Par la Rédaction | lementor.net
Le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), déjà fragilisé par sa mise à l’écart de la présidentielle du 25 octobre 2025, traverse une zone de turbulences internes. Les récentes nominations annoncées le 31 octobre par le président du parti, Tidjane Thiam, ont révélé en filigrane une ligne de fracture politique entre le nouveau leadership moderniste et une frange plus traditionaliste incarnée par le Dr Emmou Sylvestre, désormais conseiller spécial du président après avoir été vice-président et Secrétaire exécutif.
Un remaniement interne qui en dit long
Le communiqué officiel du PDCI-RDA, publié le 31 octobre 2025, a bouleversé la hiérarchie du parti. Yapo Yapo Calice devient le nouveau Secrétaire exécutif en chef, en remplacement d’Emmou Sylvestre, promu conseiller spécial du président.
Derrière ce simple jeu d’organigramme se cache un message politique fort : Tidjane Thiam reprend la main sur l’appareil du parti, imposant une direction plus technocratique, resserrée autour de ses fidèles.
Les nominations de Kabran Gnankon Estelle, Amanhou Jean Michel, Yavo François et Djedri Ngoran, toutes marquées par un souci de rajeunissement et de professionnalisation, confirment cette volonté de restructuration. Cependant, selon plusieurs sources internes, le repositionnement du Dr Emmou Sylvestre aurait été précipité après un désaccord stratégique profond autour de la ligne électorale du parti, notamment sur la question du positionnement du PDCI face à la présidentielle.
Un désaccord sur la stratégie présidentielle : la tentation d’un “plan ouvert”
Contrairement à certaines rumeurs, le Dr Emmou Sylvestre n’était pas opposé à un soutien officieux à Ahoua Don Mello, candidat du MGC. Selon des indiscrétions internes, il voyait dans cette option une manière pour le PDCI de ne pas rester spectateur d’une élection verrouillée. Pour lui, le parti devait être présent dans le scrutin coûte que coûte, peu importe la bannière ou le candidat, afin de préserver sa visibilité et son influence politique.
Une position aux antipodes de celle défendue par Tidjane Thiam et son cercle rapproché, pour qui le parti devait rester cohérent et discipliné autour d’un principe clair : le seul et unique candidat du PDCI est Tidjane Thiam. Pour le président du parti, toute alternative — qu’elle soit tactique ou symbolique — risquait de brouiller le message politique et de fragiliser son autorité.
Ce désaccord de fond a cristallisé deux visions : celle d’un Emmou pragmatique et inquiet d’un effacement du parti, et celle d’un Thiam déterminé à construire un leadership fort et exclusif. Les échanges internes se sont durcis à mesure que la ligne officielle de boycott s’imposait, tandis que l’élection se déroulait sans le PDCI ni le PPA-CI.
Le message de Thiam : recentrer, recadrer, restaurer l’autorité
Le message adressé aux militants par Tidjane Thiam le 1er novembre, dans lequel il affirme que « l’indiscipline et la trahison n’auront plus leur place dans notre parti », sonne comme un avertissement direct. En évoquant la “fin d’une période”, il marque la clôture d’une séquence d’ambiguïtés stratégiques et réaffirme son autorité sur la direction du PDCI.
Le ton, ferme et assumé, traduit la volonté du leader d’imposer une ligne unifiée et centralisée : le PDCI doit parler d’une seule voix et incarner la discipline politique dans l’opposition.
Ce message, cependant, ne semble pas avoir trouvé un écho favorable auprès du Dr Emmou, qui, selon plusieurs sources internes, ne digère pas la facilité avec laquelle le candidat du RHDP a été réélu. Pour lui, le parti aurait dû affronter le pouvoir dans les urnes, quitte à perdre, plutôt que de rester en retrait. Cette différence de lecture sur la stratégie électorale reste l’une des causes principales de la tension actuelle entre les deux hommes.
Emmou Sylvestre : loyauté affichée, amertume contenue
Sur les réseaux sociaux, le Dr Emmou Sylvestre a réagi avec élégance. Dans un message empreint de retenue, il remercie le président Thiam pour la confiance renouvelée et félicite son successeur, Yapo Calice, tout en appelant à l’unité.
Mais cette apparente sérénité dissimule mal la frustration d’une frange du parti qui estime avoir été marginalisée au profit du “clan Thiam”.
Des voix internes parlent d’une “mise à l’écart diplomatique” : conseiller spécial, certes, mais éloigné des rouages décisionnels du Secrétariat exécutif. L’équilibre entre la reconnaissance institutionnelle et la perte d’influence réelle semble au cœur du malaise.
Un parti en recomposition avant les législatives
Le contexte de ces tensions est lourd de conséquences. Le PDCI-RDA, qui s’apprête à participer aux législatives après avoir boycotté la présidentielle, doit redéfinir sa stratégie. Le tandem Thiam–Emmou incarnait jusqu’ici la synthèse entre vision moderniste et enracinement militant. Leur désaccord public, même feutré, fragilise cette cohésion à un moment où le parti a besoin d’unité pour reconstruire son électorat.
En toile de fond, se pose la question du positionnement politique du PDCI : comment rester fidèle à son héritage tout en rompant avec une opposition symbolique devenue stérile ?
Tidjane Thiam semble vouloir un parti de conquête, plus jeune, plus efficace. Emmou Sylvestre, lui, plaide pour une ligne de résistance et de principe. Entre les deux, une génération militante déboussolée observe, inquiète.
Une fracture révélatrice d’un moment charnière
La “fracture Emmou–Thiam” dépasse le simple cadre d’un désaccord personnel. Elle symbolise le virage idéologique du PDCI à l’aube de 2026 : passer d’un parti historique à une organisation d’opposition moderne, plus technocratique que militante.
Ce tournant est risqué. Mal maîtrisé, il pourrait amplifier les divisions internes. Réussi, il marquerait la véritable refondation du PDCI autour du leadership incontesté de Tidjane Thiam.
Une chose est sûre : à deux mois des législatives, le PDCI se trouve à un carrefour crucial. Et la capacité de Tidjane Thiam à maintenir le cap, tout en apaisant les tensions avec des figures comme Emmou Sylvestre, déterminera si le parti renaît — ou s’effrite pour de bon.
                                                                        
                                                                        
                            
                            
                            
                            
                            
                                        
                                        
				            
				            
				            
 
			        
 
			        
 
			        
 
			        
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