Par La Rédaction | Lementor.net
La Côte d’Ivoire s’avance dans le mois de novembre avec une impression contrastée, mêlant espoirs politiques, signaux économiques et drames humains. À Abidjan comme à l’intérieur du pays, la tension politique monte à l’approche des législatives du 27 décembre, tandis que la société retient son souffle après la mort tragique d’un gendarme à Touba. Entre manœuvres de partis, ambitions individuelles et gestes de gouvernement, le pays vit une séquence charnière où chaque mouvement semble compter double.
Sur le terrain politique, les fissures internes au PDCI continuent d’alimenter les conversations. La “fracture Emmou-Thiam” n’est plus un simple murmure de couloir ; elle s’est imposée comme un sujet central au sein du vieux parti. Le Dr Emmou Silvèstre, proche du terrain et fin stratège, ne cacherait plus sa désapprobation face à la ligne de fermeté adoptée par Tidjane Thiam et ses soutiens, qui affirment haut et fort que “le candidat du PDCI, aujourd’hui et demain, c’est Tidiane Thiam, et rien d’autre”. Ce positionnement exclusif, perçu par certains comme un verrouillage, a provoqué des remous. Des indiscrétions rapportent que le Dr Emmou aurait plaidé pour une ouverture tactique vers Ahoua Don Mello, figure respectée de l’opposition, mais cette idée a été sèchement écartée par la direction. Depuis, les échanges se seraient refroidis, révélant deux conceptions différentes de la stratégie à adopter face au RHDP : la première, ferme et verticale ; la seconde, plus souple, tournée vers la coalition et la visibilité nationale.
Dans ce contexte, le parti au pouvoir, lui, avance sans état d’âme. Le RHDP a lancé la bataille des législatives avec une impressionnante mobilisation : plus de six cents dossiers de candidature déposés, une logistique huilée, et une volonté affichée de verrouiller l’hémicycle. L’objectif est clair : conserver une majorité écrasante à l’Assemblée nationale pour garantir la stabilité institutionnelle du mandat présidentiel. Cette posture dominante suscite autant d’admiration que d’inquiétudes : admiration pour la rigueur organisationnelle, inquiétudes pour le pluralisme démocratique. L’opposition, encore secouée par ses divisions, tente de se recomposer à la hâte. Le PPA-CI explore des alliances locales, le PDCI prépare ses candidatures, et une partie de la société civile espère que ces élections offriront au pays un nouveau souffle de diversité politique.
En toile de fond, le gouvernement tente de maintenir un climat de confiance à travers des gestes économiques ciblés. La baisse de dix francs CFA sur le litre de super sans-plomb annoncée pour novembre est un signal, certes modeste mais symbolique. Elle traduit la volonté de l’exécutif de rester attentif au coût de la vie, dans un contexte mondial de volatilité énergétique. Pour beaucoup, cette mesure est autant politique qu’économique : elle apaise, elle rassure, et elle montre que le gouvernement garde la main sur les leviers du quotidien. C’est aussi une manière d’adresser un message de stabilité aux investisseurs, à quelques semaines d’échéances électorales majeures.
Mais au-delà des joutes politiciennes et des chiffres économiques, le drame de Touba est venu rappeler la fragilité humaine derrière la façade d’un État fort. Le décès d’un gendarme, retrouvé mort à l’entrée de son escadron, a choqué l’opinion. L’armée est en deuil, la population s’interroge, et l’on redécouvre avec douleur que la sécurité nationale ne repose pas seulement sur les équipements ou les doctrines, mais sur les hommes eux-mêmes, leur moral, leur équilibre, leur fardeau. Ce drame, survenu dans une région jusque-là paisible, met en lumière la nécessité d’un accompagnement psychologique réel des forces de l’ordre, souvent confrontées à des pressions et des isolements silencieux.
La Côte d’Ivoire traverse donc un moment à la fois décisif et révélateur. Derrière les calculs électoraux, les tensions partisanes et les annonces économiques, se dessine un pays qui cherche son équilibre — entre l’affirmation du pouvoir et le besoin de pluralisme, entre la croissance et le coût de la vie, entre la stabilité institutionnelle et les fractures internes. L’épreuve politique à venir ne sera pas seulement celle des urnes, mais celle de la cohésion. À l’approche des législatives, chaque geste, chaque parole, chaque silence compte.
L’histoire récente du pays a montré qu’il sait absorber les secousses et se réinventer. Reste à savoir si, cette fois encore, la classe politique saura dépasser les querelles de personnes pour renouer avec l’esprit d’unité et de responsabilité qui a toujours fait la force de la Côte d’Ivoire. Novembre s’ouvre avec des contrastes, mais aussi avec des promesses : celle d’un pays qui, malgré ses blessures et ses divergences, continue de croire en son avenir commun.
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