La Rédaction | lementor.net
À l’approche du 7 août 2025, date hautement symbolique marquant les 65 ans de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le pays s’apprête à organiser une commémoration d’envergure nationale et diplomatique à Bouaké, deuxième ville du pays. Cette édition se distingue par l’intensité de la préparation logistique, mais aussi par la dimension politique et géostratégique qu’elle semble assumer ouvertement. Pour l’occasion, le président Alassane Ouattara accueillera trois chefs d’État ou anciens présidents de poids : Brice Oligui Nguema (Gabon), Mamadi Doumbouya (Guinée) et John Dramani Mahama (Ghana). Leur présence annoncée renforce la portée régionale de cette fête, qui dépasse cette année la simple commémoration nationale.
Les autorités ivoiriennes ont fait de Bouaké un centre stratégique de cette célébration. C’est un signal politique fort : organiser l’événement dans cette ville à la fois économiquement dynamique et politiquement sensible permet de projeter une image d’unité territoriale maîtrisée. Depuis plusieurs semaines, les préparatifs battent leur plein. Décorations, mobilisations citoyennes, répétitions militaires et animations culturelles rythment le quotidien des habitants, avec l’implication directe des préfets et chefs locaux.
Deux moments structureront le calendrier des festivités. D’abord, la retraite aux flambeaux du 6 août, conçue comme un acte civique d’unité, puis le défilé militaire du 7 août, qui réunira près de 5 000 militaires et paramilitaires, plus de 500 véhicules blindés et engins spéciaux, dans une démonstration de force placée sous le thème « Forces de défense et de sécurité, gardiennes de la paix et de l’espérance ». C’est à la fois une vitrine de la réforme des Forces Armées de Côte d’Ivoire (FACI) et un message de stabilité adressé à l’intérieur comme à l’extérieur.
Mais l’attention se tourne désormais vers la dimension diplomatique de l’événement. La confirmation attendue de Brice Oligui Nguema, président de la transition gabonaise, Mamadi Doumbouya, président de la transition guinéenne, et John Dramani Mahama, ancien président du Ghana, donne à la cérémonie une stature régionale inédite. Le choix de ces figures n’est pas neutre : il s’agit de trois hommes aux trajectoires distinctes, mais influentes, symboles de transitions, d’équilibres ou de stabilité. En les accueillant à Bouaké, la Côte d’Ivoire réaffirme sa position de pivot diplomatique ouest-africain, à mi-chemin entre stabilité institutionnelle et dialogue avec les régimes de transition militaire.
La diplomatie ivoirienne y voit une opportunité de réaffirmer son leadership régional, tout en misant sur des alliances pragmatiques, hors des canons traditionnels. En effet, si la présence de partenaires classiques (France, États-Unis, Maroc) au défilé est déjà actée sur le plan militaire, le signal envoyé par la présence de chefs d’État africains en pleine recomposition politique renforce le message d’ouverture, de souveraineté et d’équilibre.
Dans un contexte pré-électoral, alors que l’opinion publique s’interroge sur les équilibres démocratiques du pays, la fête du 7 août est aussi un outil politique. Elle permet au pouvoir de projeter une image d’ordre, de continuité et de maîtrise du territoire. Mais au-delà de la mise en scène, ce sont les gestes, les symboles, et les présences diplomatiques qui donneront à cette 65ᵉ édition son poids historique. En réunissant à Bouaké militaires, peuples, diplomates et chefs d’État, la Côte d’Ivoire ne commémore pas seulement son passé : elle affirme une certaine idée de son avenir sur la scène africaine.
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