par CB | lementor.net
La déclaration de candidature d’Ahoua Don Mello à l’élection présidentielle d’octobre 2025 constitue bien plus qu’un simple positionnement individuel : c’est une secousse stratégique qui met à nu les fractures internes du PPA-CI et questionne, en profondeur, la capacité de la principale formation d’opposition souverainiste à s’adapter à un contexte électoral verrouillé. Révoqué de ses fonctions de vice-président du parti pour « trahison », l’ancien ministre de l’Équipement de Laurent Gbagbo et figure intellectuelle du courant panafricaniste n’a pas reculé. Au contraire, il avance désormais à visage découvert : celui d’un homme convaincu que l’impasse actuelle ne peut être surmontée que par une rupture assumée.
Cette rupture ne se lit pas uniquement comme un acte d’indiscipline ou une ambition personnelle. Elle traduit un malaise plus profond, nourri par l’indécision stratégique du PPA-CI face à l’exclusion persistante de Laurent Gbagbo des listes électorales. Depuis plusieurs mois, le parti campe sur une posture de principe : seul le fondateur incarne la légitimité. Pourtant, à deux mois du scrutin, cette position s’effrite face au réalisme du calendrier et au silence de la CEI. Aucun plan de relève n’a été annoncé, aucun profil de substitution ne semble émerger, et le spectre d’un boycott — déjà évoqué en 2020 — refait discrètement surface.
C’est dans cette brèche qu’Ahoua Don Mello s’engouffre, non pas en concurrent frontal de Gbagbo, mais en solution par défaut, assumée et articulée autour d’un discours cohérent. Il parle d’« éviter la politique de la chaise vide », de « candidature de précaution », mais aussi de souveraineté africaine dans un monde en bascule géopolitique. Sa proximité avec les BRICS, son expérience continentale et son discours structuré sur la reconfiguration mondiale lui donnent une assise intellectuelle que peu de figures de l’opposition revendiquent avec autant de clarté. Sa démarche repose sur une idée simple mais percutante : ne pas participer, c’est consentir.
Face à lui, la direction du PPA-CI choisit la ligne dure. La révocation signée par Laurent Gbagbo le 31 juillet, moins de vingt-quatre heures après la déclaration de candidature, ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Le parti défend son unité, sa discipline interne et son attachement à la figure centrale de son fondateur. Mais en écartant Don Mello sans proposer d’alternative crédible en cas de rejet définitif de Gbagbo, le parti prend le risque d’apparaître figé, enfermé dans une fidélité qui, à défaut d’être convertie en stratégie électorale, pourrait devenir un piège.
La manœuvre de Don Mello, si elle est politiquement osée, résonne aussi comme un miroir tendu au PPA-CI : que faire lorsque le régime verrouille le jeu, que l’arbitre électoral demeure sourd aux contestations, et que le principal leader de l’opposition est frappé d’inéligibilité ? Attendre un miracle institutionnel ou oser une recomposition politique interne ? Pour l’heure, le parti a tranché en sanctionnant. Mais il ne répond pas à la question essentielle : que faire si la candidature de Gbagbo reste invalidée ?
La candidature de Don Mello est donc bien plus qu’une dissidence. Elle oblige à penser l’après-Gbagbo non comme une trahison, mais comme une nécessité. Elle oblige à penser l’opposition non comme une posture mémorielle, mais comme une force d’alternance réelle. Et elle oblige, surtout, à reconsidérer la démocratie ivoirienne non plus comme une arène figée entre deux camps historiques, mais comme un espace où l’intelligence politique doit primer sur la loyauté émotionnelle.
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