Adama Ouédraogo Damiss-Lementor.net
Une délégation conduite par le ministre nigérian des Affaires étrangères a séjourné au Burkina Faso le 17 décembre 2025 afin de rencontrer le capitaine Ibrahim Traoré. Cette mission s’inscrivait dans le cadre de ce que l’on désigne désormais comme l’« affaire du C-130 » de l’armée de l’air nigériane, un aéronef ayant atterri à l’aéroport de Bobo-Dioulasso, épisode qui a ouvert une séquence de tensions diplomatiques avec les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Selon les comptes rendus relayés par les médias d’État burkinabè, les émissaires du président Bola Ahmed Tinubu auraient présenté des excuses au capitaine Traoré. Il n’en fallait guère davantage pour que l’espace public s’enflamme et que les interprétations les plus diverses émergent.
Pour certains observateurs, ces excuses seraient interprétées comme la reconnaissance implicite d’une violation de l’espace aérien burkinabè par le Nigeria. Pour d’autres, elles illustreraient la fermeté du pouvoir burkinabè et la stature politique du capitaine Ibrahim Traoré, devant lequel il conviendrait de faire preuve de retenue. D’aucuns vont même jusqu’à soutenir que, si le Nigeria disposait d’une puissance coercitive suffisante, il aurait pu recourir à la menace ou à la force, y voyant la preuve que le Burkina Faso serait désormais un État militairement dissuasif et pleinement souverain.
Chacun est libre d’apprécier ces lectures. Toutefois, leur généralisation tend à occulter les ressorts fondamentaux de la diplomatie. La force ne saurait constituer une réponse systématique aux différends internationaux. En l’espèce, le Nigeria se trouvait confronté à une situation sensible, impliquant la présence prolongée de plusieurs de ses ressortissants ainsi que d’un aéronef militaire sur le territoire burkinabè. L’enjeu principal était dès lors d’obtenir une issue favorable par des moyens pacifiques. Dans de telles circonstances, les postures émotionnelles ou les démonstrations de force sont rarement opérantes. L’histoire récente montre que même les États les plus puissants privilégient le dialogue et la négociation lorsqu’il s’agit de situations assimilables à des détentions sensibles.
Par ailleurs, Abuja ne pouvait ignorer l’existence de précédents au Burkina Faso. Des ressortissants français, en l’occurrence quatre agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), y avaient été détenus pendant près d’un an pour des accusations d’espionnage. Divers récits, largement relayés dans les milieux diplomatiques et médiatiques, ont évoqué l’existence de discussions portant sur des compensations financières substantielles en contrepartie de leur libération. Les montants avancés variaient considérablement, certaines sources faisant état de sommes très élevées. Des États du Golfe auraient, selon ces mêmes récits, proposé des mécanismes de soutien financier ou de financement de projets, sans que ces pistes n’aboutissent. In fine, une médiation marocaine a permis la libération des ressortissants français. Les modalités exactes de ce dénouement n’ont toutefois jamais été rendues publiques et demeurent sujettes à interprétation.
Dans ce contexte, le choix du Nigeria de privilégier la retenue et la voie diplomatique apparaît comme une option rationnelle. Une approche plus coercitive aurait pu compliquer davantage la situation et réduire les marges de manœuvre en vue d’un règlement négocié.
Ces éléments, souvent absents du débat public, permettent d’éclairer différemment cette affaire. En définitive, le Nigeria a fait preuve de tact, de prudence et de discernement, en privilégiant la négociation à la surenchère rhétorique, dans l’espoir d’un dénouement apaisé et conforme aux usages diplomatiques.
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