PDG des Editions Dunuya Communication
Expert consultant en Stratégies,
En Hautes Etudes Internationales
et des Civilisations
Juriste / Conseils
Chevalier de l’Ordre national (2006)
Officier de l’Ordre du mérite ivoirien (2001)
Commandeur dans l’ordre sportif (2010)

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