Par Dohtani Yeo
Le 16 avril 2025 restera une date marquante dans l’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire. Réuni en convention extraordinaire à Daoukro, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) a officiellement désigné Tidjane Thiam comme son candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain. Un choix qui, s’il marque une nouvelle étape dans le retour de l’ex-ministre et banquier international sur la scène nationale, n’a pas mis fin aux tensions internes qui minent le plus vieux parti du pays.
Malgré un discours d’investiture volontariste, axé sur la réconciliation, la refondation économique et la transparence, Tidjane Thiam doit désormais composer avec des remous post-conventionnels. Plusieurs cadres historiques du parti, dont certains membres influents du bureau politique, ont publiquement exprimé leur désaccord sur la manière dont le processus d’investiture a été conduit. Certains parlent d’un « simulacre de démocratie », d’autres évoquent des « irrégularités flagrantes dans les votes délégués ».
Selon des informations recoupées, une saisine en justice pourrait intervenir d’ici la mi-mai. L’objectif affiché serait l’annulation de la convention pour vices de procédure et la reprise du processus de désignation du candidat. Des juristes proches du parti auraient été sollicités pour constituer un dossier solide, tandis qu’un collectif d’adhérents dissidents, baptisé « PDCI pour tous », multiplie les communiqués dénonçant une « confiscation du parti par une élite parachutée ».
Face à cette fronde, la direction du PDCI-RDA tente de maintenir l’unité. Le président par intérim, Maurice Kakou Guikahué, a rappelé que « l’heure n’est plus aux querelles intestines mais à la mobilisation pour la victoire en octobre ». Il a invité les contestataires à faire preuve de discipline militante, en se référant aux instances internes du parti plutôt qu’aux juridictions civiles.
Au-delà des querelles d’appareil, cette situation soulève une interrogation plus profonde sur l’identité du PDCI-RDA à l’ère post-Houphouët-Boigny. Le parti, longtemps perçu comme garant de la stabilité institutionnelle, est aujourd’hui divisé entre une aile conservatrice attachée aux figures historiques et une génération modernisatrice incarnée par Tidjane Thiam. Ce dernier, fort de son image technocratique et internationale, ambitionne de donner au parti un souffle nouveau, quitte à bousculer les équilibres établis.
À six mois du scrutin présidentiel, ces dissensions pourraient affecter la campagne et affaiblir la cohésion de l’opposition. D’autant plus que le contexte national reste marqué par une forte demande sociale, une jeunesse en quête d’avenir et une opinion publique exigeante envers les élites politiques.
Tidjane Thiam, désormais investi, devra rapidement convaincre au-delà de son cercle de fidèles. Son leadership sera jugé non seulement à sa capacité à affronter ses adversaires externes, mais aussi à rassembler une maison politique en reconstruction.
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