Par Bakary Cissé | Lementor.net
À la conférence Africa Down Under (ADU) 2025, tenue du 3 au 5 septembre à Perth en Australie, la Côte d’Ivoire s’est imposée comme l’une des étoiles montantes du secteur minier mondial. Ce rendez-vous, considéré comme la vitrine des opportunités africaines dans les ressources naturelles, a consacré le pays ouest-africain comme une destination incontournable pour les investisseurs, au point de rivaliser avec des poids lourds traditionnels tels que le Canada et l’Australie.
Désormais classée parmi les cinq plus grands producteurs d’or du continent, aux côtés de l’Afrique du Sud, du Ghana et du Mali, la Côte d’Ivoire redéfinit l’équilibre de l’industrie aurifère africaine. Cette ascension est le fruit d’une stratégie volontaire de diversification économique engagée depuis plusieurs années, visant à réduire la dépendance historique au cacao et à positionner le pays dans les chaînes de valeur mondiales.
Lors de la session consacrée à la Côte d’Ivoire, Seydou Coulibaly, directeur général des Mines et de la Géologie, a captivé l’auditoire en exposant les performances du pays. La production d’or, passée de 32,6 tonnes en 2019 à 48 tonnes en 2022, devrait atteindre 52 tonnes en 2024 grâce à l’entrée en production des mines de Séguéla et Lafigué. Le nombre de permis d’exploration illustre également cette dynamique : de vingt il y a dix ans, ils dépassent aujourd’hui deux cents, signe d’une ouverture affirmée au secteur privé. Adam Oehlman, représentant d’African Gold, a même qualifié la Côte d’Ivoire de « meilleur endroit au monde pour construire une mine d’or », citant le projet Didievi qui a révélé un million d’onces en moins d’un an.
Mais la stratégie ivoirienne ne s’arrête pas à l’or. Le pays mise aussi sur des ressources stratégiques. La production de manganèse, qui atteignait 800 000 tonnes en 2022, vise le seuil d’un million de tonnes dès 2025. Quant au nickel, dopé par la demande mondiale de batteries électriques, la mine de Sipilou devrait porter la production nationale à près de trois millions de tonnes en 2025. Cette diversification, soutenue par des infrastructures modernisées et une stabilité politique renforcée depuis les réformes de 2011, conforte l’image d’une Côte d’Ivoire désormais incontournable dans le paysage minier international.
Le succès ivoirien tient aussi à la qualité de son cadre réglementaire. À Perth, le pays a été désigné « meilleure juridiction » pour l’investissement aurifère, grâce à une combinaison d’incitations fiscales, de procédures simplifiées et d’un positionnement géographique stratégique. Alors que des géants comme le Canada et l’Australie affrontent des contraintes environnementales et réglementaires croissantes, Abidjan a su mettre en avant un modèle conciliant attractivité et responsabilité. La révision récente du code minier, qui a doublé la redevance sur l’or de 3 % à 6 %, s’accompagne de mesures de transparence et de garanties de durabilité qui renforcent la confiance des investisseurs et des communautés locales.
Selon le FMI, la croissance ivoirienne devrait atteindre 6 % en 2025, tirée en grande partie par un boom minier évalué à 13,9 % en 2024. Ce dynamisme attire les grandes compagnies internationales telles que Perseus Mining et Endeavour Mining, venues chercher à la fois des gisements prometteurs et un environnement politique jugé stable.
Il reste néanmoins des défis. L’élection présidentielle d’octobre 2025 constituera un test de continuité pour cette stabilité, tandis que la gestion des impacts environnementaux et sociaux s’annonce décisive pour maintenir l’équilibre entre expansion économique et acceptabilité locale. La réussite de l’industrie minière ivoirienne dépendra de sa capacité à conjuguer performance et responsabilité.
En s’imposant à l’ADU 2025, la Côte d’Ivoire n’a pas seulement confirmé son statut d’acteur émergent : elle a redessiné les contours de l’industrie aurifère mondiale. En défiant les géants établis et en plaçant l’Afrique de l’Ouest au cœur de la transition énergétique, le pays envoie un message clair : l’avenir de l’or et des minerais stratégiques s’écrit désormais en partie sur son sol. Ce succès constitue un prélude à une transformation profonde de l’économie ivoirienne et pourrait inspirer d’autres nations africaines à suivre cette trajectoire.
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