Par Bakary Cisse
La Côte d’Ivoire a fait un choix clair, déterminé, presque vital : celui de l’éducation. Depuis plusieurs années, et de manière encore plus marquée depuis 2022, le pays a engagé une course de fond pour refonder son système éducatif. Une course ambitieuse, parfois chaotique, mais animée d’une volonté politique qui ne faiblit pas.
Les chiffres traduisent ce mouvement profond. Entre 2022 et 2024, 1 010 salles de classe ont été construites dans les collèges de proximité, soit une moyenne impressionnante de 42 salles par mois. Durant la seule année scolaire 2022-2023, 91 nouveaux collèges, 517 écoles primaires et 227 écoles préscolaires ont vu le jour. Pour 2024-2025, l’effort se poursuit avec 79 collèges, 279 écoles primaires et 118 préscolaires supplémentaires.
À l’horizon 2027, l’objectif fixé est colossal : 8 895 nouvelles salles de classe et 277 nouveaux collèges. Une dynamique qui s’inscrit dans un impératif : réduire les distances et réparer les inégalités régionales historiques. Aujourd’hui, 90 % des élèves ruraux vivent à moins de 3 km d’une école, un progrès incontestable.
Mais la vision va bien au-delà du béton. Le budget de l’éducation a atteint un niveau historique en 2024, avec 1 236 milliards de FCFA alloués, reflétant une priorité nationale affirmée. Cet investissement s’accompagne de programmes concrets : 50 millions de kits scolaires gratuits distribués depuis 2011, un coût total de 130 milliards FCFA, 15,7 milliards FCFA consacrés aux lycées d’excellence pour les filles, et 217 milliards FCFA injectés dans les écoles techniques et professionnelles.
La transformation se veut aussi structurelle. La scolarité obligatoire de 6 à 16 ans, instaurée en 2015, a permis une hausse significative de la scolarisation. La stratégie de digitalisation 2024-2028, dotée de 229,8 milliards FCFA, vise à moderniser le système, à introduire les technologies éducatives et à préparer les élèves à un monde numérique.
Des initiatives novatrices comme l’École de la Deuxième Chance, les cantines scolaires déployées à grande échelle (5 332 en 2024) ou la suppression des cotisations scolaires renforcent l’inclusion et la rétention des enfants les plus vulnérables. La lutte contre la fraude aux examens se digitalise, illustrant une approche de plus en plus intégrée.
Pourtant, malgré cette avancée spectaculaire, des défis majeurs subsistent. Le taux d’analphabétisme des adultes reste alarmant, à environ 47 % en 2024, freinant le développement global. La pression démographique continue d’exercer une tension sur les infrastructures. Mais c’est surtout la structure du budget éducatif qui interroge : 98 % des ressources sont absorbées par les salaires du personnel, ne laissant que des miettes pour l’entretien, l’équipement ou l’innovation pédagogique. Une contrainte budgétaire lourde, qui limite l’impact réel des investissements.
Heureusement, la Côte d’Ivoire n’est pas seule dans ce combat. Des partenaires internationaux comme l’UNESCO, le Partenariat Mondial pour l’Éducation ou le programme KIX Afrique 21 appuient les efforts nationaux. Ils apportent financements, expertise et soutien technique, notamment sur des projets en faveur de l’éducation des filles, de la recherche pédagogique, et de la formation des enseignants.
L’éducation ivoirienne est donc en chantier – un chantier titanesque, mais porteur d’espoir. Les briques sont posées, les réformes sont engagées, les intentions sont claires. Reste maintenant à franchir l’étape la plus complexe : transformer l’accès en qualité, l’école en tremplin, l’infrastructure en ascenseur social.
L’avenir des enfants ivoiriens n’attend pas. Et si le pari est risqué, il est aussi profondément juste. Le pays a choisi d’investir dans son capital humain. Il lui appartient désormais de faire de cette ambition une réalité durable.
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