Treize ans après le lancement de son enquête en Côte d’Ivoire, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé la fermeture de son antenne abidjanaise d’ici à la mi-2025. Cette décision, officialisée le mercredi 18 septembre 2024, marque un tournant décisif, alors que la mission de la CPI dans le pays reste inachevée. L’institution a justifié son retrait par des contraintes budgétaires et un « appui opérationnel limité », jugeant que sa présence sur le terrain n’était plus nécessaire. Toutefois, le départ de la CPI ne signifie pas l’abandon de l’enquête sur les crimes perpétrés durant les conflits armés en Côte d’Ivoire, notamment la crise post-électorale de 2010-2011, mais de nombreux observateurs s’inquiètent des conséquences de cette décision.
Selon Lacina Kanté, président de la Confédération des organisations des victimes des crises ivoiriennes (Covici), cette fermeture est « un coup dur ». Les victimes de la crise, qui ont déjà attendu plus d’une décennie pour obtenir justice, redoutent que ce départ soit un signe d’abandon de leurs dossiers. Avec plus de 3 000 morts en 2011, « ce n’est pas dans un seul camp » que les crimes ont été commis, souligne Eric Semien, président de l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme, dénonçant une « justice à deux vitesses ».
Le gouvernement ivoirien, de son côté, salue la fermeture de ce bureau, estimant que les institutions judiciaires nationales sont désormais capables de traiter ces affaires. Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement, a déclaré que « la fermeture du bureau de la CPI montre bien que nos juridictions nationales marchent bien et ont pris la place ».
Si la justice ivoirienne a effectivement jugé et condamné certains acteurs du conflit, beaucoup de figures importantes, notamment des proches de l’actuel président Alassane Ouattara, n’ont pas été poursuivies. L’amnistie décrétée en 2018, au nom de la réconciliation nationale, a également permis à plusieurs responsables des deux camps d’échapper aux poursuites judiciaires.
La fermeture de l’antenne de la CPI en Côte d’Ivoire soulève ainsi des interrogations quant à l’avenir de la justice pour les milliers de victimes de la guerre civile. Le président Ouattara avait promis en 2015 que « personne n’ira à la CPI ». Une promesse qui semble aujourd’hui se confirmer, laissant les victimes dans l’attente de réponses et de réparations.
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