Par Dohotani Yeo
À un peu plus de trois mois de l’élection présidentielle prévue pour le 31 octobre 2025, le climat politique à Abidjan se tend autour d’une question sensible : faut-il ou non impliquer davantage la communauté internationale dans le processus électoral ivoirien ? Des voix se sont récemment élevées, notamment dans certains milieux de la société civile et de l’opposition, pour plaider en faveur d’un accompagnement plus marqué des partenaires étrangers. Ces appels, justifiés par la nécessité d’un scrutin transparent et apaisé, provoquent toutefois des réactions contrastées dans la sphère politique.
Pour les partisans de cette implication renforcée, il ne s’agit pas d’une mise sous tutelle du processus électoral, mais d’un gage de crédibilité et de sérénité. Ils estiment que l’histoire récente du pays, marquée par des crises post-électorales à répétition, justifie l’instauration de mécanismes de veille neutres, notamment via des missions d’observation, des médiations diplomatiques et un appui technique à la Commission électorale indépendante (CEI). Ces acteurs soutiennent que la présence internationale pourrait aider à désamorcer les tensions, garantir une égalité de traitement entre candidats, et prévenir toute dérive susceptible de compromettre la paix sociale.
En face, le camp présidentiel et plusieurs figures influentes du pouvoir rejettent avec fermeté ces suggestions. Selon eux, la Côte d’Ivoire dispose aujourd’hui d’institutions suffisamment solides pour organiser seule une élection crédible. Ils brandissent l’argument de la souveraineté nationale et rappellent que les scrutins récents, bien que contestés, ont permis des alternances et des progrès démocratiques notables. Toute tentative d’ingérence, selon ces responsables, pourrait être perçue comme une remise en cause de la capacité des Ivoiriens à régler leurs affaires par eux-mêmes.
Ce débat n’est pas nouveau, mais il résonne cette année avec une acuité particulière dans un contexte où la confiance entre les différents acteurs politiques reste fragile. Si les grandes formations ont pour l’instant confirmé leur participation au scrutin, les questions relatives à l’indépendance de la CEI, à la sécurisation du vote, à l’accès équitable aux médias publics et à l’audit du fichier électoral continuent d’alimenter les discussions.
Le gouvernement, de son côté, affiche sa volonté d’organiser une élection pacifique, mais reste prudent quant à l’ouverture d’un rôle plus large pour les observateurs étrangers. Quant à la communauté internationale, elle se veut pour l’instant discrète, même si des missions techniques de l’Union africaine, de la CEDEAO ou des Nations Unies pourraient être annoncées dans les semaines à venir.
Dans ce climat tendu mais encore contrôlé, la ligne de fracture entre partisans d’un encadrement international renforcé et défenseurs d’un processus exclusivement national reflète un débat plus large sur la maturité démocratique du pays. À l’approche d’un scrutin à fort enjeu, l’enjeu fondamental reste le même : préserver la paix, garantir l’expression du suffrage, et renforcer la confiance des citoyens dans les urnes. La manière d’y parvenir, en revanche, divise profondément.
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