Par | Adama Ouédraogo Damiss Lementor.net
Le président syrien Ahmed al-Charaa a été reçu avec les honneurs au Kremlin par Vladimir Poutine, le 15 octobre 2025. Les images sont claires : accolades, tapis rouge, symboles d’une alliance politique assumée. Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, lorsque le même président syrien avait été reçu à l’Élysée, le 7 mai 2025, par Emmanuel Macron, que n’a-t-on pas entendu dans les pays de l’AES ! Des cris d’indignation, des accusations d’hypocrisie et des torrents de colère contre la France, « patrie du néocolonialisme », « alliée des terroristes », disaient certains.
Mais aujourd’hui, silence radio. Pas un mot, pas une critique. Parce que cette fois, c’est « le camarade Poutine », l’ami de Moscou, qui déroule le tapis rouge au même « terroriste syrien ».
L’épisode est révélateur d’une grande leçon de géopolitique : les nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts. La Russie, comme la France, comme la Chine ou les États-Unis, agit d’abord pour elle-même, selon ses calculs, ses ambitions, ses besoins stratégiques. Les discours moralisateurs ou les émotions populaires n’y changent rien.
Pendant que les grandes puissances avancent leurs pions, le Sahel, lui, s’enferme dans des postures idéologiques et des réactions épidermiques. Ici, la politique se résume à vilipender Paris, à glorifier Moscou, à répéter les slogans creux de la « souveraineté retrouvée ». Mais pendant ce temps, les attaques se multiplient, les enlèvements se banalisent, les économies s’effondrent et les peuples s’appauvrissent.
L’émotion n’a jamais bâti un État. La propagande ne remplace pas la diplomatie. Et le patriotisme de façade ne sauvera pas nos nations du naufrage.
La vraie souveraineté, c’est la capacité à dialoguer avec tous, à choisir ce qui sert le pays, pas ce qui flatte la foule.
Ce que Poutine rappelle aujourd’hui, sans le dire, c’est que lui aussi fait de la realpolitik. Qu’il reçoit Ahmad Al-Charaa non pas par amour ou compassion, mais parce que la Syrie lui offre un port, une base, une influence dans la région. Pendant que nous, au Sahel, nous confondons encore les amitiés de circonstance avec les alliances stratégiques.
Il serait peut-être temps de grandir politiquement. De comprendre que le monde ne tourne pas autour de la France. Et que la dignité d’un État ne se mesure pas à la violence de ses discours, mais à la cohérence de ses choix.
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